LEMIÈRE Désiré

 LEMIERE Désiré alias « Chordeille »


Résistant Secteur Ferme, "Jardin"  responsable du groupe de Saint Laurent-Trévières- Vierville

  • Lemière Désiré, Alphonse
  • Né le 9 novembre 1897 à Louvières (47 ans en 1944)
  • fils de Alphonse Joseph, journalier, âgé de 48 ans et de Victorine Alexandrine Étienne, couturière, âgée de 32 ans
  • Marié le 18 octobre 1924 à Louvières avec Madeleine Augustine Léontine Demaine. Il  eut trois enfants.
  • Profession : agriculteur et menuisier devenu facteur auxiliaire à Saint Laurent sur mer car ses terres sont en partie réquisitionnées et minées.
  • Résidant à a Saint Laurent sur mer (Hameau de Fosses taillis)
  • Résistant depuis janvier 1943, contacté par G Thomine, au sein du réseau Alliance secteur de Trévières-Saint Laurent-Vierville. 
  • Agent de renseignements : en faisant journellement ses tournées entre Saint-Laurent et Colleville, il pouvait observer l’évolution des fortifications du Mur de l’Atlantique sur le secteur d’Omaha (armement, emplacement des champs de mines, situation des troupes etc.). Il transmettait ensuite ses informations à Robert Douin, responsable du secteur du Calvados.
  • Arrêté le 5 mai 1944 entre Vierville et Saint Laurent puis passe à son domicile (ferme familiale) ; il est  interné à la maison d’arrêt de Caen
  • Fusillé le 6 juin 1944, dans une cour de la Prison de Caen. Inhumé provisoirement dans la cour de la prison puis le  30 juin  exhumé et transporté par les allemands dans un autre endroit inconnu. Les corps des victimes du massacre n’ont pas encore été retrouvés.

  • TITRES
    • mention "Mort pour la France" et "Interné résistant" le 18 janvier 1963
    • Médaille militaire, la Croix de guerre, la Légion d’honneur et  Médaille de la Résistance.
    • Son nom figure sur
      •  le monument commémoratif aux déportés et fusillés, résistants de Bayeux et du Bessin, à Bayeux, 
      • sur la plaque commémorative de la poste aux victimes de la Guerre 1939-1945, à Caen 
      • sur les monuments aux morts, à Saint-Laurent-sur-Mer et Vierville-sur-Mer (Calvados).
      • Une rue de Saint-Laurent-sur-Mer porte son nom



Le facteur D Lemière                                                                                                                     En famille




ARRESTATION
Le témoignage de sa fille Simone Lemière : le 5 mai 1944, Simone Lemière, âgée de 17 ans, trayait le vaches avec sa mère lorsque :

"De ma fenêtre, j'ai vu la traction s'arrêter devant notre ferme. Papa en est descendu, accompagné par les deux types de la " Gestapo ". Il a appelé maman. Ils sont entrés dans la maison. On tremblait de peur. Le poste de TSF était simplement caché dans une armoire, recouvert d'une couverture. Papa était toujours à l'écoute de la BBC. Souvent, il revenait chez nous, aux environs de minuit. Sans cesse, il nous répétait la même excuse: j'ai bu un coup chez un tel. Bien plus tard, nous avons compris que Papa ne voulait pas nous mêler à ses activités, pour nous protéger en cas de coup dur. Papa s'est débarbouillé sous le regard indifférent d'un des types de la " Gestapo ". L'autre surveillait les alentours, debout devant l'entrée. Maman était figée, ne comprenant rien à cette arrestation. Papa était très calme. Il l'a rassurée, lui disant qu'il serait très vite de retour. La gestapo ne lui a pas permis de dire au revoir à ma sœur et mon frère, ils avaient 14 ans et 3 ans, et ils étaient à la fenêtre quand Papa est reparti, ils pleuraient. Puis, ils sont tous remontés dans la traction et sont partis en direction de Caen.
On ne savait rien des activités de notre père. Il s'en allait souvent à vélo, le soir, c'est tout. Dans la journée, il était facteur, en plus de son travail à la ferme, un complément indispensable, on ne pouvait plus mettre les vaches dans les champs à cause des mines.

Les semaines qui suivirent furent affreuses. Aucune visite n'était autorisée, mais, Monsieur Etasse, de Saint-Laurent, chaque semaine, allait en vélo à la prison y déposer du linge propre et maman y glissait des galettes. Je ne sais pas très bien comment, mais maman a reçu des lettres de mon père, griffonnées sur des bouts de papier. Il conseillait à ma mère de les brûler après les avoir lus. Sur l'un d'eux, il expliquait que des plans de champs minés étaient encore dans notre maison (que l'on a jamais retrouvés)

Périodiquement, on le transférait rue des Jacobins. Là, il était torturé. On raconte qu'à chaque sortie de cette odieuse maison, "le sang lui pissait au bout des doigts ! ". Le 7 juin, les américains sont arrivés. Nous attendions toujours le retour de papa, mais n'avions plus aucune nouvelle. Puis Caen fut libéré, mais papa ne revenait toujours pas... On y croyait tous les jours, avec la Libération il pouvait revenir d'un moment à l'autre

Ce n'est qu'au mois de septembre que maman, mon petit frère, ma sœur et moi, avons reçu la visite d"un officiel nous annonçant son exécution, survenue le matin du 6 juin 1944. Il mourut dignement pour la France, ainsi que Georges Thomine, Albert Anne et Robert Boulard. Même après l'annonce officielle de sa disparition, par écrit, nous avons continué à y croire, il pouvait être parti à l'étranger...
Un service religieux a été célébré en la mémoire de papa le 24 septembre 1946 à Louvières, sa commune de naissance. Son nom sera gravé sur le monument aux morts de St-Laurent et de Vierville, une rue de St-Laurent lui sera dédiée. Mais jamais son corps ne sera retrouvé, ni ceux des autres fusillés de la prison, pourtant des prisonniers de Caen ayant témoigné au procès des responsables de la fusillade ont indiqué que la rotation des camions emmenant les corps avait été courte, ils ont peut-être été enterrés pas très loin de la prison…"


" Désiré LEMIERE est le premier arrêté ; circulant à vélo entre VIERVILLE et SAINT-LAURENT, il est brutalement coincé contre un mur, embarqué dans une voiture noire qui passe par la ferme familiale – il voit alors pour la dernière fois femme et enfants." d'après JM Oxéant




INTERROGATOIRE SYNTHESE

Désiré Lemière explique comment  (son collègue et voisin) Olard  lui demandé à faire fuir (son beau frère)  Caby pour le mettre en sécurité, personne qu'il connaissait "brièvement".  Il l' évoqué en parlant à son "marchand de poissons" Thomine  qui ensuite a été en contact  avec Caby mais il ne connait pas la nature la nature des activités.
Après  avoir été torturé, il indique que son ami de jeunesse Boulard lui a demandé  de l'accompagner dans ses activités "le moment venu" et "par stupidité" il a accepté... Cependant il n' a encore "commis aucun acte contre les troupes allemandes".
Désiré Lemière est très habile pour parler de façon ambiguë afin de  ne rien dévoiler, ce qui déplaira à la Gestapo qui va le torturer pour le faire parler davantage, mais il sera encore  très flou en évoquant son ami Boulard.
Au final la Gestapo aura peu de charges contre lui.





INTERROGATOIRE traduit



                                                   Caen, le 12.5.1944

                                    Interrogatoire
A la prison de la Wehrmacht à Caen, est présenté le ressortissant français et agriculteur LEMIERE, Désiré
Né le O9/11/1897 à Louvières, domicilié à Vierville-sur-mer, et déclare, ayant été élucidé sur le sujet de l'interrogatoire et averti de devoir dire la vérité, ce qui suit:

Sur la personne:

Mon nom est comme indiqué ci-dessus, je suis né à Louvières le 09/11/1897, le plus jeune fils de mes parents, maintenant décédé, Alfons L. né le 28/08/1848 à Longue-sur-mer, décédé le 17/02/1917 à Louvières et son épouse Victoire, née Etienne, née le 16/05/1866 à Formigny, décédée le 09/04/1937 à Louvières. J'ai fréquenté l'école primaire, puis je suis allé travailler comme ouvrier agricole pour divers agriculteurs. Pour des raisons de santé, malformation cardiaque, j'ai été exclu du service militaire et n'ai pas participé à la guerre mondiale 1914-1918. Je suis marié avec Madelaine, née Demaine, née le 05/07/1904 à Longeville. J'ai trois enfants âgés de 17, 14 et 3 ans. Je suis catholique, je n'appartiens à aucun parti politique et je n'ai pas de casier judiciaire.

Sur l'affaire: 

L'infraction dont je suis accusé a fait l'objet d'une discussion avec moi, et j'ai les commentaires suivants à ce sujet : L'été dernier, Olard, le facteur que je connais bien, qui distribue le courrier dans mon village, est venu me voir et m'a dit que pour l'électricien Caby, qui vit à Villers-Bocage, s'était devenu trop chaud et qu'il prévoyait de fuir en Angleterre. Je ne connaissais ce Caby que brièvement.

D'après le discours de M. Olard, Caby aurait dû se rendre coupable de quelque chose avec du matériel de transmission. Olard m'a demandé si je connaissais quelqu'un, un pêcheur ou un marin, qui pourrait m'aider dans cette affaire. À Port-en-Bessin vivait un pêcheur nommé Thomine, il nous fournissait régulièrement du poisson à ma famille et à moi. Quelques jours après ma conversation avec Olard, Thomine est venu dans mon appartement avec des poissons. À cette occasion, j'ai immédiatement demandé à Thomine son avis sur la possibilité de faire passer un français en Angleterre. Thomine a répondu que c'était très difficile, mais que lui, Thomine, pouvait placer le Caby ailleurs en sécurité. Quelques jours plus tard, il est venu chez moi et m'a laissé l'emmener chez Caby à Villers Bocage. Après avoir donné des instructions à Thomine, je suis retourné à mon appartement.

Je ne sais pas ce qui a été discuté entre Thomine et Caby. Je n'ai pas eu de véritable conversation ou discussion avec Caby. Je n'ai pas non plus reçu d'instructions ou d'ordres de Caby pour espionner les unités de troupes allemandes et leurs logements. Caby ne m'a jamais non plus dit que je devais l'informer des mouvements militaires. Je ne savais pas et je ne sais pas aujourd'hui que Caby appartient à une organisation qui s'occupe d'espionner les positions militaires.

J'avoue sous la menace qu'un jour, Boulard, que je connais bien depuis ma jeunesse, est venu chez moi et m'a demandé si je voulais bien l'accompagner le moment venu et s'il pouvait compter sur moi. J'ai demandé des explications plus détaillées à ce sujet. Boulard m'a dit qu'il me donnerait les instructions nécessaires au moment opportun, après quoi j'ai accepté d'y aller avec lui. Ce que j'ai fait dans ma stupidité, je n'en ai pris conscience que plus tard. Que mon aide à Boulard était dirigée contre les troupes d'occupation allemandes était tout à fait clair pour moi. Cependant, je n'ai commis aucun acte contre les troupes allemandes, mais j'étais prêt à soutenir le Boulard à un moment donné, que je ne comprenais pas moi-même. Je ne peux pas donner plus d'informations à ce sujet.
J'assure que j'ai dit toute la vérité et que je n'ai rien caché.

L'interrogatoire a été mené en français, j'ai pu le suivre et j'ai tout compris. J'en reconnais
l’exactitude par ma signature.




RAPPORT FINAL ALLEMAND traduit


14 Le citoyen français
Désiré Lemière, né le 9,121.97 à Louvieres,
Domicilié à Viervilles/mer, agriculteur, marié,3 enfants âgés de 3 à 17 ans

a rejoint le groupe des trois à l'instigation de Boulard. ( p. 47 de l'A.), et cela en pleine conscience de l'objectif du groupe de résistance dirigé contre la puissance occupante allemande. Il était conscient d'avoir assumé une activité spéciale en cas d'urgence et se sentait également lié par les instructions générales indiquant l'urgence.



INTERROGATOIRE : ARCHIVE ORIGINALE










































Sources
Archives sur les fusillés de la prison de Caen le 6 juin 1944 – SHD Vincennes GR 28 P3 71 » publication de Marc Antoine de Saint Pol

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire