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Activités du réseau Alliance

Plan

1- LE RENSEIGNEMENT
2- LES COMMUNICATIONS
3- LES ACTIVITES DE RESISTANCE
4- ALLIANCE ET LES SERVICES SECRETS



1- LE RENSEIGNEMENT

Les anglais récoltent les fruits des renseignements  du réseau qui bénéficie d'une aide très importante des services secrets britanniques qui le qualifient de la plus efficace centrale indépendante de renseignements en France occupée.

A l'actif d'Alliance figurent notamment du renseignement militaire sur toit le territoire et en Afrique du Nord

  • Des transmission d'informations et relevés topographiques
    • mouvements, emplacement de bateaux, sous marins (U-Boots)  (activité du sous réseau "Sea Star"  implanté à Lorient, Toulon, Bordeaux, La Rochelle, Brest qui surveille les activités Tous les mouvements de navires et U-boot sont ainsi connus et transmis => voir le dossier organisation du réseau)
    • construction et localisation des emplacements défensifs comme le mur de l'Atlantique
    • activité, mouvement, emplacement des troupes nazies.
    • création de cartes, croquis des installations allemandes dans l'Ouest et sur le littoral atlantique et méditerranéen
    • Transfert d'une carte des côtes de la Manche précisant toutes les forces allemandes ce qui contribua au succès du grand débarquement  (Carte de R Douin)
    • Pendant l'été 1943, le réseau Alliance recueille des informations d'une grande importance sur l'existence d'armes secrètes (V1et V2) avec la découverte du laboratoire en Allemagne et la construction de plateformes de lancement en France. Des raids aériens britanniques détruiront un tiers des installations secrètes allemandes. (Alliance fut un des premiers réseaux à révéler les armes secrètes d’Hitler, les V1 et V2 qui seront lancés sur Londres de juin 44 à mars 45. )

  •  Des opérations en mer
    • bateaux  vers l’Angleterre en Bretagne (réseau Sibiril) en 1942/43
    • sous marins vers Gibraltar (5 et 7 novembre 1942)
    • enlèvement au Lavandou par vedette rapide britannique-février 1944
  • Des missions diverses
    •  l’organisation du passage du général Giraud vers l'Algérie en novembre 1942 et devient l’un des éléments de la résistance giraudiste. 
    • 14 opérations Lysander à Ussel dès avril 1942 (14 opérations, 54 passagers A/R)
    • chaînes de passage par les Pyrénées pour agents via Bézier et Oloron


En Normandie : du renseignement  militaire en particulier sur

2- LES COMMUNICATIONS

Les renseignements recueillis étaient essentiellement transmis aux alliés grâce aux émissions clandestines d'un  réseau d'appareils radios accrochés sur la Centrale de Londres.
Les moyens de communication avec les services alliés  pour transmettre les renseignements sont toutefois variés  mais nécessitent  de prévoir des lieux de parachutages, des terrains pour les atterrissages de Lysander, des lieux surs d’accostage pour des navires ...

Les principaux : 

-le courrier (d'octobre 1940 à avril 1944)  mais, c'est long avant d'arriver  à destination. C'est le premier moyen traditionnel de transmission qui, au début des années 40 s'effectuait soit par mer avec un départ de Bretagne ou Méditerranée, soit par terre en franchissant la frontière suisse ou espagnole avec ensuite un long parcours via le Portugal ou Gibraltar.
Le problème de ces transports étaient leur durée beaucoup trop longue et, de plus, se révélaient peu fiables. Il fallait souvent passer par des diplomates français complices ou par des ambassades

Les documents sont toujours codés :
- à l'encre sympathique était utilisée. Si l'encre sympathique est fournie parles anglais, il est facile de s'en fabriquer avec quelques produits pharmaceutiques.
- codés/chiffrés, souvent en morse avec transposition de lettres et chiffres que MM Méric maîtrise parfaitement. Il existe même de mini dictionnaires de codes  pour les novices.
Dans tous les cas aucun nom réel n'apparait (nom de personnes ou de lieux). Faye a même inventé le "code Corniche" qui cachait dans un texte en clair une phrase. Chiffrer et déchiffrer demandait compétence et efficacité

-Les émissions radio (d'avril 1941 à la Libération), octobre 1941 : 6 postes fonctionnent,  maximum 20  postes de radio en service en 1943. Lire notre Dossier "Radio"

-les parachutages de matériel avec comité de réception  à partir de 1941 (une trentaine en tout), qui   assuraient le ravitaillement en matériel radio, questionnaires, armes fonds, matériel de toutes sortes, livres, vêtements. C'est le nouveau groupe "Avia" qui s'en charge. Ainsi "Bla" l'agent britannique (en, fait, agent double) arrive ainsi le  5 aout 1941.

-Les opérations aériennes de Lysander  (ou Lizzies) permettant d'amener ou d'emmener des agents (Première opération en avril 1942 à Ussel ; au total, 14 opérations effectuées, pour 54 passagers) sont mis en place peu à peu. Le réseau, utilise en tout une dizaine de terrains, qui doivent être souvent abandonnés après une seule opération. Le Lysander est un avion capable de se poser et redécoller sur 300 mètres sur des terrains de fortune. il emportait du courrier, amenait ou expatriait des agents du Réseau ainsi que du matériel. C'est toujours  le nouveau groupe "Avia" qui s'en charge.

-autres moyens les navires,  parfois utilisés ponctuellement, au gré des circonstances : opérations de transfert de personnes par sous-marin (Le Lavandou, Le Cros-de-Cagne) ou par bateau (Carantec, Le Lavandou, Le Cros-de-Cagne), transport de courrier par bateau (Sète - Barcelone avec le "Coëtlogon" et le "Saint Brieuc").


3- LES ACTIVITES et l'ORGANISATION DE RESISTANCE

  • le Recrutement
Le recrutement se fait essentiellement par relation, directe ou indirecte. Toutefois certaines professions en rapport avec l'activité du réseau sont ciblées : officiers de l'armée, cheminots, représentants de commerce, qui voyageaient beaucoup et boutiquiers qui pouvaient servir de boîte à lettres.
Alliance recruta dans tous les milieux sociaux, religieux et politiques, auprès de la droite militaire et nationaliste, des communistes, des hauts fonctionnaires, des cadres, des artisans et des agriculteurs... La moitié des membres appartenait à la fonction publique en raison de leur position stratégique pour obtenir des renseignements, et plus du quart du réseau était composé de femmes .
  • les Activités 
Etre résistant n'est ni un métier, ni une activité ordinaire, aussi l'organisation est-elle spécifique au sein de ces groupes d'hommes et de femmes qui ont choisi de lutter contre l'occupant et s'opposer au gouvernement de Vichy. Comment agir pour une activité clandestine pour laquelle on a reçu aucune formation ? D'ailleurs, le terme même de Résistance n’existe pas.

 Les résistants sont classés selon leur activité :
    • "P0" qualifie les résistants ou agents occasionnels
    • "P1" concerne les résistants réguliers mais qui gardent leurs couverture de travail
    • "P2" qualifie ceux qui devaient entrer complètement en clandestinité , donc sans aucun revenu, aussi dépendaient-ils des aides financières du réseau
    • "sympathisant" est un terme ambigu qui concerne une personne plus ou moins proche d'un résistant (famille, ami, voisin, collègue) qui peut avoir fourni ponctuellement un service.

Le mot d’ordre est de conserver une vie banale pour préserver le plus longtemps possible les siens, aussi faut-il limiter les allées et venues trop nombreuses qui éveillent la curiosité de collègues ou de voisins. Ne rien faire pour se faire remarquer : recevoir trop de visites à des heures inhabituelles (donc avoir recours à des lieux neutres tels que des cafés pour se réunir). Changer d’adresse, revêtir une fausse identité devient le lot commun du résistant ce qui complique la tâche quand on sait que le système de cartes se généralise pour le ravitaillement, l’habillement… Pour circuler, le résistant adopte le mode de locomotion privilégié à l’époque : la bicyclette qui permet aussi de camoufler mots d’ordre et messages dans les pneus ou le guidon.

Les résistants ont des activités personnalisées et spécifiques :
    • chef de secteur : le responsable du petit groupe local : Caby à Villers Bocage

    • agent de renseignement : activité de base pour le résistant d'Alliance. La plupart des résistants cités sont des agents de renseignements. Il faut noter que pour certains leur métier favorise ce type d'activité : facteurs, pêcheurs, agriculteurs...
Exemples de documents réalisés par des agents de renseignements
 (ne proviennent pas du secteur Jardin)


relevé topographique d'atterrissage de Bouilhancy



Défenses allemandes de Saint Valéry

    • agent de liaison: personne qui transporte et délivre des messages (verbaux, instructions, rendez-vous, lettres souvent codés) donc c'est une sorte de facteur ! Ce sont souvent des jeunes gens âgés (18/25 ans) qui se déplacent discrètement à pied, à bicyclette, et par les transports publics dans des lieux qu'ils connaissent parfaitement. Par sécurité on accepte pas les retards de plus d'un 1/4 d'heure. Ces agents de liaison déposent leur message dans "les boîtes aux lettres". Discrétion, courage, disponibilité, rapidité, sont autant de qualités requises. C’est pourquoi ce sont presque toujours de jeunes garçons et filles capables de passer leurs journées en courses harassantes ou de faire des voyages longs et pénibles dans les trains où ils doivent se méfier de leurs voisins.
 Jean Truffaut alias "Tadorne" est l'agent de liaison du groupe, il en a le profil type : jeune (22 ans) célibataire, résidant à Carentan mais étudiant à Paris qui doit donc se déplacer entre ses villes.


exemple de message décodé




    • la "boîte aux lettres" C'est le complément indispensable de l'agent de liaison. Elle est réalisée par un résistant dont le métier est compatible avec cette activité comme commerçant qui a des contacts fréquents. Cette boîte vivante reçoit et transmet le message à un autre agent, souvent un responsable. Cette boîte peut être "statique" ou "morte", sous la forme de l'habituelle boîte à lettre d'un couloir d'immeuble par exemple ou dans une cachette à la campagne. L'agent de liaison peut aussi être une femme qui n'attire pas l'attention

       Maurice Primault est la boîte aux lettres à Caen, il a le profil type : chef de service du rayon marine de la quincaillerie Legallais-Bouchard à Caen aussi voit-il passer beaucoup de monde dans ce grand magasin très connu.

    • opérateur Radio : un rôle stratégique et fondamental qui nécessite des compétences spécifiques pour communiquer avec Londres. Ainsi Jean Caby par son métier est à la fois opérateur à Villers Bocage et le dépanneur radio du groupe.  Ferdinand Rodriguez dit Pie, est le responsable des transmetteurs pour la France, il transporte un peu partout en France des émetteurs radio (à Bayeux). Il assure ses propres émissions du PC et met au point un un système de coordination entre le PC et chaque secteur, ce qui se révèle très efficace. Robert Douin émettait également en radio vers Londres via un émetteur radio dans le clocher de l’église Saint-Nicolas, à Caen.
exemple de message codé transmis par radio



    • autres activités spécifiques comme 
      •  "agent de sécurité"
      •  "agent d'hébergement" 



4- ALLIANCE ET LES SERVICES SECRETS

L'objectif principal est  le renseignement, mais  qui renseigne-t-on ?

  • Alliance et les services secrets
    • les services secrets français

      • Le deuxième bureau
        Il est en charge du renseignement sur les autres nations. Après la défaite de juin 1940, le gouvernement de Vichy continua d’utiliser ces services, entre autres pour la répression des résistants et communistes. Cependant, nombre d’agents des services de renseignements eurent tôt fait de jouer un double jeu dès 1941. Ils aidaient la cause des Alliés soit en les renseignant, soit en nuisant aux activités de l’occupant. 

      • Le Bureau Central de Renseignement et d'Action (BCRA)  à Londres
         De leur côté, les Français libres créent le BCRA ( Bureau Central de Renseignement et d’Action ) à Londres en communication continue avec les gaullistes. Finalement, tous les services de renseignement des Français libres furent fusionnés dans la Direction générale des Services Spéciaux, sous l’autorité de Jacques Soustelle. Après des discussions à Londres Marie Madeleine Méric-Fourcade décide de rejoindre le BCRA, dirigé par le colonel Passy. L'intégration eu lieu en mars 1944, lors de la fusion entre les services d’Alger et ceux de Jacques Soustelle Londres. 

    • Les services secrets anglais

      •  le  Special Operations Executive (SOE) , est créé en juillet 1940, destiné à l'action. Il existe plusieurs sections contrôlant l'action en France, principalement la section F, la section RF et AMF.
        La  section F, qui agit sans coordination avec la France libre, est confiée en  novembre  1941  à  Maurice Buckmaster . Des agents parachutés recrutent de nombreux agents en France qui dépendent directement des Britanniques tout au long de la guerre. La section  F  a suscité la colère du général de Gaulle, qui a demandé, en vain, sa suppression. De Gaulle ne supportait pas qu'il y eût des réseaux agissant en France hors du contrôle de la France libre. La section  RF, créée plus tard, coopère avec le  BCRA. La section  AMF, basée à  Alger, après avoir brièvement collaboré avec les giraudistes, se met au service des gaullistes.
        Selon l'historien britannique Michael R. D. Foot, le SOE a envoyé en France  1  800  agents, dont  1  750  hommes  et cinquante femmes, pendant la durée du conflit.. Les agents du SOE ont armé  250  000  résistants  français, et se sont livrés à d'efficaces opérations de sabotage. . 
      •  le  M16  (l’Intelligence Service) a pour mission le renseignement. Une partie des services  travaille directement avec le BRCA, et, un autre, dirigée par Kenneth Cohen agit directement avec plusieurs réseaux en France et les soutient, notamment  Alliance. 

      •  le  MI9  est chargé des évasions des soldats alliés.

    • Qui profite des renseignements d'Alliance ?

       Loustaunau-Lacau se rend à Lisbonne,  pour rencontrer Kenneth Cohen, du MI6   le 14 avril 1941, la négociation dure  trois jours.  "Crane"  (nom de code de Cohen) souhaite que le réseau s'occupe avant tout de renseignements, Loustaunau-Lacau obtient que les services britanniques avancent les sommes nécessaires au développement du réseau. Loustaunau-Lacau explique également qu'il continuera à aider les envoyés de De Gaulle, et qu'il le tiendra au courant des activités du réseau, par l'intermédiaire de Fourcaud. Crane accepte ces requêtes, à condition que les Britanniques soient toujours les premiers informés des renseignements obtenus. Un nouveau système de récolte d'informations codées est mis au point. Les Anglais fournissent à Loustaunau-Lacau un poste-émetteur, permettant enfin la transmission rapide des informations, ainsi que cinq millions de francs. Toutefois, par sécurité, . Loustaunau-Lacau ne donne aux Anglais aucun renseignement sur les personnes qui composent le réseau.

      En 1942, Faye rencontre de Gaulle  ce qui améliore les rapports entre Alliance et les gaullistes, toutefois  les autres réseaux critiquent leur  (ancienne) proximité  avec  Vichy et leur  leur soumission à l'autorité britannique...

      En 1943,  Marie-Madeleine Méric  à Londres, a de mauvais rapports avec les différents services de renseignements de la France libre : d'une part, le BCRA reproche à l'Alliance de ne jamais directement fournir de renseignements à la résistance gaulliste ; d'autre part, les services giraudistes estiment qu'ils n'ont pas à apporter de moyens à une organisation dont ils récupèrent de toute manière les renseignements par l'entremise de l'IS. Les relations entre les membres du réseau établis à Londres et les représentants de la France libre sont donc plutôt antagonistes, au mieux inexistantes...

      En Mai 1944, le réseau Alliance s’unit au B.C.R.A.  de De Gaulle  de la France libre qu’au moment de la fusion entre les services d’Alger et ceux de Londres.

La résistance dans le Calvados et le Bessin : présentation

  • Une présence locale
La résistance dans le Calvados, comme dans le Bessin, ne représentait, comme partout en France, qu'une faible proportion d'habitants (3 pour 1000). Certains  secteurs se sont révélés très actifs comme  Villers Bocage ou  comme  le futur "Omaha Beach" (Saint Laurent sur Mer / Vierville) rare secteur littoral, avec de petits villages, situé en "zone côtière interdite" où l'on trouvait  une activité de résistants, en nombre relativement important: 5 personnes d'après les fichiers de J Quellien, universitaire et spécialiste de la résistance. 


La circulation est libre à l’intérieur de la zone côtière pour les personnes domiciliées ou demeurant depuis au moins trois mois dans la zone côtière interdite.
Pour les autres, une autorisation établie sous forme de laisser-passer, accordée en cas de besoins administratifs et économiques urgents, et, en principe, qu’à des Français.



Le concept de "résistance" a évolué dans le temps, aussi elle n'a pas un aspect uniforme, cela va des initiatives individuelles aux groupes plus ou moins organisés et évolutifs selon la répression allemande. Toutefois, les divers groupes de résistance ont tous été spécialisés dans le renseignement, une activité fondamentale sur un espace côtier  dont les services anglais veulent connaître toutes les activités et implantations de l'ennemi.
  • D'abord, la "résistance civile"
La résistance à l’occupant apparait précocement dans le Calvados, toutefois il s'agit, dés 1940, de montrer son hostilité à l'encontre de l'occupant, il s' agit davantage d'une forme de "résistance civile" que d'une résistance organisée. La cohabitation entre la population civile et les soldats allemands se détériore avec  beaucoup de passivité et souvent de l'hostilité qui se manifeste par  des gestes peu aimables, injures, affiches déchirées, parfois  des menaces, des coups. On ne  porte pas d'aide  à des allemands en difficulté (un navire qui coule, un accident sur la route...), on n'assiste pas aux manifestations (théâtre, concerts, cinéma) organisés par l'occupant, on cache ses armes et ses munitions malgré l'interdiction. Même le clergé s'en mêle qui fait sonner les cloches à l'heure française ou  réalise des sermons anglophiles qui invitent " à prier pour la France et  son alliée". 

Certains actes isolés se terminent mal pour leur auteur  ainsi : 
-Tous les auteurs de "sabotage"  lorsqu'ls sont pris encourent la peine capitale. En août 1940, Jules Becquemont, un ouvrier agricole, est arrêté alors qu’il sectionne des câbles téléphoniques : il sera le premier fusillé du Calvados, le 10 février 1941.  Leon Guezet arrêté en 1941 sera exécuté en janvier 1942, le jeune Georges Chandez âgé de 6 ans sera déporté en 1941.
-Le 11 novembre 1940, des étudiants, lycéens et collégiens observent une minute de silence devant le monument aux morts de la place Foch à Caen.
-le 11 mai 1941, on fête Jeanne d'Arc, "la résistante" à la cathédrale de Lisieux et en ville, à Caen. avec divers incidents. Le 14 juillet fleurissent rubans, bouquets tricolores et  habits qui juxtaposent  les trois couleurs.
-Les "V"  comme victoire son de plus en dessinés un peu partout ce qui amènera à élargir le couvre feu de 20H à 5H du matin et à fermer les cafés dès 19 heures.


  • Naissance de divers groupes dans le Calvados
Assez tôt (fin 1940) de véritables organisations de résistance se mettent en place dans le Calvados, il s'agit de petits groupes, qui, très vite,  se structurent en  groupes actifs bien implantés.
 
De plus la demande de renseignements  sur les positions côtières des troupes allemandes, du côté anglais, est très forte avec parfois des actions commandos (Saint Laurent sur Mer, le 12 janvier 1942), des transmissions via des pigeons voyageurs dont les allemands interdisent la possession, et la présence d'"agents dormants" de l'"Intelligence service" comme Jean Hopper et  Arthur Bradley  qui devint agent double au profit des allemands ! Egalement  le colonel Passy coopère avec les services britanniques en envoyant dans le Calvados des équipes pour effectuer des activités clandestines (Carpiquet).
 
Les premières organisations s'implantent  dés 1940 dans le Calvados :
-"le groupe Robert" : Fin 1940, par l'intermédiaire d'un agent britannique, Robert Guédon est mis en contact avec André Michel, peintre caennais qui dirige également un groupe de résistance à Caen. Les deux groupes agissent dès lors de concert.  Parallèlement, Robert Guédon prend contact à Paris avec le Colonel Heurteaux, chef du réseau Hector. Au final, le groupe Robert et le groupe d'André Michel intègrent le réseau Hector en mai 1941. 

-"l'armée des volontaires":  Au même moment, fin1940,  en liaison avec l'Intelligence Service, se forme à Caen sous l'impulsion de l'artisan couvreur René Vauclin et de sa femme Olvie  un groupe qui se rattache à l'"Armée des volontaires". Ce groupe se développe vite et  s'implante aussi dans le Bessin (Isigny, Port en Bessin et  Neuilly la forêt). Toutefois des dissensions politiques freinent le groupe, le sculpteur Robert Douin  le quitte en 1942  pour pour rejoindre "Alliance"

D'autres groupes se développent  tôt comme le "réseau Interallié" (ou F2)  surtout implanté dans la Manche, et, des  1940, des membres du Parti communiste,  forment un petit groupe de Résistance comprenant ouvriers et étudiants, surtout actif pour  distribuer des tracts et coller des affiches. Très surveillés,  beaucoup seront arrêtés, après l'invasion de l'URSS. Ensuite, les communistes se réorganisent  avec le "Front National" surtout implanté  à Caen pour réaliser des sabotages de voies ferrées.

  • L'organisation de la résistance
 A partir de  1942, alors que la guerre bascule,  la résistance dans le Calvados se développe et s'organise. D'après l'historien J Quellien, on passe ainsi quelques centaines de résistants  à environ 2500 personnes impliquées dans la résistance. Pour la période 1940-1944, l'historien J Quellien  dénombre  21 mouvements et 41 réseaux différents d'importance très inégale, beaucoup apparus depuis 1942. Les deux principaux mouvements pour leur  effectif sont  l'OCM et  le Front National.

En fait, il faut distinguer: 
    • Les réseaux sont liés aux services secrets basés à Londres. Ils sont spécialisés dans la collecte de renseignements, l’organisation de filières d’évasion et le sabotage. En raison de la position stratégique du Calvados, pas moins de 40 réseaux y sont dénombrés dont les plus importants sont :
      • Centurie :  service de renseignement français, créé en 1940 par le colonel Rémy et qui dépend de l'OCM. Il transmet des informations sur les troupes et les défenses allemandes.
      • Alliance surtout implanté dans le BessinRéseau de renseignement travaillant pour les Britanniques fondé dès 1940 par Georges Loustaunau-Lacau, fait prisonnier, il s'évade en août 1940 et décide de passer à l'action.  Marie-Madeleine Fourcade , alias "Hérisson", prend sa succession après son arrestation en juillet 1941, épaulée par  Jean Roger, alias "Dragon" ou "Sainteny". Ce dernier ayant   une résidence secondaire à Aignerville, dans le Bessin,  il  y implante et  développe dans le Bessin un réseau de résistance " Secteur Ferme" du réseau Alliance.
      • Zéro-France (sûreté de l’Etat belge) est fondé en 1940. Le secteur du Calvados créé en 1943 par A Lepeu se développe surtout dans le secteur de Dives-Cabourg.
      • Hector (France libre) : fin 1940, Robert Guédon, officier de carrière, implante le réseau de renseignement Hector, première organisation de résistance du Calvados,  avec de nombreux membres dans le Bessin dont  Albert Escolan, professeur, devient le chef de groupe. En octobre 1941, l'Abwehr porte un coup sévère au réseau Hector en arrêtant de nombreux membres. Les rescapés rejoindront d'autres organisations comme Alliance.
      • Arc-en-ciel (BCRA) fondé en 1942, il comprend la "Zone de feu", dirigé par Jean Héron en Normandie. Le réseau fait du renseignement et fabrique de nombreux faux papiers pour ses agents et les réfractaires au STO. Le réseau de Caen est démantelé, plusieurs membres seront fusillés le 6 juin 1944 à la prison de Caen.
      • Mithridate  créé en 1940 en France, et en 1943 dans le Calvados pour se consacrer  essentiellement au renseignement pour les anglais (Intelligence Service). Il comptera une trentaine de membres. A Bayeux c'est Marcel Alombard,  expert agricole,  qui est le responsable, spécialiste du renseignement sur le batterie de Longues
    • Les mouvements n’ont pas de liens formels avec Londres au moins jusqu’en 1943. Ils se distinguent par une activité importante de propagande et par les orientations politiques de leurs membres. Sur les 21 mouvements dénombrés dans le Calvados, les plus importants ont été :
      • L’Organisation civile et militaire (OCM) : créée en 1940 et majoritairement dirigée par des membres du Parti radical et  composée de nombreux officiers de réserve. Au printemps 1942, Marcel Girard  est chargé d'implanter cette organisation de Résistance en Normandie à Caen, il fait appel à ses anciens camarades de l'Armée des Volontaires.


         L'OCM est efficace et très structurée avec un responsable par canton (Jouin à Trévières), dirigée localement par Robert  Delente  (notaire) et Guillaume Mercader  (magasin de cycles) de Bayeux ; s'occupant essentiellement du renseignement, elle fournira de précieuses indications sur la pointe du Hoc grâce au groupe de Grandcamp de Jean Marion et A Farine. C'est également ce réseau qui a permis d'aider le rescapé du commando anglais "Aquatint" (Saint Laurent sur Mer) par l'intermédiaire de Madame de Brunville d'Asnières. Ce réseau  bien implanté dans le Bessin (Isigny, Grandcamp, Trévières, Littry...) a comme objectif le renseignement pour deux sites  : Batteries de longues et Pointe du Hoc.

      • Le Front national (FN): créé au niveau national par le Parti communiste au printemps 1941, représente un groupe important  implanté à Caen, près de la gare,  où existent de nombreuses caches. Il est présent à Bayeux avec des employés du rail autour d'Edouard Lefèvre, employé à la société d'Electricité.
        A noter que sa branche militaire, les Francs-Tireurs Partisans (FTP)  créée  en 1942 est peu implantée en raison de la  géographie du Calvados, peu propice au développement de maquis sauf dans sa partie sud avec en particulier  le maquis de Saint-Clair Clair près de Clécy et le maquis Guillaume le Conquérant à Vire.

      •  le Mouvement de Libération-Nord dirigé par M Fouque à Caen, dont les seuls représentant du Bessin furent les cousins Poitevin (dont Arthur, professeur de musique aveugle ! qui se promène sur le littoral accompagné d'un jeune garçon qui lui décrit ce qu'il voit.. Arthur mémorise tout...)

Les frontières entre les types d’organisation ne sont cependant pas figées. Certains peuvent appartenir à deux réseaux différents ; lorsque le réseau Hector est démantelé dans le Calvados en novembre 1941, les membres rescapés rejoignent divers autres groupes.
Pour le Bessin, on compterait 130 à 180 personnes membres actifs de la résistance dont  environ 37 pour Alliance.


  • Diverses actions mais  surtout le renseignement  
Ces équipes observent et transmettent des renseignements d'une grande précision, en effet quoi de plus naturel qu'un facteur en tournée qui n'hésite pas à discuter [se renseigner discrètement] avec les habitants ? De même qui se méfierait de ces braves pêcheurs qui jettent leurs filets face aux bunkers en construction? Enfin, qui se méfierait d'un aveugle qui se promène sur le littoral avec sa canne blanche ?

Toutefois si le renseignement représente l'activité principale, ses champs d'action furent nombreux mais ponctuels dans notre département en raisons de  sa spécificité :  une zone côtière "interdite" et la présence de 100 000 allemands pour une population totale de 400 000 personnes, rendant les actions particulièrement difficiles et héroïques.

Pourtant ces organisations ont aussi pratiqué
  • Sabotages et attentats, dont les plus emblématiques sont les attentats d’Airan des 16 avril et 1er mai 1942 ;
  • Réseaux d’évasion pour les aviateurs alliés (une centaine sera sauvée), les juifs persécutés ou encore les réfractaires au STO.  Ainsi G Hayes, membre du commando Aquatint (12 sept 1942 à St Laurent sur mer) qui fut le seul à pouvoir d'échapper fut aider par des membres du réseau OCM ( Madame de Brunville)  et du groupe "Jean Marie Buckmaster" ; malheureusement Hayes fut pris à Paris et fusillé en 1643.
  • Propagande et manifestations ainsi le réseau Hector publie le premier journal de résistance "Les petites ailes" diffusé sur Bayeux et diffuse des affichettes et des tracts.
  • Aide aux réfractaires du STO. Heureusement, Alexis Nicoals, gendarme à Bayeux membre d'OCM, indique qu"il néglige les ordres de recherches de réfractaires", son collègue Germain Le  Lefer agit de même d'autant qu'il connait des refuges de réfractaires ! Une aide précieuse.
  • Réalisation de faux papiers pour les résistants et les réfractaires au STO souvent réalisés par des instituteurs ( Couliboeuf) des secrétaires de mairie et des imprimeurs (Deslandes). 
  • Cache d’armes et parachutages : Le BOA (Bureau des Opérations Aériennes) est chargé d'organiser les parachutages avec le BRCA  (Bureau Central de Recherches et d'Action) de De Gaulle. Dans le Bessin, un seul terrain est homologué(N°22 nommé "Souris" puis "Brome".) Il est situé à 500 m au NE de Longueville ( à 18 km de Bayeux) mais a peu servi en raison de la proximité de la côte et du nombre important d'allemands présents.
  • Préparation de la Libération à partir de 1943 et missions dans le lignes  à partir du 6 juin 1944 : ce sont surtout des membres d'OCM qui participent à de dangereuses missions de renseignements à proximité des lignes ennemies.
  • Présence de maquis bien que la géographie du Calvados y soit très peu favorable sauf dans le sud (maquis de Saint-Clair  et le maquis Guillaume le Conquérant. ) : 


  • Le réseau Alliance : son rôle

La résistance locale du réseau Alliance n'a pas réalisé d'actes spectaculaires, le grand nombre d'allemands présents sur ce secteur côtier classé "zone interdite", l'explique, toutefois elle a agi avec beaucoup d'efficacité essentiellement au niveau du "renseignement" ce qui a grandement favorisé le succès du débarquement. En effet même si les alliés prenaient des vues aériennes du littoral ou envoyaient des commandos en reconnaissance (exemple, à Saint Laurent, le 18 janvier 42 puis le 12 septembre 1943, avec le désastre de l'opération "Aquatint"), cela ne suffisait pas : il fallait obtenir des renseignements très précis et actualisés. Ainsi Douin réalisa une carte gigantesque par ses dimensions et sa minutie


  • La répression
A partir de 1942 la répression se durcit. Jusqu’alors menée par la Wehrmacht, à l’été 1942, elle passe partiellement sous le contrôle de la Gestapo et de ses auxiliaires français « la bande à Hervé ».

Au début de l’Occupation, les exécutions constituaient la principale forme de répression : exécutions d’otages et exécutions consécutives à des jugements prononcés par les tribunaux militaires allemands. La plus emblématique est l’exécution du 15 décembre 1941, dont les victimes sont des résistants parisiens, à l’exception de Michel Farré, un jeune résistant de Colombelles.

A partir de 1942 et surtout 1943, les résistants arrêtés sont généralement déportés, même si une forme de répression judiciaire à visage légal se maintient, notamment contre les résistants communistes. 



De décembre 1943 à juin 1944, les réseaux et mouvements calvadosiens vont être durement frappés avec près de 200 arrestations. Les victimes du massacre de la prison de Caen le 6 juin 1944 sont également majoritairement des résistants, tels les membres du réseau Alliance arrêtés entre le 17 mars et le 5 mai de la même année.



Sources partielles :
Le calvados dans la Guerre Orep éditions Jean Quellien 
Bayeux et le Bessin 1940-1944. Ouvrage collectif 

Du rôle de la résistance

En préambule, quelques photos
(ne concerne pas le réseau Alliance local qui ne pratique que le renseignement et donc il n'existe pas de photos correspondant  à ce type d'activité
   
  Sabotage Airan 15 avril 1942  Résistants FFI et Gi en Normandie
   
 Libération d'Ecouché par des FFI  Secteur Omaha Beach (Surrain). 7 juin 1944.
Gustave Joret, paysan normand vient en aide à cet officier des Affaires Civiles.
 Juste après la prise de cette photo, M. Joret a été tué par erreur par un soldat américain
 





Quel rôle a joué la Résistance en Normandie ?
Avant, pendant et après le débarquement, le rôle de la résistance normande est controversé. Jugé à l'époque de "non négligeable" par le chef des forces alliées en Europe, il est de nos jours relativisé par les historiens qui en limitent l'importance, surtout en ce qui concerne les actions de combat. Tout dépend de l'échelle de vision de la résistance que l'on aura...

  • Comment les résistants apprennent le débarquement ?
C’est par la BBC que les résistants apprennent le débarquement par la BBC. Ils attendent la diffusion de messages bien précis en écoutant la radio. Le grand public retient aujourd’hui les vers de Verlaine (« les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone »). En réalité, la BBC diffusa de nombreux autres messages énigmatiques, chacun s’adressant à des groupes de résistants particuliers. Ce sont des phrases moins poétiques du genre « Il fait chaud à Suez » ou « les dés sont sur le tapis ». "les carottes sont cuites", "le chat sort et chasse", ou encore la deuxième partie de la première strophe du poême de Verlaine : "Blessent mon coeur d’une langueur monotone".
 La première partie, "Les sanglots longs des violons", avait quant à elle été diffusée dés le 1er juin pour inviter les résistants à se tenir prêts. Un premier message les informe de l’imminence du débarquement puis, quelques jours plus tard, le 5 juin, un second message leur commande de passer immédiatement à l’action.
  • Que doivent-ils faire en  faveur du débarquement du 6 juin 1944 ?
Ils doivent perturber la contre-offensive allemande vers les plages de Normandie avec  
-Le "plan vert" est déclenché le soir du 5 juin 1944, soit quelques heures avant le débarquement de Normandie. Il doit permettre de bloquer dans toutes les régions côtières de France, le transport des divisions allemandes de renfort, empêchant ainsi leur concentration et réduisant fortement leurs capacités opérationnelles. Il se réalise par toute une série de coupures simultanées de voies ferrées et de fils de télécommunications,
-le plan Tortue qui vise à interrompre ou gêner la circulation routière Ce dernier plan passe par exemple par l’abattage d’arbres sur la voie ou par l’inversion des panneaux de direction. Des bombardiers remplissent aussi ces missions, mais les résistants ont l’avantage d’être beaucoup plus précis que des bombes larguées à haute altitude.
-le plan rouge,  les résistants particulièrement  mal armés peuvent pratiquer  la guérilla, harcelant les arrières de l’ennemi mais en Normandie cela est impossible où ils n’ont pas pour mission de libérer la région…
  • Que font-ils réellement ?
L’annonce du débarquement  est un grand espoir pour la résistance mais les résistants normands se rendent compte très vite  qu’ils risquent trop à se découvrir. Les Alliés avancent beaucoup plus lentement qu’ils le pensaient et les troupes allemandes ne cessent de grossir pour repousser l’invasion.

Les résistants ne  sortent vraiment de l’ombre lorsque  le front ne se situe plus qu’à quelques kilomètres. Certains traversent alors les lignes pour informer les Alliés des points de défense allemande et les guider dans la campagne. Parfois, les Normands s’enhardissent jusqu’à libérer eux-mêmes des communes. Fin août 1944, dans l'Orne, les FFI (Forces françaises de l’Intérieur) chassent l’occupant de Mortagne, Longny et de nombreux villages du Perche.
  • La répression continue-elle ?
Parallèlement, la répression ne faiblit pas malgré l’urgence de la situation. Les groupes de Français qui collaborent avec la Gestapo comme  la bande à Hervé et la bande à Jardin continuent de  sévir dans le Calvados et l’Orne même s'ils doivent reculer  à l'arrière

  • Que deviennent ensuite les résistants ?
Certains continuent le combat en intégrant l’armée régulière, notamment la 2e division blindée du général Leclerc ou les bataillons de marche de Normandie. La guerre terminée, ils retrouvent souvent leur vie d’avant, quelques uns se lancent en politique. Dans le Calvados, Léonard Gille, un temps président du Comité départemental de Libération, échoue à la députation et doit se contenter d’être élu conseiller général.
  • Au final dans quel domaine les résistants ont-ils été efficaces ?
L’apport de la Résistance en matière de renseignement a été réellement essentiel, en témoigne l'exceptionnelle  carte réalisée par Douin grâce aux apports des membres de son rédseau



Quel  impact réel de  la Résistance  d'un point de vue global  ?

  • Des alliés reconnaissants
Pour le commandant des forces alliées en Europe, le général Dwight Eisenhower, "les FFI ont joué un rôle non négligeable dans la préparation du débarquement allié en Normandie et dans la libération de la France". 
 A l'époque, il avait évalué l'aide apportée par les résistants normands à l'équivalent de quinze divisions régulières. Mais en plus de la disponibilité de ces troupes, il soulignait la contribution des résistants au plan Vert, un ensemble d'actions de sabotage contre les transports de troupes et de munitions qui permit alors, en deux jours, de détruire 98 locomotives.
Selon le général américain William Donovan, chef de l'OSS, l'Office of Strategic Services qui se chargeait de l'aide aux mouvements de résistance, 80% des renseignements utiles lors de la libération de la France ont été fournis par les services secrets gaullistes.

  • La résistance, Oscar du meilleur second rôle ...
Même si les effectifs des FFI sont passés de 100 000 en janvier 1944 à 200 000 en juin puis à 400 000 en octobre de la même année, les historiens tempèrent le jugement porté sur le rôle de la résistance lors du débarquement.
Les résistants ont certes fourni d'importants renseignements sur le dispositif allemand le long des côtes avant le 6 juin 1944, mais leur rôle au combat a en revanche été négligeable face à l'énorme machine de guerre ennemie.
 « Que pouvaient faire quelques centaines de résistants au cœur d’une bataille gigantesque opposant des centaines de milliers d’hommes ? »  
"Il y avait 500 à 600.000 Allemands engagés dans la bataille de Normandie. Que voulez-vous que fassent quelques types face à ça ?", 
demande Jean Quellien, professeur à l'Université de Caen.
 "L'honneur est sauf, ils ont fait ce qu'ils pouvaient... Mais ils ne pouvaient pas faire grand chose".
Selon Olivier Wieviorka, professeur à Normale sup Cachan et auteur d'une "Histoire du Débarquement en Normandie", "avec ou sans la Résistance, la France aurait été libérée, mais pas de la même manière : la Libération aurait été plus difficile, plus sanglante, et moins rapide". Pour lui, "les Alliés n'ont jamais vraiment compté avant le Débarquement sur la Résistance qu'ils considéraient comme un bonus". "Mais dans l'ensemble, elle a joué un rôle qui a plutôt agréablement surpris les Alliés", notamment après le passage de l'armée régulière lorsqu'il s'est agi d'utiliser les résistants comme éclaireurs près des lignes allemandes, de leur faire garder des infrastructures comme des ponts ou encore de garder des prisonniers, observe-t-il.
Selon Olivier Wieviorka, les Alliés incluent bien tardivement la Résistance dans leur stratégie et, de toute façon, n’envisagent pas de l’armer en masse.
Voir son entretien ici.
En fait, la Résistance s'est avérée beaucoup plus combative en Bretagne, avec l'éclosion presque dès le Jour-J, de 30.000 FFI, rappelle M. Wieviorka. Ces résistants ont isolé la Bretagne, obligeant les Allemands à mettre parfois une semaine pour rejoindre la Normandie toute proche. Un délai précieux pour permettre aux Alliés de s'organiser.
En réalisant dés le début du mois de juin le parti qu'ils pouvaient tirer de l'appoint de ces résistants, les Alliés ont parachuté massivement des armes au profit des combattants bretons.

 Antony Beevor
Auteur du livre "D-Day et la bataille de Normandie", l'historien britannique Antony Beevor, souligne que les "molles collines normandes ne se prêtent guère au combat de maquis comme les régions montagneuses. On ne pouvait de ce fait, s'attendre à ce que des résistants à Caen se comportent comme des résistants yougoslave, qui ont livré de véritables batailles rangées contre la Wehrmacht".
A contrario, la Résistance a joué un rôle majeur en sabotant les voies ferrées et les lignes téléphoniques ennemies. "L'attaque des lignes de communication représente une contribution importante de la Résistance sur toute la Normandie car elle a retardé l'arrivée des renforts allemands", souligne M. Beevor.

 Michel Baldenweck (GHRis de Rouen) juge : "la Résistance ne peut éviter ni les sabotages allemands de dernière heure, ni le transport des troupes vers la Basse-Normandie. [Par contre], l’apport de la Résistance en matière de renseignement a été décisif ".

Jean-François Muracciole 
" Résistance ou pas, sans doute les Alliés auraient-ils libéré la France selon un calendrier guère différent. "

Et  la Résistance   dans le Calvados ?

Il faut d'abord préciser que le Calvados de part sa situation géographique a une position particulière et originale par rapport aux autres départements français : un département littoral fortement occupé, situé face à l'Angleterre, lieu possible pour un débarquement, avec un espace  côtier "Zone interdite", donc un espace stratégique. 
Rien ne favorise l'implantation de la résistance et pourtant elle s'organisa, très diversifiée. Pour la période 1940-1944, l'historien J Quellien dénombre  2500 personnes impliquées dans la résistance avec  21 mouvements et 41 réseaux différents d'importance très inégale, beaucoup apparus depuis 1942. La résistance fut particulièrement active pour le renseignement, une nécessité en vue du débarquement,  la preuve, elle fut pourchassée avec une  violence inouïe (massacre de la prison de Caen, le 6 juin 1944)  par les occupants. 
La population civile, ancrée à droite, encadrée par les notables et l'église est prudente et manque parfois de conviction, mais n'hésitera pas à afficher son mécontentement dès1940 et à agir discrètement  pour aider les réfractaires, les aviateurs alliés, les juifs et les résistants, ce qu'on considère comme une forme de  "résistance civile". Ces hommes et femmes qui ont refusé de pactiser avec les allemands ont parfois sauvé des vies par fraternité, sans être des résistants et sans  jamais rien demander en retour. Cela ne se mesure pas...
En 1944, spontanément  tous les civils aident les alliés, ensuite la population se rallie massivement à De Gaulle après sa visite dans le Bessin et sera longtemps fidèle au gaullisme. Pourtant, ce département dévasté en 1944, a beaucoup souffert de la libération avec 8000 morts et de nombreuses villes et villages détruits, sans oublier les déportés et les centaines de résistants exécutés.

Si les historiens modèrent l'impact global de la résistance, il faut tenir compte du fait que les résistants n’ont pas pour mission de libérer  le Calvados, ils ne disposent  ni des moyens humains et matériels, ni de l'armement nécessaire, ni de la formation indispensable. De toute façon, les Alliés  n'ont jamais inclus  la Résistance dans leur stratégie, dans le Calvados, elle était essentielle  uniquement pour le renseignement, et, cet objectif de "renseigner" a été parfaitement réalisé par la résistance, et, en particulier, par le réseau Alliance : la fameuse carte de 17m  de long de R Douin est restée dans les annales !
Pourtant,  ce résultat,  oublié ou minoré, est souvent considéré comme mineur, alors que la résistance  a payé un lourd tribut en 1944. 


Alliance : Un réseau de résistance méconnu

 Un réseau de résistance méconnu: Pourquoi ?

Bien que le réseau Alliance soit le plus grand réseau de renseignement, il est méconnu ainsi que ses membres.  Les ouvrages généraux consacrés à la Résistance oublient complètement de le citer y compris les ouvrages d'universitaires  sur la résistance (O Wieviorka "Histoire de la Résistance" ne l'évoque pas et J Quellien effleure le sujet...). De fait, aujourd'hui, les références bibliographiques  concernent des chercheurs indépendants non historiens, les témoignages publiés des survivants et des proches et  quelques biographies des responsables. Rien d'autre.

Le réseau Alliance a souffert, et souffre toujours, de son origine et  de ses spécificités : un fondateur d'extrême droite, un réseau lié aux anglais proche de Giraud et en froid avec De Gaulle, un réseau dirigé par une jeune femme. Pourtant, un réseau efficace  spécialisé dans le renseignement qui a souffert de très nombreuses et lourdes pertes, et donc, de témoins ; des survivants modestes exclus des honneurs...  Au final, un réseau oublié.

Une explicitation nécessaire autour des thèmes :
-Loustaunau-Lacau le fondateur du réseau
-Un réseau proche de Giraud
-Un réseau en froid avec De Gaulle
-Un réseau qui n'aime pas les communistes
-Un réseau dirigé par une femme
-Donc un réseau de vichysto-résistants ?
-Un réseau qui n'aurait fait, seulement, que du simple renseignement ?
-Un réseau dont de nombreux acteurs ont disparu
-Modestie des survivants comme MM Fourcade
-Au final, un réseau évincé des honneurs
-Conclusion

  • Loustaunau-Lacau  le fondateur du réseau

    • Une  brillante carrière mais ...  des idées d'extrême droite
      C'est un militaire condisciple de Charles de Gaulle qui sort en 1924 major de sa promotion et qui fait une brillante carrière. Mais aussi un activiste proche de l'extrême droite, mettant en place au sein des forces armées le réseau anti-communiste Corvignolles, et diffusant les thèses antisémites, il fut sanctionné en en 1938. Réintégré dans l'armée en septembre 1939, il est arrêté le 22 mars 1940 au front sur ordre de Daladier, car il s'en est pris au ministre des transports, qu'il accusait d'intelligence avec l'ennemi. Il est emprisonné puis libéré le jour de la Pentecôte 1940. Il prend alors part à la bataille de France dans le secteur de Verdun et revendique la destruction de 22 chars ennemis , il sera grièvement blessé et fait prisonnier mais parvient à s'évader dans des circonstances mal définies en août 1940.
      Il poursuit à partir du 3 septembre à Vichy ses activités de renseignement et d'action souterraine. Loustaunau-Lacau est un proche de Pétain. Il est alors nommé par le gouvernement, Délégué général de la Légion Française des Combattants ( LFC) créée par loi publiée le 29 aout 1940, "œil et oreille" du Maréchal. Il y voit le moyen de constituer autour d'officiers le rassemblement de la revanche et de mettre sur pied un réseau de renseignements militaires. Il agit alors dans un sens tout à la fois anti-allemand et anticommuniste, refusant les propositions de rejoindre Londres. En même temps, il fonde avec de l'argent versé par Pétain un foyer d'entraide tenu par son ancienne collaboratrice, Marie-Madeleine Méric. Il commence à recruter des agents pour un nouveau réseau "Navarre" (son nom de plume) mais son activisme tapageur déplait...Il est lâché par Vichy. Il pense qu' un commandement clandestin en France est nécessaire, en effet il ne croit pas en une résistance extérieure, et, de plus, ne veut pas être soumis à De Gaulle qui, à ses yeux, n' a pas les moyens de l'aider financièrement et matériellement. D'ailleurs De Gaulle refuse toute coopération.

       Par la suite, il sera arrêté par la police française, remis à la Gestapo, en 1943, puis  déporté à Mauthausen.  Il se ralliera à De Gaulle et deviendra  après 1945,  député de droite


    • Une personnalité fantasque
      Historienne, Johanna Barasz a consacré sa thèse aux « vichisto-résistants » et indique :
      -son ambition était de rassembler la « droite nationale » et d’en prendre la tête
      -Il est extrêmement fantasque et fondamentalement on le considère fondamentalement comme un dingue ! Il énerve beaucoup de gens dans l’entourage de Pétain, surtout Darlan, entre en conflit avec tout le monde et on lui coupe les subventions
      -on le considère comme très louche, toujours dans les magouilles, obsédé par le renseignement, mangeant à tous les râteliers. Mais aussi quelqu’un de très charismatique. Au début de sa carrière militaire, il était très bien noté et sera premier à l’Ecole de guerre, devant De Gaulle...
      -il a cru pouvoir mener une activité anti-allemande sous le couvert de Vichy et il comprend vite que Vichy n’en a pas la moindre intention. Le ralliement au général Giraud, a permis a beaucoup de changer de camp, quand ils ont compris que Pétain les conduisait dans le mur, sans avoir à rejoindre de Gaulle.

    • Une relation difficile  avec De Gaulle qui  entraîne une "alliance" avec les services britanniques
      Le commandant Loustaunau-Lacau a offert ses services au général de Gaulle  par l'intermédiaire du capitaine Fourcaud, services  refusés par le général....... Il prend alors contact avec l'Intelligence Service et rencontre à Lisbonne, au Portugal, le Commander Cohen le 14 avril 1941.


      Pierre Fourcaud début septembre 1940 quitte Londres pour Lisbonne puis Madrid afin d'effectuer sous le pseudonyme de "Lucas" une première mission en France dans la zone non occupée. Il y est chargé de se consacrer à la création d'un réseau de renseignement. Se rendant à Vichy, il y multiplie les rencontres et en octobre, il est présenté au commandant Georges Loustaunau-Lacau, chef de la Légion française des combattants. Ce dernier, en train de monter un réseau de renseignements avec l'appui discret de Groussard et les moyens de la Légion, lui propose de lui transmettre les informations qu'il réussira à rassembler. Fourcaud accepte, et reçoit en échange les précisions concernant les camps d'aviation allemands près de la ligne de démarcation.
      Le 18 décembre 1940, il regagne Londres ou il fait son rapport au général de Gaulle, sur ces contacts avec les socialistes et sur des possibles rapprochements avec certains cercles de Vichy.
      Le 13 janvier 1941, il repart en zone non occupée pour tenter de coordonner les premiers résistants sous l'autorité du général de Gaulle. Reprenant ses contacts à Vichy, il annonce à Loustaunau-Lacau qu'il a interdiction de travailler avec un réseau qui refuse le commandement de de Gaulle. Loustaunau-Lacau le connaît personnellement, étant un de ses condisciples de Saint-Cyr, mais il a fait passer, par l'ambassadeur du Canada Pierre Dupuy, un manifeste destiné à être diffusé par avion, qui a fortement incommodé le chef de la France libre. Néanmoins, Fourcaud lui confie 500 000 francs, la moitié des moyens qui lui ont été attribués.
      Il facilite, avec Jacques Bridou, les contacts entre Georges Loustaunau-Lacau et les représentants britanniques. La rencontre à Lisbonne, le 14 avril 1941, entre Loustaunau-Lacau et Kenneth Cohen permet le rattachement du réseau Alliance à l'Intelligence Service un mois plus tard. Loustaunau-Lacau prévient toutefois Cohen qu'il continuera à informer les gaullistes, par Fourcaud (« Foudroyant » pour le réseau), de ses activités, les Britanniques n'en ayant que la primeur et non l'exclusivité.


      => Si Loustaunau-Lacau, le fondateur du réseau de résistance,  est d'extrême droite, il est en rupture avec le milieu ultranationaliste pétainiste ;  ce sont MM Méric et Faye qui  font évoluer  le réseau, et se développer dés juillet 1941, bien loin des idées d'extrême droite de Loustaunau Lacau ; Faye début 1942,  désire  un réseau "apolitique" qui deviendra réellement composé de personnes de milieux sociaux et politiques très différents dont beaucoup sont des gaullistes. Le rattachement du réseau aux britanniques tient d'abord à la rigidité de De Gaulle, et, ensuite,  à une impossible entente entre deux militaires ayant  de  fortes personnalités et des conceptions décisionnelles différentes. D'ailleurs, l'entretien Faye-De Gaulle de 1943  se terminera  cordialement avec un "Faye, vous êtes un grand français!" ce qui incitera plus tard Faye à inciter à un ralliement  aux FFL. MM Fourcade  a toujours souhaité  que le réseau soit apolitique et ne devienne pas un "mouvement". En avril 1944, elle gère le protocole d'entrée d'Alliance au BRCA en se battant pour conserver une certaine autonomie à son réseau.  Ensuite, elle soutiendra continuellement De Gaulle.


  • Un réseau proche de Giraud

    Après l'évasion du général Giraud en avril 1942, l'Intelligence Service demande à Marie-Madeleine Méric de le contacter afin de connaitre ses intentions. Après contacts, ils apprennent que Giraud souhaite rester en France pour devenir le chef de la résistance européenne prévoyant de retourner l'armée d'armistice contre les Allemands, à condition que les Anglais  fournissent en moyens et contacts. Marie-Madeleine Méric et Faye le qualifie de « délire stratégique ».   À Londres, les prétentions de Giraud inquiètent les services anglais, qui, en l'absence de Churchill et de de Gaulle, ne prennent aucune décision d'autant que les Alliés envisagent d'organiser un débarquement en Afrique du Nord.
     Mais la crainte de l'avancée allemande en France bouscule les prévisions : il faut faire passer Giraud en Afrique du Nord pour qu'il y prenne le commandement de l'armée d'Afrique. Un transport en avion se révèle retardé ;  Méric, par prudence, conseille de profiter d'un sous-marin prévu le 4 novembre au Lavandou, puis reporté à la nuit du 5 au 6, Giraud et ses proches sont embarqués.

     Le lendemain la cache du Lavandou est compromise, le PC est investi par la police : tout le groupe est arrêté et écroué à la prison de l’Évêché : Faye, Méric, son frère, les radio, la secrétaire, l'agent de liaison. Toutefois ils s'échapperont lors d'un transport avec l'aide du commissaire Piani qui devra se réfugier ensuite à Londres.

    Giraud, avec le soutien total des américains, devient commandant en chef des forces civiles et militaires. Faye part pour Alger pour obtenir de que le réseau soit bientôt militarisé mais cette militarisation du réseau se fera toujours attendre. Ensuite le luttes de pouvoir entre de Gaulle et Giraud à Alger inquiètent, les rapports des chefs d'Alliance avec les services giraudistes se détériorent : les giraudistes estiment qu'ils n'ont pas à apporter de moyens à une organisation dont ils récupèrent de toute manière les renseignements par l'entremise de l'IS et Méric estime que les giraudistes ont trop peu de moyens pour pouvoir les aider.
    Après juillet 1943  Giraud se trouve complètement marginalisé face à De Gaulle.

    => La proximité avec Giraud  n'a rien apporté au réseau,  Giraud a seulement attribué au réseau un  statut militaire sans jamais lui fournir de réels moyens. Ce soutien donné un temps, à un homme maladroit que De Gaulle a combattu et mis à l'écart,  n'a pas duré.  Pourtant,  le réseau Alliance est parfois  considéré  comme  "giraudiste".  

  • Un réseau en froid avec De Gaulle
     Loustaunau-Lacau  et De Gaulle se connaissent bien, d'autant qu'ils ont des conceptions opposées en particulier   dans l'organisation de la résistance : Loustaunau-Lacau propose deux chefs, l'un à Londres, l'autre en "zone libre"... immédiatement  refusé par De Gaulle. Désormais les liens entre  le réseau alliance et De Gaulle seront difficiles. Les venues des responsables à Londres révèlent le mépris de De Gaulle

    • Faye arrive à Londres en janvier 43, et rencontre le général de Gaulle ; si celui-ci le reçoit très mal, reprochant au réseau l'absence de renseignements sur Giraud ou l'Afrique du Nord, les tensions s'apaisent vite, Faye lui rappelant que leur contact auprès de la France libre, Pierre Fourcaud, était emprisonné jusqu'en août, et a quitté ensuite le BCRA. Pour satisfaire les deux parties, le réseau transmettra désormais ses informations via Claude Hettier de Boislambert, qui est arrivé avec Faye

    •  Méric  arrive à Londres le 18 juillet 1943. Elle a de mauvais rapports avec les différents services de renseignements de la France libre  car elle ne veut se situer politiquement : d'une part, le BCRA reproche à l'Alliance de ne jamais directement fournir de renseignements à la résistance gaulliste ; d'autre part, les services giraudistes estiment qu'ils n'ont pas à apporter de moyens à une organisation dont ils récupèrent de toute manière les renseignements par l'entremise de l'IS. Les relations entre les membres du réseau établis à Londres et les représentants de la France libre sont donc plutôt antagonistes, au mieux inexistantes. La mission de Cochet de fusionner les éléments giraudistes et gaullistes des SR est alors loin d'être efficace.

    • Rattachement au BRCA tardif, laborieux
      À la suite des nombreuses arrestations au sein du réseau qui réduit fortement son influence, les services britanniques poussent Méric à se rapprocher du BCRA ; si les échanges avec Passy sont difficiles, les services giraudistes ne la soutiennent pas non plus. A partir de février-mars 1944, en accord avec André Manuel, numéro deux du BCRA, Méric obtient la fusion entre l'Alliance et le BCRA (qui devient la Direction générale des études et recherches). Michèle Cointet estime que Méric a favorisé ce rattachement, en espérant que le BCRA lui laisserait plus de latitude que les Britanniques dans le contrôle de son réseau, et autoriserait plus facilement son retour en France à partir de février-mars 1944, en accord avec André Manuel, numéro deux du BCRA, Méric obtient la fusion entre l'Alliance et le BCRA qui devient la Direction générale des études et recherches en  conservant à Alliance une certaine autonomie.

    • => Les relations de la France libre de De Gaulle et la résistance intérieure furent complexes. De Gaulle tient à tout contrôler y compris les mouvements de résistance qui eux rejettent cette tutelle :  ils veulent être traités en égal et non pas en subordonné déjà que parfois existaient des difficultés dans la hiérarchie des réseaux, y compris pour Alliance lors du choix de successeurs aux responsables disparus. L'attitude de De Gaulle lors d'entrevues avec des responsables d'Alliance fut hautaine et désagréable, en fait comme les relations de De Gaulle avec Roosevelt et  Churchill  qui  estiment que l'attitude du général de Gaulle est "très proche de l'intolérable".


  • Un réseau  qui n'aime pas les communistes et vice versa !
    Certes à sa création le réseau de Loustaunau-Lacau luttait contre les allemands mais aussi contre le communisme.
    De fait, l'attitude du PC en 1939-40  pose problème. Le 27 août 1939, le gouvernement Daladier interdit de parution L'Humanité après son approbation du Pacte germano-soviétique puis dissout le Parti. Dès octobre 1939, le journal paraît clandestinement. 
    A partir du 17 juin 1940, le PC  négocie avec les Allemands, arrivés depuis trois jours à Paris, afin d’obtenir la reparution légale de L’Humanité. Cette initiative est prise par le responsable des cadres du PC, Maurice Tréand, alors sous les ordres de Jacques Duclos, ainsi que du député d’Amiens, Jean Catelas.  Maurice Thorez, depuis Moscou, valide ces démarches ce qu'il niera par la suite. En totale conformité avec la ligne défendue par le Parti communiste depuis le début du conflit, l'Humanité du mercredi 19 juin 1940 plaide pour la paix avec Hitler, fait l'éloge de la fraternité franco-allemande et condamne l'Angleterre : autant d'engagements politiques qui ne devraient pas heurter la censure allemande. (source)
    Quelques membres du PC comme Marcel Gitton N°3 du Parti communiste (SFIC) au début de la Seconde Guerre mondiale, fait partie des hommes politiques communistes qui contestent la ligne officielle du parti dans les années 1939-1940 à la suite du pacte germano-soviétique. Il participe à la fondation du Parti ouvrier et paysan français, formation collaborationniste, et est assassiné le 5 septembre 1941 par le militant communiste Marcel Cretagne.
    Le parti n'entre officiellement en résistance qu'en 1941, au moment de l'opération Barbarossa (22 juin) et de la création du Front national de la résistance.

    Après la guerre, le PCF qui a joué un rôle important dans le résistance, devient une force politique majeure (28% des voix en  novembre 1946).
    Avec De Gaulle avec qui les communistes ont beaucoup de désaccords,  ils s'entendent sur un point  : "Qui a eu des liens avec Pétain ou Vichy  ne peut avoir été un résistant",  parfois étendu au fait d'être politiquement de droite. Donc, Loustaunau-Lacau, grand rival de De Gaulle, en fait partie et par voie de conséquence MM Méric aussi avec les conséquences que l'on connait.
    Le PCF oublie vite son attitude de 1940 et son passé stalinien.

    Le succès aux élections de 1945 des communistes va  leur permettre de se venger de leurs ennemis : le bilan du réseau Alliance est mis en doute  et Loustaunau-Lacau sera même inculpé en 1947 pour  "affaire de complot anticommuniste", il passera 6 mois en prison avant d'être libéré suite aux fausses accusations, et comble, il recevra du gouvernement britannique une distinction militaire, les insignes du Distinguished Service Order alors qu'il est en prison.


  • Un réseau dirigé par une femme
    Elle est une des seules femmes à avoir été à la tête d’un réseau de résistance en France, une des rares avec la Belge Andrée De Jongh. Elle fut un chef incontestable et incontesté du plus grand réseau de renseignement français. Cette exception n'a jamais été mise en avant !
    • Une fille de "bonne société".
      C'est  une fille d’une famille coloniale de la haute bourgeoisie. Elle passe les dix premières années de sa vie dans les colonies françaises d’Extrême-Orient puis revient en France pour être placée par une famille très "catho-tradi" au couvent des Oiseaux, apprenant le piano, les bonnes manières et adoptant  les préjugés de son milieu, grande bourgeoise élégante et raffinée au destin tout tracé de mère de famille catholique et conservatrice. Mariée jeune à un officier, Edouard Méric, dont le principal mérite est de lui laisser une grande indépendance.
      Son destin bifurque, après son divorce, en 1936 après sa  rencontre  avec Georges Loustaunau-Lacau qui l'embauche. En 1939, Loustaunau-Lacau emprisonné laisse Marie-Madeleine seule à la tête de son groupe de presse ; plus tard, en 1941, elle lui succédera, une seconde fois, pour diriger le réseau.

    • Une jeune femme qui en impose...
      Elle a  30 ans lorsqu'elle prend le commandement d'un un réseau  qui déjà possédait près de 150 membres. Elle avait en face d’elle des officiers de haut rang, souvent plus âgés "et machos"  mais elle a la force de "leur en imposer".
      Longtemps les anglais s Anglais du MI6 ne savaient que le chef du réseau était une femme, aussi  furent estomaqués lorsqu’ils l' apprirent. ils prirent vite conscience de sa valeur personnelle et le fait que l’ennemi ne pouvait imaginer qu’une femme dirigeait un tel réseau.


      Loustaunau-Lacau la définit ainsi :«Elle est le chef d' état major, le pivot sans lequel rien ne peut tourner : elle a une mémoire d'éléphant, une prudence de serpent, un instinct de fouine, une persévérance de taupe et elle peut être méchante comme une panthère».
      Pour l'un de ses premiers déplacements à Marseille, le responsable qui l'accueille n'en revient pas : "Peuchère, c'est une femme !!!".
      Lorsque Léon Faye propose au colonel Edouard Kauffmann d’entrer au réseau, Faye a du mal à avouer à son ancien chef que le chef suprême du réseau est une femme. La décrivant avec brio, il souffle sa victoire lorsque le colonel lui répond : "alors je veux la voir" .

    • Une femme charismatique 
      Marie-Madeleine  s'impose dans un milieu d'officiers très traditionalistes peu enclin au féminisme. Sa compétence, son intuition, son sens de l'organisation et le choix qu'elle fait d'être présente en permanent sur le terrain, auprès de ses agents - dont plus du quart sont des femmes - souvent dans les pires moments, lui vaudront d'être reconnue comme le « Chef d'Alliance ».

    • Une femme  courageuse moralement et physiquement
      Malgré les nombreuses arrestations, y compris de responsables (Loustaunau Lacau, Faye) , elle parvient à maintenir la cohésion du mouvement. Elle  prend d’énormes risques et manque de peu d’être arrêtée en novembre 1941. Marie-Madeleine bénéficie cependant de l’aide de compatriotes, comme lorsqu’elle est libérée grâce à l’intervention d’un commissaire de police, après avoir été arrêtée le 7 novembre 1942 à Marseille. En juin 1944, Marie-Madeleine rentre en France. Le 18 juin, elle est capturée par les Allemands mais parvient à s’enfuir par les barreaux de sa cellule et adopte un costume d’infirmière de la Croix Rouge, avec lequel elle finira la guerre.  


      => Evoquer MM Fourcade, pour beaucoup, c'est simplement énoncer "c'est un cas isolé", sans jamais montrer son courage, sa détermination et son engagement total et apolitique qu'elle poursuivra après la guerre pour  un travail de mémoire et de soutien aux familles de résistants d'Alliance, victimes  des nazis.



  • Donc un réseau de  vichysto-résistants ?

    • Définir vichysto-résistant 
      Expression récente (années 80), définir un vichysto-résistant se révèle complexe : il n'existe aucune définition qui mette d'accorder les historiens... pour simplifier, il s'agirait d'une personne, à la fois, authentique résistant et authentique vichyste. D'un point de vue idéologique, apparaissent le désir d’ordre, l’anticommunisme, la germanophobie, le patriotisme, aussi cela concerne-t-il des hommes de droite et d’extrême droite.

      Le commandant Loustaunau-Lacau qui appelle à la résistance sous l’égide du Maréchal, lors de la première année du régime de Vichy, époque de l’ère des illusions et des possibles, est un vichysto-résistant. Ensuite la reprise en main par l’amiral Darlan et la radicalisation du régime à l’été 1941 réduisent brutalement le champ des possibles pour les vichysto-résistants qui avaient cru pouvoir exister et peser à Vichy. De plus l’intensification de la répression n’épargne pas les vichysto-résistants : Loustanau, de retour d'Alger, doit se cacher, est arrêté à Pau en 1941 sur ordre de Darlan ; Loustaunau-Lacau est condamné à 2 ans de prison puis transféré en hôtel prison. Il s'échappe en 1942 mais se rend pour éviter des ennuis à sa famille, Vichy le livre à la Gestapo le 31 mars mars 1943, torturé interrogé 54 fois en n’ayant jamais livré la moindre information, il est déporté en 1943 à Mauthausen. Un parcours singulier pour un vichysto-résistant !

      Si, à l'origine, Alliance s'est développé dans un cadre "vichysto-résistant", très vite, il s'en éloigne avec MM Méric qui formalise sa rupture avec Vichy. En effet, elle doit en 1942 se confronter avec les autorités de Vichy, ce qui tourne adroitement en sa faveur car elle est relâchée. La situation devient sans retour avec, en avril, Pierre Laval à la tête du gouvernement : MM Méric plonge à nouveau et pour toujours dans la clandestinité totale.
      Les événements de novembre 1942 (débarquement en Afrique du Nord, invasion de la Zone sud, dissolution de l’Armée) rattachent au général Giraud le réseau, rupture supplémentaire avec Vichy et confirmation du refus de se structurer autour du général de Gaulle. De fait, avec l’éviction du général Giraud en 1944, les groupes giraudistes avaient d’ores et déjà entrepris leur rapprochement, et même leur intégration, à la Résistance unifiée. Donc, en avril 1944, Alliance est intégré au BRCA à l'issue de rudes négociations… La fraîcheur avec laquelle un mouvement qui a été lié, à ses débuts,  aux vichysto-résistants fut accueilli dans les rangs de la Résistance dit beaucoup de son processus d’unification. Pourtant, les vichysto-résistants ne font plus peser de menace sérieuse, ni sur l’unité de la Résistance, ni sur la prise du pouvoir.
      D'ailleurs après la guerre MM Méric-Fourcade et Jean Sainteny soutiendront De Gaulle.

      Alliance, un vrai réseau de résistance
      Alliance, après son parcours initiatique que l'on peut qualifier de "vichysto -résitant" poursuit un but unique et spécifique : le renseignement militaire qu'il a toujours pratiqué de manière précoce et continue, désormais dans un cadre apolitique, même s'il existe dans les rangs des personnalités d'extrême droite.
      Le recrutement n'est surtout pas un recrutement politique, certes les idées de patriotisme sont bien présentes mais comme pour tous les résistants. Qualifier, aujourd'hui par simplisme les résistants d'Alliance de vichysto -résistants serait une insulte. Il suffit d'analyser l'origine et le parcours des résistants appartenant aux sous secteurs comme celui nommé "Jardin" pour comprendre qu'aucune animosité politique n'existait. Les 18 membres de "Jardin" sont pour la plupart des pères de famille (38 ans d'âge moyen) dont la situation professionnelle est très variée, plutôt manuelle, avec 22% d'agriculteurs. Il faut noter que beaucoup de professionnelle est variée et surtout bien adaptée pour faire du renseignement : facteurs, pêcheurs, agent d'assurance, artiste, commerçants, agriculteurs, électriciens ...avant tout, ils refusent d'accepter l'armistice, ne supportent pas l'occupation allemande, ne veulent pas du STO , avec, l'exemple de leurs parents qui ont vécu la guerre de 14-18, et qui, pour certains sont morts pour la France. Leur parcours héroïque est un parcours de vrais résistants, avec Alliance car c'était un réseau de résistance local actif depuis le début de la guerre, avec des responsables locaux, connus et reconnus, tel Marcel Couliboeuf,  l'instituteur de Formigny, peu importe que ce réseau soit gaulliste, communiste, giraudiste... en relation avec les anglais, le BRCA ou les américains.

      =>La problématique autour  de l'idée de "vichysto-résistant" ne concerne que le fondateur  d'Alliance et, en aucun cas,  les autres dirigeants, ni les résistants d'Alliance  pour lesquels ne comptaient qu'un idéal : défendre la France et les français.


  • Un réseau qui n'aurait  fait, seulement,  que du simple renseignement ?
    Alliance était un réseau présent partout en France et qui fonctionna, malgré les nombreuses arrestations, pendant toute la guerre, y compris fin 1944  depuis Verdun,  où le réseau Alliance continue de  fournir des renseignements à l’armée du Général George Patton. Etant un "réseau" et non pas un "mouvement" de résistance, il ne peut faire que... du reseignement ! 


    • Des renseignements variés et fondamentaux
      Les agents de l’Alliance ont  fourni en particulier
      Renseignement marin pour la Manche, l'Atlantique et la Méditerranée : concernant l'activité des sous-marins de la « Kriegsmarine » basés dans les ports français de l’Atlantique (nombre, classe, mouvements, abris, etc.) et les plans des bases sous-marines ( Brest, Lorient, La Rochelle, Bordeaux ..) et tous les mouvements des navires (ex: Opération Frankton). 
      -les déplacements des troupes en particulier en Normandie
      -La révélation de l'existence des V1-V2 : Faye apporte à Londres un rapport de Lamarque, sur la mise au point de nouvelles armes dans l'île d'Usedom  où sont élaborés les futurs V1 et V2  et, ensuite, l’emplacement des rampes de lancement des V1-V2  à Amiens. Alliance fut donc un des premiers réseaux à révéler les armes secrètes d’Hitler,  V1 et V2 qui seront lancés sur Londres de juin 44 à mars 45.Les renseignements fournis par le réseau permirent de détruire au sol bombes et rampes de lancement.
      Ci-dessous photos base V1 La Sorellerie, commune du Mesnil au Val, près de Cherbourg





      -Divers emplacements  : dépôts de carburants, lieux de stockage de matériels, transports, destinations
      -l’organisation des positions de défense (mur de l’Atlantique, Organisation TODT) avec, en particulier,  la fourniture d'un plan de 17 m de long conçu par le secteur Jardin  de Douin.


    •  Mais aussi des activités variées
      -évacuation de résistants, aviateurs, personnalités  par les Pyrénées puis l'Espagne et, en particulier la fuite spectaculaire du général Giraud en 1942 par sous marin
      -parachutages
      -nombreux terrains d'aviation (comme celui d'Ussel)  avec mise en place de liaisons en Lysander  qui permet de transporter des passagers et du matériel dans les deux sens.

    • Un réseau "hors norme"
      D'abord les anglais
      Alliance fournit d'abord et, avant tout, ses renseignements aux anglais mais, aussi, indirectement à De Gaulle suite à l'entrevue de Lisbonne de Loustaunau-Lacau avec Kenneth Cohen de l'Intelligence service le 14 avril 1941. Leur entretien dure trois jours. À la fin de celui-ci, Cohen et lui se sont accordés sur plusieurs points : les Britanniques recevront la primeur des renseignements glanés par le réseau, mais n'en auront pas l'exclusivité, Loustaunau-Lacau souhaitant conserver un lien avec les services gaullistes, auxquels le réseau n'est néanmoins pas rattaché.
      Toutefois faut-il rappeler qu' Alliance, rattaché au MI 6 britannique,  n'est pas un cas  à part 39% des réseaux travaillent avec les anglais  et seulement 22% des réseaux sont affiliés au BRCA.

      Source des données


      Un réseau doit avoir une triple activité selon le CNR


      Organisations de la Résistance de 1940 à 1944 : quelles différences ?

      Un réseau est une organisation hiérarchisée  créée en vue d'un travail militaire précis (surtout du renseignement et  évasion, parfois sabotage,...), il est  rattaché à des services secrets ( anglais le plus souvent)

      Un mouvement a pour premier objectif de sensibiliser et d'organiser la population avec une tendance politique marquée,  en utilisant le renseignement,  les actions punitives, le sabotage.



      Lors de la création du CNR en 1943,  seuls les  8  grands "mouvements" de résistance sont sont représentés, donc les "réseaux" sont exclus. De nombreux mouvements sont délaissés car Brossolette et Passy ont retenu 3 critères  pour adouber un mouvement, il faut avoir :
      -un journal
      -un réseau de renseignements
      -un groupe paramilitaire

      Le "militaire" et le "politique"  priment, excluant  de nombreux réseaux ( Wikipédia liste 322 mouvements ou réseaux).

      =>Ainsi Alliance est bel et bien un réseau "hors norme"... très spécialisé, hyper actif pendant toute la guerre et, surtout, partout en France et donc très efficace.


  • Un réseau dont de nombreux acteurs ont disparu
  • Le réseau a connu la rage et l’ignominie nazies, les souricières, les trahisons françaises, les tortures innommables, la déportation,  les exécutions, 

    • Les grandes figures du réseau ont disparu
      • Laustanau Lacau, bien que rescapé des camps, accusé de complot, il sera arrêté et passera même 6 mois en prison en 1947. Ce sont les anglais qui lui donnent une distinction militaire, les insignes du Distinguished Service Order. Il publie ses mémoires, est élu député. Il sera réhabilité (Légion d'honneur en 1952 et promu général du cadre de réserve en 1955) juste avant sa mort à 60 ans.


      • Leon Faye fut déporté en Allemagne en décembre 1943, jugé en juin 1944, il fut condamné à mort et a été fusillé le 30 janvier 1945.

  Lettre posthume, extrait "Je m'imagine l'impression horrible que fera sur vous Ia nouvelle de notre fin. Pour moi. ancien combattant, ayant offert mille fois sa vie dans toutes les guerres, mourir par le feu d'un peloton d'exécution, c'est imprévu. Mais je suis précédé et suivi, hélas, de beaucoup d'autres. Maintenant, c'est bien fini. Tout espoir, toute lumière sont définitivement partis. Ce sera un coup d'autant plus rude pour les familles que personne ne s'y attend, mais il faut que vous oubliez très vite. Devant le lait accompli, il n'y a plus qu'à s'incliner. "


      • Edouard K Kauffmann est arrêté le 21 septembre 1943, par le SD de Vichy, avec onze de ses agents. Transféré le 16 décembre 1943 à la prison de Kehl (Bade-Wurtemberg), il est exécuté à la prison de Fribourg-en-Brisgau le 28 novembre 1944.




    • Beaucoup de résistants de base trahis, arrêtés et exécutés.
      Sur les 2820 agents, environ 1000 furent  arrêtés. Au final, le réseau connait 437 morts dont 35 femmes et  189 de moins de trente ans.   

    • Des exécutions massives, de  nombreux disparus
      La plupart des prisonniers d'Alliance dans les camps furent exécutés, le plus souvent par groupes comme les 108 hommes et femmes exécutés et incinérés dans la nuit du 1er au 2 septembre, ils venaient du camp de Schirmeck transférés au camp de concentration du Struthof.

      Également, des membres d'Alliance sont exécutés dans les prisons fin 1944 : à Kehl, Coindeau et ses compagnons, à Rastatt, 12 hommes  et 4 femmes tuées et enterrées, à la prison de Pforzheim, 26  hommes et femmes, tous de l'Alliance (Dayné, Payen…), sont exécutés. Idem à la la prison de Ludwigsbur dont Kauffmann. D'autres sont abattus et jetés dans le le Rhin à Bühl ou finissent dans un charnier près du camp de Gaggenau.


      => Trop de disparitions,  à la fois de fortes personnalités, de hauts responsables et des agents de base font que l'oubli l'emporte sur la mémoire malgré le travail de MM Fourcade après guerre


  • Modestie des survivants comme MM Fourcade

    • Survivance d'Alliance
      La Seconde Guerre mondiale terminée, Méric continue à assurer ses responsabilités de chef de réseau. Après l'armistice, elle parcourt avec deux autres membres les différentes prisons et camps où les prisonniers d'Alliance ont été déportés. Elle en retrouve la trace mais pas forcément les corps.


        Marie-Madeleine Méric crée en 1945 l'Association amicale Alliance (AAA) dont elle assure la présidence. "Officier liquidateur du réseau", Méric fait établir notamment la liste de l'entièreté des 432 morts et disparus, qu'elle publie dans le « Mémorial de l'Alliance » en 1947. Elle s'occupe également de faire homologuer chaque membre, ce qui permet d'assurer la survie des familles restantes, parfois pillées par les Allemands, parfois sinistrées par les combats de la Libération, en leur permettant des droits à pension ou l'accès à des œuvres sociales. Elle authentifie les actions, et de leur attribuer des qualifications, comme P2, P1 ou PO, de demander des pensions, des décorations, d'enquêter, de collecter des archives, des témoignages pour le « Mémorial de l'Alliance ».

      Aujourd'hui, une association continue d'œuvrer mais refuse d'ouvrir gratuitement sa documentation et ses documents sur le web, ce qui ne favorise pas la connaissance du réseau...

    • MM Méric Fourcade
       Si MM Méric prend fait et cause pour le général de Gaulle, en 1947 et en 1958, milite pour le retour du général de Gaulle au pouvoir, elle ne plonge pas dans la vie politique comme  beaucoup de résistants. Elle publie en 1968, sous le titre « L'Arche de Noé », ses souvenirs de résistance pendant la guerre, puis se consacre à des associations liées à la mémoire de la résistance et déportation et à des activités humanitaires.

      =>Après guerre, les survivants résignés ne se sont sont jamais mis en avant, ainsi très peu se sont consacrés à la vie politique, contrairement à beaucoup d'autres responsables de réseau qui ont habilement su se mettre en avant.
       
      .
  • Au final, un réseau évincé des honneurs, ignoré des historiens

    • Des "compagnons de la libération" discriminatoires et sexistes...
      De gaulle crée les "Compagnons de la Libération" en novembre 1940, pour distinguer un groupe d'élite de héros réputés dans leur lutte pour la  libération de la France. A la fin de la guerre, seules 1038 personnes en sont dignes dont ... 6 femmes et seulement  3 membres d'Alliance.
      MM Méric  était commandeur de la Légion d'honneur, Médaille de la Résistance avec rosette, croix de guerre française et belge, Officier de l’empire britannique et de l’Ordre de Léopold, mais elle n’a jamais été fait Compagnon de la Libération  et pourtant elle le méritait plus que tout autre.  De même l'autre chef d'Alliance survivant Paul Bernard ne l'obtient pas... par contre Jean Rogerdit "Jean Sainteny" et Georges Lamarquedit "Pétrel" sont Compagnons de la Libération.

      Pourtant des dirigeants d'autres mouvements en font partie comme H Frenay (Combat), G Renault Confrérie Notre Dame)  alors que ce dernier a joué un rôle beaucoup moins important qu'Alliance.
      Les choix sont donc réellement discutables et surtout reflètent le sexisme de l'époque. Dans cette ambiance, les résistantes sont restées modestes, ne cherchant pas les récompenses et les honneurs, cela concerne aussi bien MM Méric que Jeannie Rousseau que l'ensemble des femmes résitantes.


    • Concernant l'histoire des résistantes, et en particulier MM Méric-Fourcade, il faut attendre 2006 pour obtenir l'ouvrage d'une historienne française, "Marie-Madeleine Fourcade un chef de la Résistance" de Michèle Cointet et, plus récemment (2019) une journaliste-historienne américaine Lynne Olson qui a publié "Madame Fourcade's Secret War: The Daring Young Woman Who Led France's Largest Spy Network Against Hitler ", ouvrage qui a  connu un gros succès aux USA mais non traduit en français.

      Quelques sites web permettent de glaner des informations, en particulier les divers articles de  Wikipédia mais, par son principe de multiplier les auteurs, parfois la confusion règne, surtout au niveau des dates, cas spécifique du riche article "Réseau Alliance"


      => Alliance paye lourdement  ses spécificités, en particulier,  sa fondation par Loustanau-Lacau,  la présence d'une femme à sa tête et  avoir fourni ses renseignements d'abord aux anglais. Qu'il y ait  une volonté politique, c'est certain, par contre ce qui étonne et surprend, c'est l'oubli des grands historiens universitaires, dans leurs publications.



CONCLUSION

Alliance, réseau de résistance méconnu, sous estimé, et, surtout, anomal :   créé par un homme d'extrême droite, longtemps dirigé par une (belle et jeune) femme, réseau non armé qui n'a fait que du renseignement pour les anglais qui le soutiennent, sans exploit militaire glorieux... mais ayant fourni des renseignements  inestimables, et, surtout, devenu le  mal aimé de De Gaulle.

Ce cumul  d'anticonformisme amène à l'atypisme. Ce réseau est hors norme, lui seul parmi tous les réseaux de résistance cumule trop de spécificités, il sort du  "normal ", de l’habituel. Ce  décalage par rapport au référentiel, à l'homme providentiel, De Gaulle, il le paie lourdement.

Pourtant, il a fonctionné pendant toute la guerre et  partout en France,  il a apporté des renseignements d'une très grande importance (activités maritimes allemandes,  localisation des défenses du mur de l'Atlantique, mouvements allemands,  découverte des implantations de V1 etV2...) Il a connu 1000 arrestations et 437 morts dans des conditions atroces que  nous n'avons pas le droit d'oublier ou minorer.
Aujourd'hui,  sans bruit ni tapage, le réseau Alliance avec ses 3000 membres, commence à sortir de l'ombre.




Sources :
-Nombreux extraits de Wikipédia comme
Complément Comment avons-nous pu oublier Marie-Madeleine Fourcade ?.. et ses compagnons comme Faye
"Marie-Madeleine Fourcade. Je répète et me redis son nom depuis quelques jours, incrédule : comment ai-je pu l’ignorer jusqu’aujourd’hui ? Comment avons-nous pu l’oublier ? Mes amis ne la connaissent pas davantage. Sur plus de cinquante personnes, non des moins informées, huit seulement connaissent son nom."