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Interrogatoires

"La torture est l’un des crimes les plus horribles qui puissent être commis contre un être humain. Elle vise à déshumaniser les victimes en perpétrant des actes de cruauté délibérés afin de priver les victimes de leur dignité et de les rendre impuissantes"  Rapport sur la torture

"Nul au monde n' a le droit de juger sans pitié celui-là qui, ayant été torturé, a parlé. Ce droit ne peut être reconnu à personne [...] pas même à celui qui sait, pour l'avoir éprouvé. [...]  J'ignore bien, quant à moi, comment je me serais comporté dans les supplices" Colonel Rémy


Tous les interrogatoires  et rapports allemands sont présentés dans la fiche  "BIOGRAPHIE" de chaque résistant  avec:

  • La biographie détaillée du résistant
  • Une synthèse de son interrogatoire
  • l'extrait du  rapport final allemand concernant le  résistant, traduit en français (ce que la Gestapo a conclu après les divers interrogatoires) 
  • L'interrogatoire du résistant entièrement traduit en français
  • L'interrogatoire   du résistant sous forme d'une copie de l'archive originale

ainsi chaque lecteur dispose de tous les documents et archives  que l'on possède actuellement


1-Nature et forme des interrogatoires

En fait, il ne s'agit pas d'une transcription de l'interrogatoire mais uniquement d'un compte rendu d'interrogatoire (s) donc la Sipo a indiqué ce quelle souhaitait

  • Tous datés de mai 1944 alors que les résistants ont été arrêtés entre mars et  début mai 44. De plus  il s'agit probablement  de la date de la rédaction du rapport. Aucune certitude sur les dates effectives du ou des interrogatoires..

  • Pour certains, il s'agit de synthèses de plusieurs interrogatoires.
    "j'admets n'ayant pas dit toute la vérité lors de mon premier interrogatoire. J'ai délibérément omis plusieurs détails importants parce que je ne voulais pas trahir les camarades de l’organisation. Je suis maintenant prêt à dire toute la vérité et je n'omettrai rien."   (J Truffaut )
    Nous ne connaissons pas le nombre d'interrogatoires par détenu, ni comment les textes ou la synthèse ont été réalisés
  • tous présentés à l'identique  avec 
    • l'identité : Nom, lieu de naissance, épouse, enfants, antécédents judiciaires, religion, parents
    • la personne : enfance, études, activité, mariage, enfants
    • le sujet : activités de résistant...

  • signés par chacune des victimes après ces phrases:
    "L' interrogatoire m'a été lu en français. Je confirme son exactitude par ma signature."  



2-Les "menaces" (tortures)  lors des interrogatoires


                                            "Sous la menace"  est la traduction retenue pour "Auf Vorhalt" 
Traduction littérale
-Vorhalt
 = grief (accusation, récapitulation, reproche), présentation, confrontation (à des charges), question après rappel des charges
-auf Vorhalt = on fait observer, sur présentation de, confronté à

"Auf Vorhalt" est l'allemand juridique typique dans les protocoles d'interrogatoire officiels et signifie, pour ainsi dire, au sens figuré, que le tribunal a présenté un certain document au témoin ("l'a tenu devant ses yeux ") afin qu'il puisse commenter son contenu.

La traduction devient donc  délicate dans le contexte d'interrogatoires de résistants en 1944 en raison des sens multiples et  sous entendus  possibles: le prisonnier a parlé  suite  à une  très forte pression, liée à une présentation de ..., à une confrontation avec..." qui peuvent  être une preuve (document, photo ...) ou une  arme menaçante, ou  un outil de torture ou  une menace de représailles sur la famille.... On connait les méthodes utilisées par les nazis pour faire parler (tortures) or un rapport officiel allemand ne peut  l'indiquer de manière formelle.

Aussi, en raison du contexte spécifique de ces interrogatoires, la traduction "sous la menace" semble une traduction pertinente. Toutefois ce terme doit être considéré comme une évocation indirecte et sous-entendue de violences, tortures morales ou physiques quelles qu'elles soient. D'ailleurs des témoignages confirment les violences subies lors des interrogatoires. 



On sait que les interrogatoires  se font avec l'utilisation de la torture avec de grandes violences et souffrances (témoignages de Simone Lemière et de la famille de Saint Pol) . De plus dans plusieurs interrogatoires est clairement  indiqué, à plusieurs reprises parfois, "Auf vorhalt" ou "sous la menace" ce qui signifie que les allemands sous entendent avoir utilisé la torture, bien sûr, sans aucune précision.

De fait, les archives montrent,  avec certitude, qu'au minimum,  7 prisonniers  sur 17, ont subi de  très violentes tortures, reconnues par "sous-entendu" par la Gestapo dans les rapports.

  • Auf Vorhalt: (sous la menace) indiqué dans le texte
    • Langeard :"J'avoue, sous la menace, que je connais d'autres membres."
    • Lemière : "J'avoue sous la menace qu'un jour, Boulard,.. "

  • Auf Vorhalt: (sous la menace) indiqué en tant que nouveau Paragraphe
    • Primault : 1 paragraphes
    • Thomine :  3  paragraphes
    • De Touchet : 2 paragraphes
  • Autre : dans le  rapport final  
    • De Sain Pol :  "ll avoue - après un interrogatoire très difficile"

  • A noter que les interrogatoires de Jean Truffaut, arrêté à Paris,  se déroulent à la prison de la Wehrmacht à Fresnes. Il est présenté, ici, uniquement un seul rapport qui indique clairement qu'il existe d'autres interrogatoires précédents qui n'ont pas apporté de  réponses, aussi a-t-il été torturé pour obtenir des  aveux ainsi formulés : "j'admets n'ayant pas dit toute la vérité lors de mon premier interrogatoire. J'ai délibérément omis plusieurs détails importants parce que je ne voulais pas trahir les camarades de l’organisation. Je suis maintenant prêt à dire toute la vérité et je n'omettrai rien."
  • L'on peut s'interroger sur la  présentation des rapports  et penser  que des paragraphes différents "sous la menace" peuvent être attribués à des interrogatoires différents.

  • Exemple :L'interrogatoire de  J Thomine montre qu'il a du parler au moins trois fois sous la menace







  • Quelques rares et brefs témoignages des violences subies lors des interrogatoires :
    • Robert Douin :  il est aperçu dans les douches  par un autre détenu, celui-ci  explique qu''il marchait difficilement, le dos vouté, un bras cassé" et qu'il lui a dit : " Ne parle jamais !".

    • Jean  Caby : Son épouse Marcelle  a aussi été arrêtée mais  relâchée le 11 mai. Ensuite, elle a pu voir son mari à l'hôpital où il a été emmené suite aux tortures subies : elle a vu les blessures qu'il portait, en particulier, à la tête, suite au "supplice du casque".

    • Désiré Lemière, témoignage de sa fille Simone : Périodiquement, on le transférait rue des Jacobins. Là, il était torturé. On raconte qu'à chaque sortie de cette odieuse maison, "le sang lui pissait au bout des doigts ! ".
  • Seul De Touchet nie absolument tout, malgré la torture, il ne parlera pas.

    "Je nie fermement avoir été membre d'une quelconque organisation de résistance ou d'espionnage. Je ne connais ni les noms ROGER, ni DRAGON, ni COULIBOEUF, ni DOUIN."

3-Des rapports d'interrogatoires  de longueurs inégales 

Pour  comparer rigoureusement les interrogatoires, nous avons  tenu compte  uniquement de  la longueur  du texte  (nombre de lignes)du rapport, pour la partie " le sujet" .
Il ne s'agit pas de la durée de (des)  l'interrogatoire mais une simple indication.



Trois interrogatoires sont particulièrement longs pour Caby, Douin, et un peu moins longs Thomine et Truffaut. En effet, d'une part, ce sont les premiers arrêtés à la mi mars 1944 et, d'autre part pour, ce sont d'importants responsables du réseau alliance "Jardin", ce que savent les allemands (voir le rapport allemand début 1943 qui présente déjà un organigramme assez complet). De plus l'arrestation de F Truffaut, porteur de nombreux documents,  leur permet  de connaitre en détail les membres du réseau.( voir les rapports allemands du 16 et 18 mars 1944). Ainsi, Truffaut donne beaucoup d'explications mais il faut rappeler qu'il été arrêté  en étant porteur de nombreux documents explicites :  il ne peut nier leur contenu.

Exemple:

-Retranscription du 18 mars 1944 :  information d'arrestations

 Caen, le 18 mars 1944

Les personnes suivantes ont été arrêtées le 16.3.44 suite au télex du BdS N° 22097 :

DOUIN, Robert, né le 4.7.91 à Caen, domicilié à Caen, 33 rue de Geole

CABY, Jean, né le 8.12.11 à Paris, domicilié à Villers-Bocage

THOMINE, Georges, né le 25.6.06 à Port-en-Bessen, domicilié à Port-en-Bessin

SAINT PAUL, Guy, né le 22.3.14 à Curcy, domicilié à Amayé-sur-Seulles

Lors de l'examen physique de CABY des documents ont été trouvés qui indiquent clairement une activité au sein d'une organisation.

Tous les détenus nient fermement d'avoir déjà traité de l'espionnage.

Tous ont fait l'objet de recherches approfondies de leur domicile, mais sans succès.

Chef de service


Les résistants arrêtés sont mis immédiatement à l'isolement et vont connaître de violents interrogatoires. C'est donc logique que les rapports soient longs, toutefois les allemands n'obtiennent pas  d'informations nouvelles. Au mieux, ils ont confirmation de ce qu'ils savent déjà, notamment les noms des autres membres du réseau, mais jamais rien de précis sur les activités, le matériel. S'ils parlent un peu, c'est du passé et concerne des personnes en fuite.

Les  13 autres interrogatoires sont beaucoup plus courts. Lemière et Lebaron qui étaient particulièrement actifs et avaient des responsabilités présentent un rapport de longueur moyenne.

Par contre les autres rapports (la moitié) sont particulièrement brefs. Les raisons sont diverses, le plus souvent ils concernent des agents de renseignements  qui ont encore peu agi, les autres concernent de fortes personnalités qui refusent de parler  comme De Touchet ou De Saint Pol qui raconte ce qu'il veut bien dire... en oubliant l'essentiel.


4-Les  aveux : les noms cités

Certains prisonniers ont,  probablement, pu communiquer entre eux et échanger afin d'arranger et coordonner les aveux individuels  avec noms, dates, actions à indiquer.

Des noms de camarades résistants  sont toujours cités mais ils étaient déjà tous connus de la gestapo. Donc, dans ce type de situation il ne faut pas nier ce que l'ennemi connaît déjà, de plus, cela permet d'être plus crédible lorsque l'on nie des éléments dont la connaissance par l'ennemi est imprécise. Il est donc normal que les prisonniers donnent des noms et des "précisions" souvent déjà connues ou floues, ambiguës.

De mêmes noms reviennent très souvent comme celui de "Couliboeuf" (32 fois)  qui n'a pas été arrêté mais qui est en fuite, et ceux de Caby (66), Douin(26), Thomine (24), Roger-Dragon (17) et Truffaut (15), qui sont les premiers arrêtés et interrogés, connus pour être des "responsables" locaux des réseaux.


  • Tous les noms cités sont ceux d'agents déjà arrêtés et emprisonnés ou disparus.

Lors de leur(s) interrogatoires(s) les résistants interrogés doivent donner des noms, noms déjà connus par la Gestapo et qu'il vaut mieux  citer pour éviter, si possible, la torture. En bleu le nombre de noms différents cités et en orange le nombre de fois que tous les noms sont cités avec répétition.

 
  • Qui est cité ?
On s'aperçoit que seuls les noms des responsables (et premiers arrêtés) sont les plus cités ce qui semble logique particulièrement pour  Truffault, Gaby, Douin , Thomine, et même pour D Lemière le responsable du secteur de Saint Laurent.
Toutefois, s'il est "normal" que le nom de Couliboeuf soit cité 32 fois car il est "en fuite" et de Roger Sainteny (15 fois)   qui ne sera arrêté  que le 7 juin,  le nom de Caby est anormalement  cité  66 fois, ce qui peut sembler beaucoup. Son rôle est important, il semble connu par la plupart des membres, de plus il est porteur de documents lors de son arrestation. Aussi est-il toujours nommé par les 6  résistants de Villers Bocage qu'il  a recruté et dirigé, d'ailleurs la Gestapo connait le rôle de Caby, aussi ses agents peuvent et doivent le nommer, ce qui explique la fréquence de son nom.

Une autre anomalie étonne :  Olard est cité  6 fois, pourtant il n'est pas interrogé et sera libéré très rapidement  après seulement 7 jours de prison. Pourquoi ? son silence, après sa libération,  l'a fait considérer comme un "collabo"  un "traitre", dans son village.  Toutefois, il n'existe aucune archive  dans ce sens, ni, d'ailleurs,  aucun document indiquant qu'il ait pu avoir la plus petite activité  de résistant.
On notera que les autres noms de résistants arrêtés sont vraiment très peu cités (1 à 3 fois) , ce qui montre que ces hommes n'étaient pas bavards avec la Gestapo malgré les menaces et la torture.


  • Arrestations par secteurs  :
     
    On remarque que lors des interrogatoires aucun nom  de résistant local, autre que ceux des personnes arrêtées, n'est cité. Toutefois, on remarque des différences selon les groupes locaux de résistants.
    -Ainsi pour le groupe relativement important  de Port en Bessin, seul Thomine est arrêté ; il ne parlera jamais des membres de son groupe qui ne seront pas inquiétés, bien qu'il soit certain que Thomine ait subi de violentes tortures.
    -A l'opposé, tout le groupe de Villers Bocage est arrêté, l'explication pourrait être dans la présence de documents que portait Caby lors de son arrestation et qui aurait permis de lister les membres ?
    -Pour le petit groupe de Saint Laurent/Vierville, tous les membres sont arrêtés, pourquoi ? Il n'existe pas d'explication évidente. Si, après la guerre, dans les villages certains ont parlé de dénonciation par la seule personne libérée après une semaine, il n'y a jamais eu la moindre preuve, seulement une suspicion..


5-Qu'apportent  concrètement  ces interrogatoires ?

Dans l'ensemble, ils confirment ce que les allemands savent déjà  (des noms) et n'apportent pas  de renseignements nouveaux et importants. D'ailleurs presque tous les membres du réseau sont arrêtés, il ne pourrait  y avoir de nouvelles arrestations que sur dénonciation, ce qui n'a pas été le cas.

  • Les responsables assument leur rôle
    "J'étais responsable de ce groupe...Par la suite, conformément à ces instructions, j'ai recruté un total de cinq hommes" Caby
    "En tant que collaborateur de la section de Caen, j'ai..." Douin
    "Je dois avouer que je lui ai parlé en détail des fortifications côtières de ma région. l'étais conscient que ces informations touchaient à d'importants secrets militaires." (sous la "menace" Thomine


  • Couliboeuf qui a quitté la région est donc toujours cité  et montré comme le  responsable du réseau
"À Caen, j'ai d'abord été présenté au professeur Couliboeuf, qui m'a dit après une longue conversation qu'il était membre d'un groupe de résistance." Caby

"En août 1943, le professeur Couliboeuf de Formigny m'aborde et me demande de rejoindre un groupe de résistance auquel il appartient" Boulard

  • La plupart des prisonniers  reconnaissent être membre du réseau. Souvent, ils précisent que lors du recrutement,  ils ont d'abord refusé 
"Au début, j'ai refusé...ensuite j'ai rejoint le groupe" Anne
"Il m'a forcé la main" Loslier
"j'accepte finalement de rejoindre son organisation" Loslier
"cependant, j'ai continué à refuser et je n'ai pas rejoint cette organisation" Margerie

  • Les réponses  demeurent toujours floues,  imprécises ou  superficielles :
Le flou 
"Je ne connaissais ce Caby que brièvement"  Lemière
"Je ne sais pas ce qui a été discuté entre Thomine et Caby" et Je ne savais pas et je ne sais pas aujourd'hui" " Je ne connaissais ce Caby que brièvement" Lemière
"on ne m'avait pas donné plus de détails" Loslier
"Je ne savais pas non plus qu'il appartenait à un groupe de résistance" Marié
"Je ne connais de nom que Thomine et Douin" Primault
La répétition: "je ne sais pas"  ou "je ne savais pas"  Lemière
L'oubli:   "Je ne me souviens pas du jour exact où j'ai rencontré Dragon" Duval
L'imprécision: "des positions militaires jusqu'à Arromanches n'ont été signalées que de manière approximative" Douin
  "J'avoue avoir fourni une dizaine de renseignements au Caby sur |'état des unités militaires, le type et la puissance de leur armement et leur mouvement. Je n'ai jamais fait de rapports ou de cartes."  Lebaron

  • Des relations  qui s'expliquent  simplement
 : Thomine, il nous fournissait régulièrement du poisson à ma famille et à moi"  et " Boulard, que je connais bien depuis ma jeunesse," Lemière
"Je connais l'électricien Caby depuis environ 2 ans, je l'ai rencontré lors d'occasions professionnelles." Robert
  • Les réponses qui  minorent leur rôle,  souvent à juste titre, en indiquant qu'ils étaient réticents ou/et qu'ils n'ont encore rien réalisé, étaient peu actifs,  voire stupide  en l'attente d'un éventuel débarquement. 
"Je ne connais pas d'autres personnes dans son organisation. Je n'ai jamais été convoqué à une réunion" Langeard
"Je n'ai recruté que l'agriculteur..." Lebaron
 "Je ne connais pas d'autres membres de l'organisation" Langeard
"Je n'ai jamais fait de rapports ou de cartes." Lebaron
"je n'ai donné aucun message militaire"  Anne
"Je n'ai donné aucun renseignement à Caby" Margerie
"Je nie avoir donné à Caby des informations militaires ou autres informations pertinentes" De Saint Pol
"Je n'ai encore pris part a aucune action active d'aucune sorte contre la puissance occupante". De Saint Pol
"Je n'ai eu que des contacts limités avec d'autres départements" Douin
"Ce que j'ai fait dans ma stupidité"  Lemière
"Je n'ai pas encore eu de mission spécifique" Loslier
" Couliboeuf ne m'avait jamais parlé du but et de l'objectif réels de son groupe de résistance" Boulard

  • L'aspect "renseignement"  est gommé par l'aspect "aide au futur débarquement"
    "Il m'a approché et m'a demandé de rejoindre son groupe de résistance, qui devait aider les Anglais et les Américains en cas de débarquement anglais. Langeard
     "
    Ma tâche consistait, en cas de débarquement anglais, à reconnaître les abris allemands, les unités de troupes et leurs positions (...) Mais comme le débarquement anglais n'a pas eu lieu jusqu'à aujourd'hui  (...)je ne pouvais rien entreprendre de plus. Jusqu'à présent, je n'ai donné aucun message militaire à un étranger ou à une personne que je connais de cette organisation." Anne
    "Chacun d'entre eux avait certaines tâches, telles que les agents de liaison lors de l'arrivée des troupes anglaises, l'approvisionnement en nourriture pour ces troupes, etc. mais seuls quelques-uns d'entre eux étaient au courant de ces tâches particulières." Caby
     "Thomine m'avait également dit qu'en cas de débarquement anglais, je recevrais d'autres instructions et que je devrais être prêt à tout moment. Je ne savais pas ce que je devais faire." Duval
    "Caby m'a dit que je recevrais de lui des instructions plus détaillées en cas de débarquement anglais. Je n'ai pas encore eu de mission spécifique dans le cas du débarquement anglais." Loslier
    "je devais seulement fournir de la nourriture à l'organisation en cas de débarquement anglais, ce que j'ai accepté de faire." Robert

  • Parfois  il est précisé qu'il n'y avait pas d'intérêt financier ou, au contraire, qu'il y a eu un paiement 
"Je n'ai reçu aucune compensation financière de cette organisation." Anne
"J'ai reçu deux fois 500 frs de Douin pour mon travail". Primault (ce qui sous entend, qu'à ses yeux, il a simplement réaliser  un travail)

  • Certains essaient démontrer qu'ils ne sont pas anti allemands 
"En 1942, lorsqu'un avion allemand s'est écrasé près de Louvigny, j'ai donné les premiers soins au pilote" "Les deux pilotes m'ont beaucoup remercié pour mon aide, je n'ai reçu aucune autre reconnaissance pour mon aide." Margerie
"En 1942, j'ai rejoint le "Groupe Collaboration" sur les conseils d'un certain Carel. Comme une opinion politique s'est très vite fait connaître dans ma petite ville, presque tous les commerçants hostiles à l'Allemagne se sont vivement retournés contre moi et ont menacé de bloquer mon commerce. "  Caby
"Cependant, je n'ai commis aucun acte contre les troupes allemandes" Lemière

  • Tous les interrogatoires se terminent souvent  par : 
Je ne peux pas donner plus d'informations à ce sujet."
"J'assure que j'ai dit toute la vérité et que je n'ai rien caché."

CONCLUSION

La violence des interrogatoires n'a pas permis à la Gestapo d'obtenir de nouvelles informations, de nouveaux noms, seulement  une confirmation de ce qui  est déjà connu (voir les rapports).

Pour la Gestapo, le réseau  fournirait  d'abord  une aide en cas de débarquement anglais ce qui est indiqué  à plusieurs reprises dans les interrogatoires, et, de plus, il est chargé d'apporter des renseignements militaires qualifiés de "vagues et insuffisants" .
D'ailleurs le rapport final allemand  dresse un bilan de ces  interrogatoires et précise : "Néanmoins, selon les propres aveux des accusés, les informations ont dû être, dans l'ensemble, très vagues et insuffisantes. En tout cas, on peut affirmer sans hésitation que, sur le plan du renseignement, dans sa constitution jusqu'à, le service de renseignement Giraud du département du Calvados n'était pas très dangereux".

Si le rapport indique  que ce réseau semble peu efficace et peu dangereux, la Gestapo commet une grave erreur d'appréciation: 
"peu dangereux" :  effectivement, les membres  sont non armés, ni violents, cela n'a pas empêché que tous les résistants arrêtés soient exécutés le 6 juin 1944.
-"informations vagues et insuffisantesLa Gestapo sous évalue complètement le travail du réseau Alliance et n' a pas conscience  du volume  et de la qualité des renseignements  apportés au MI6. C'est vrai qu'ils n'ont pas eu connaissance de la fameuse carte élaborée par Douin  qui a été d'une grande utilité  pour le débarquement. En fait, la Gestapo est aveuglée en pensant que le réseau était surtout prévu pour agir et  fournir  une aide au  débarquement anglais, ce que la plupart des interrogatoires montrent, en effet les résistants pour minorer leur rôle, indiquent, dans leur interrogatoire, qu'ils n'ont encore rien fait...en attente  débarquement. Les allemands l'ont cru et ont été bernés.

Un autre exemple  montre l'aveuglement allemand :  à leurs yeux, seule l'importance de l'activité de Caby  (qui d'ailleurs  serait simplement  un "radio en formation") dans le recrutement pouvait devenir inquiétante car il formerait un groupe sur Villers-Bocage qui se serait constitué dans un but purement militaire, or ce groupe ne possède pas d'arme et seulement un émetteur !

Par ailleurs, au niveau national, le réseau Alliance a été considéré par les services centraux du renseignement allemand comme l'un des plus dangereux des services secrets "l'ennemi N°1 à abattre" a écrit Marie-Madeleine


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En complément, un peu de lecture et, surtout, une réflexion sur les tortures qu'ont subis de nombreux résistants
Dossiers PDF  :

  • Rapport sur la torture - Redres
    "La torture est l’un des crimes les plus horribles qui puissent être commis contre un être humain. Elle vise à déshumaniser les victimes en perpétrant des actes de cruauté délibérés afin de priver les victimes de leur dignité et de les rendre impuissantes"


Rapport final allemand de synthèse des interrogatoires du 15 mai 1944




                                                                                                                          Caen, le 15 mai 1944

                                                                  Rapport final

Basé sur les télex de la BdS Paris daté du 16.3.44 no. 22097 et 22339, dans l'organisation
d'espionnage du service de renseignement Giraud [Alliance II), divers Français résidant dans le
département du Calvados étaient censés être lourdement incriminés par les informations d'un
coursier nommé Truffaut qui avait été arrêté à Paris.

Dans le détail, le chef du service de renseignements Giraud pour le Calvados devait être le sculpteur Douin, qui, avec un certain Caby ainsi que le pécheur Thomine et peut-être le comte de Saint-Paul, était censé avoir dirige l'organisation de manière décisive. Comme boîte aux lettres, il devait utiliser le vendeur dans une quincaillerie portant le nom de Primault.( cf S l u. 2 d A]

Douin, Caby, Thomine et St Paul ont été immédiatement arrêtés sur la base des télex. Au cours de l'enquête, 20 autres Français ont été placés en détention, mais 4 d'entre eux ont dû être libérés à nouveau, car il n'a pas été possible de prouver de manière concluante qu'ils étaient impliqués dans l'organisation ou qu'ils appartenaient à un groupe de résistance.

Au cours de l’enquête, les numéros des différents agents ainsi que leurs alias connus grâce à
l'interrogatoire du colonel Faye, ont été clarifiés. Il en résulte la structure suivante :



F3 = Cpt. en retraite à Caen. chef dép. Calv. = de Touchet.

F 30 = Civette (ex F 36), Deauville = Douin,

F 31 = Boite aux lettres Dirat (Caen) = Primault,

F 32 = Boite aux lettre Mathilde, Bayeux, enseignante, = Couliboeuf,= en fuite depuis septembre,

F 35 = Zerinos, enseignant, capitaine dans la réserve.= en fuite depuis septembre

F 350 = Cachalot = Thomine,

F 351 = Facteur rural, sous officier mitrailleur, = Boulard,

F 36 = Professeur de Beaux-Arts à Caen = Douin,

F 37 = Boucher = Duval


En outre. il a été déterminé dans le système global que sous le numéro de code F 142= Emouchet, Caen se cachait le citoyen français Caby, qui a également été arrêté. (p.3 et d dA.).


Il a également été note que, surtout depuis janvier de cette année, suite aux instructions du chef de l'organisation de Normandie. Roger al. Dragon, plusieurs membres ont été particulièrement actifs dans le domaine du recrutement. Par exemple, dans la région de Villers-Bocage en particulier, une organisation a été mise en place sous la direction de Caby, dont les membres, tous arrêtés, devaient se voir confier des tâches spécifiques en cas d'urgence.


Selon l’impression générale qui se dégage des interrogatoires, l'organisation a surtout souffert du manque de membres intellectuels qui auraient pu résoudre des problèmes d’espionnage militaire plus complexes.


1/ Le véritable patron s'est avéré être le sculpteur
    Robert Douin, né le O4/07/91 à Caen,
    marié, 2 enfants âgés de 17 et 19 ans.
    catholique; domicilié à Caen,
    33, rue de Geole.


Il est déclaré coupable et avoue avoir rejoint dès octobre 1942 un groupe de résistance de la
"Résistance" à Caen, dont les dirigeants sont en fuite depuis que les forces locales les ont saisi en novembre 1943.

D'après ses propres informations, Douin avait déjà à |'époque fourni au Français en fuite Duchez des plans de positions de batteries et de mitrailleuses et de fortifications côtières. Douin veut avoir quitté la "résistance" en juin 1943, car selon lui elle s'était trop liée au côté anglais. (p.9 et 10 du A.).

En mai 1943, afin d'obtenir des informations sur certaines installations du littoral, Douin est présenté au professeur Couliboeuf, qui le présente à son tour au chef de l'organisation de la "ferme" Roger, alors appelée "Guillaume". Après quelques réticences initiales, Douin accepte de rejoindre le service de renseignements de Roger, le but du recrutement de Douin par l'organisation étant apparemment d'avoir un homme qui puisse leur fournir des cartes précises de la région de Cabourg à Isigny. Par ailleurs, Douin devait prendre la moitié de cet espace, tandis que Couliboeuf devait prendre la moitié plus à l'ouest et probablement une partie du département de la Manche. Cependant, depuis la fuite de Couliboeuf suite aux arrestations effectuées par la police à Paris en novembre dernier, Douin a repris sans plus attendre toute la moitié ouest de la section côtière du département du Calvados.

Selon ses propres aveux, il a lui-même cartographié toute la section, sur une très grande échelle, et y a marqué les positions militaires et les mouvements de troupes obtenus sur la base de sa propre reconnaissance ou des communications de ses sous-agents.


Douin a été reconnu à la fois par les dirigeants de l'organisation et par les autres agents de
l'organisation comme le chef du département du Calvados. Pour sa part, bien qu'il n'ait pas recruté de membres, il les a néanmoins suivis de très près après leur prise en charge et leur a donné des instructions régulièrement. C'est lui, par exemple, qui, en janvier de cette année, a transmis à Caby les ordres de recrutement ordonnés par Paris.

Après l'évasion de Couliboeuf, il compte parmi ses collaborateurs Caby, Le Baron, Thomine et
Primault. Son agent principal est sans doute Caby, qui lui apporte régulièrement des nouvelles,
notamment sur les mouvements de troupes, soit lui-même, soit par l'intermédiaire de Le Baron.
Primault, d'abord boîte aux lettres, a été ensuite de plus en plus abandonné, bien que Douin lui ait versé un total de 1000 frs. pour ses services. (page 11 et 12 du A.)

Dans l'organisation, Douin avait le nom de code "Civette. Douin n'est entré en contact qu'une seule fois avec un membre du groupe du Département Seine Inférieur avec le pseudonyme "Cactus", mais sans pouvoir donner plus de détails.

Selon la structure du service de renseignement Giraud pour le département du Calvados, connue parles informations du colonel Faye, le chef, avec le numéro de code F3, est censé être un capitaine à la retraite à Caen. (p.4 d.A.) Truffault al. Tadorne, qui, du fait de son activité de coursier, connaissait toute l'organisation, comme le révèlent ses informations, semble cependant également incapable d'indiquer qui est ce capitaine à la retraite.

Douin, pour sa part, interrogé explicitement ( p. 13 du A.), a déclaré que Roger lui avait dit, lorsqu’il avait pris la direction du groupe local, que s'il avait des difficultés, il devait contacter un officier à la retraite nommé de Touchet, qui vivait près de la gare de Saint-Martin à Caen.

Douin affirme de manière crédible qu'il n'a jamais été en contact avec ce dernier, mais il est
fermement convaincu qu'il était membre de la même organisation à un niveau supérieur.




2/ Ce de Touchet (p 25-26 de l'A.) s'est avéré être le

    Marquis Antoine de Touchet, né le O3/02/86 à Paris
    marié, 6 enfants, major à la retraite,
    domicilié à Caen , Place St Sauveur 15,

qui a en fait été en retraite comme Cpt et élevé au rang de Major pour de simples raisons
financières.

De Touchet a nié catégoriquement avoir jamais travaillé dans une organisation de renseignement, ni connaître aucun des membres du service de renseignement Giraud dans la région, dont les noms, soit dit en passant, lui étaient montrés sans exception. Malgré des jours d'interrogatoire, il n'y avait aucun moyen de prouver qu'il était membre.

Les informations de Douin, sur la base desquelles l'arrestation de de Touchet a eu lieu, sont
cependant en rapport avec l'affirmation du colonel Faye, si sérieuses que Touchet, malgré son
démenti persistant, semble lourdement incriminé.
ll faut dire explicitement qu'à Caen, comme dans tout le département, il n'y a pas d'autre de Touchet
qui ait jamais été soldat. Par conséquent, seul Antoine de Touchet arrêté peut être mis en cause.



3 /Outre Douin, le ressortissant français

    Jean Caby, né le 08/12/08, à Paris
    Technicien de radio, marié, 2 enfants,
    domicilié à Villers-Bocage,
    a été particulièrement actif.

Il est d'abord membre du "Groupe Collaboration", mais ensuite, ayant prétendument ressenti très fortement la résistance de son entourage sur le plan économique, il affirme avoir suivi une autre voie, hostile à l'Allemagne, qui le conduit à rejoindre le service d'information de Giraud dès avril/mai 1943. Il est également amené parle professeur Couliboeuf, qui s'est enfui en septembre et qui est alors chef de service. Couliboeuf lui présente également Roger à Paris, qui souhaite que Caby, qui est technicien radio, soit formé comme opérateur radio. Caby a refusé, car la possession d'un émetteur secret lui semblait trop dangereuse, mais en principe il a immédiatement accepté d'effectuer toutes les réparations sur les émetteurs et aussi de prendre des cours de radio avec un représentant de l'organisation. (p.14/15 de l'A.). Dans le temps qui a suivi, Caby a hébergé à deux reprises l'opérateur radio du Dragon au nom de code "Manchot" (Morel), qui lui a également donné des cours de radio.

Cela aurait révélé que Caby était incapable de capter le code Morse audible. Manchot a également effectué deux transmissions au domicile de Caby.

Depuis septembre 1943, Caby est actif dans le domaine du renseignement. Il avoue ( p.16 des AA) avoir recueilli des nouvelles militaires dans les environs de Villers-Bocge et avoir incité Le Baron à faire de même en ce qui concerne les mouvements de troupes, l'armement et le moral des troupes allemandes. ll a soit donné cette information au Douin lui-même, soit l'a fait transmettre par Le Baron. La boîte aux lettres Primault était relativement peu utilisée par lui, et lorsqu'elle l'était, c'était uniquement dans le but d'informer le Douin.

Après un arrêt temporaire en octobre/novembre 1943, Caby reprend ses anciennes activités en
janvier 1944, dans une mesure encore plus grande qu'auparavant; de plus, il contacte désormais de nombreuses connaissances afin de les convaincre de rejoindre l'organisation. Il affirme avoir gagné les ressortissants français Loislier, Margerie, Longeard, et surtout Le Baron et Robert (p. 18 de l'A.), et qu'ils doivent sans exception jouer un rôle bien défini dans le cas du débarquement anglais. ll avoue avoir demandé à Le Baron de rechercher des personnes pour le groupe, lui aussi.

En tant que sous agent de renseignement, Caby ne donne que Le Baron et le comte de St Pol, (p.18 de l'A.). Il résulte de ce qui précède que Caby a développé une activité très intensive, tant sur le plan du renseignement pur que sur celui du recrutement d'hommes pour le débarquement des Anglais, comme le montre, entre autres, surtout le plan trouvé avec lui au moment de son arrestation (annexe a). Il s'y décrit comme un chef de section qui est responsable de |'exécution des ordres. Il s’agissait avant tout d'attaques contre des postes individuels énumérés au point ll.

La liste complète, qui selon Caby devait être soumise à Douin pour approbation, est la meilleure
preuve de l'intensité avec laquelle il a travaillé pour tous les objectifs de l'0rganisatíon. Caby avait le nom de code" Emouchet " dans l'organisation. Par ailleurs, il devait également recevoir un émetteur secret avec un opérateur radio en cas d'urgence.




4/ Une importance tout aussi grande que celle que Caby avait sans doute, surtout dans les premiers temps, le pêcheur

    Georges Thomine, né le 25/06/06 à Port-en-Bessin,
    marié, 2 enfants,
    domicilié à Port en-Bessin.

Il était déjà membre du service de renseignements Giraud depuis mars 1943, avec le représentant du Douin, Coulibeouf, qui, comme le montre surtout l'interrogatoire de Thomine, avait été très actif. C'est Couliboeuf qui l'a également mis en contact avec le Roger après peu de temps.

Selon ses propres aveux, Thomine avait déjà recueilli des renseignements sur les fortifications
côtières depuis l'époque de Coulibœuf, en particulier dans la région d'Arromanches, de
Grandcamp et d'lsigny, et les avait transmis à Coulibœuf. (p. 20 du A.).

En dehors de cela, il a également fait un travail considérable en termes d'organisation. Il a avoué, par exemple, avoir gagné le Primault comme boîte aux lettres et l'avoir proposé à Couliboeuf.

Il a en outre (p. 21 de l'A.) mis en relation un certain Cauvin avec Tadorne à Cherbourg, où il était allé avec T., prétendument parce que Roger cherchait par tous les moyens une traversée vers 'Angleterre. Dans le doute, cependant, la raison aura été une autre. D’ailleurs, le service de

renseignement Giraud s'est beaucoup intéressé à la station maritime de Cherbourg où travaillait le Cauvin. Le doute sur la justesse des déclarations de T. est renforcé par ses propres aveux (p. 22 d.A.),puisqu’il déclare lui-même que Cauvin et Tadorne avaient parlé de diverses installations de la station.

À la demande de Couliboeuf, il recrute également un autre agent à Ouistreham pour l'organisation, à savoir Duval, dit F 37, à qui il propose d'ailleurs immédiatement un travail de renseignement contre l'Allemagne. (p. 22 du A.)

Au fait, il est intéressant de noter que Roger voulait nommer le Th. avant tout pour chercher une
traversée vers l'Angleterre, une demande que Thomine prétend avoir refusée en raison du prétendu danger de l'entreprise.

Déjà, d'après la déclaration de Thomine selon laquelle Couliboeuf était avec lui presque chaque
semaine pour lui parler de la situation générale (p.20d. A.), ainsi que d'après les conclusions
susmentionnées de l'activité organisée de Th., il s'ensuit parfaitement qu'il a joué un rôle dans le cadre général de l'organisation qui ne doit pas être sous-estimé, d'autant plus qu'il semble avoir eu des relations très intimes avec Roger et Tadorne, qui lui ont rendu visite personnellement à plusieurs reprises. Tous les voyages, d'ailleurs, ont été payés directement parle service de renseignement.


Derrière les précédants, le ressortissant français


    Maurice Primault, né le 27/11/09 à Bayeux,
    vendeur, marié, 2 enfants âgés de 12 et 4 ans,
    domicilié à Caen.

En septembre 1943, Thomine lui demande d'accepter ou de livrer des lettres pour une organisation de renseignement sous un certain mot de code, dont le contenu doit être soustrait à tout contrôle, si possible. (p. 28d.A.) Ce sont surtout Thomine et Couliboeuf qui ont fait un usage assez actif de la boîte aux lettres. Caby, Le Baron et Douin y avaient également chacun remis 2 ou 3 fois des lettres qui, dans la mesure où elles étaient destinées au responsable de l'organisation, portaient l'inscription "Dragon". Thomine s'est également rendue à plusieurs reprises à Primault pour récupérer des lettres marquées "pour Georges" (prénom de Thomine).

Primault avoue avoir reçu de Douin un total de 1000 frs. pour ses services. L'activité de boîte aux lettres de Primault a cessé vers octobre 1943, Tadorne le remplaçant comme courrier en
direct. Primault avait le nom de code "Dirat" dans l'organisation (p.29 d.A.)



5/      Guy, Alfred, Marie Saint Paul,
        Né le 22/3/14. à Curcy (Calv.)
        Propriétaire terrien, marié, 2 enfants, catholique,
        Domicilié à Amayé s/ Seulles(Calv.)


avait été désigné comme passeur d'agents dans le télex du BdS. du 163.44 n° 22097 (p. 1 de l`A.).
ll avoue - après un interrogatoire très difficile - avoir su que Havart, alias Hilaire, également arrêté en tant qu'agent, avait déjà été membre d'un groupe de résistance et était en fuite lorsqu'il est venu le voir en octobre 1943.
Il l'a hébergé en toute connaissance de cause.
Entre-temps, Caby avait déjà établi un contact plus étroit avec lui, de sorte que Paul a pris
conscience du mouvement de résistance de Caby. (p.30 du A.)

P. admet qu'il était en principe disposé à se mettre à la disposition de l'organisation en cas d'urgence, mais nie avoir donné à Caby des informations militaires ou autres d'importance militaire (p. 30).

Cette déclaration est manifestement fausse, et surtout contredit le témoignage de Caby (p.18.dA.),
présenté avec une certitude et une crédibilité absolues, selon lequel le comte de Saint-Paul devait
être l'un de ses sous-agents.

Il ne peut y avoir aucun doute, malgré la contradiction de Paul, quant à l'exactitude des déclarations de Caby selon lesquelles St Paul lui a également donné des renseignements militaires, notamment sur les mouvements de troupes.


6/ Le citoyen français, qui a également été arrêté

    Jean Le Baron, né le 21.801 à Bayeux,
    agent d'assurance, marié, 2 enfants, catholique,
    vivant à Villers-Bocage,

a déjà été recruté par Caby pour |'organisation.

C'est à lui, cependant, que l'on doit la transformation de Caby de collaborateur à espion. Baron
l'admet. (p 31)
Dès décembre 1943, il est présenté au chef de Caen Douin, par Caby, comme agent de liaison (p 32 d.A.).
Il avoue avoir travaillé comme sous-agent de Caby et lui avoir également donné des informations militaires sur les mouvements de troupes, l'armement, l'emplacement, etc. (p. 32 du A.) Il admet également avoir remis plusieurs lettres contenant du matériel d'espionnage directement à Primault ainsi qu'à Douin au nom de Caby.

Avec la reprise générale des activités de l'organisation dont il est question ici en janvier 1944, il
reprend également ses activités d'espionnage, il tente d'ailleurs également de recruter des membres pour le cas d'urgence conformément à la demande de Caby (p. 32 de l'A.). Le Baron a avoué avoir recruté Marié d'Epiny s/Odon, d'ailleurs ancien officier de réserve, pour l'organisation.

Bien que l'on puisse supposer qu'il a également parlé à Thorel et Chiron dans l'intention de les
persuader de rejoindre le groupe, cela ne peut être prouvé.

Au total, Le Baron affirme avoir collecté et transmis des messages militaires avec une intention
d'espionnage une dizaine de fois. (p. 32 d.A.)




7/ Le ressortissant français

    Auguste Duval, né le 29.5.06 à Ronville la Place (Manche),
    domicilié à Ouistreham, marié, 1 enfant, catholique,

figure dans l'organigramme sous le nom de" Boucher F 37 "_

Il avait déjà été recruté par Thomine à l'automne 1942 pour le service de renseignements, alors en cours de création à l'initiative de Couliboeuf. (p. 34 du A.)

Par ailleurs, Dragon a également dit à Douin qu'il avait un homme de confiance en Duval au cas où il aurait besoin de renseignements sur la région de Ouistreham. (p.13 du A.). Douín, cependant, prétend n'avoir jamais exigé de renseignements de Duval.

Duval avoue néanmoins appartenir au groupe de Thomine, dont il sait qu'il est dirigé contre la

Wehrmacht allemande. Il s'attendait, en outre, en cas de débarquement, à des instructions spéciales sur ce qu'il devait faire. (p.34 de l'A.)




8/      Robert Eugène Boulard
        Né le 15.11.00. à Caen, facteur rural,
        marié, 4 enfants âgés de 6 à 20 ans,
        catholique, domicilié à Trevieres (Calv.),
figure dans l’organigramme du service de renseignement en tant que facteur rural Nr F 351.

Il est recruté par Couliboeuf dès août 1943. Il avoue avoir immédiatement rejoint le groupe de
résistance.
Il admet également avoir fourni des informations sur les mouvements de troupes allemandes, leur armement et d'autres objets militaires dans la zone côtière.

De plus, sur les instructions de Couliboeuf, il avait formé son propre groupe de 3 hommes, qui devait manifestement aussi être utilisé à des fins de renseignement. À ce groupe appartenaient les citoyens français Lemière, Anne et Baranchon. (Les deux premiers ont été arrêtés, le troisième a quitté le département en septembre dernier). Comme Couliboeuf s'est soudainement enfui, le groupe a
manifestement perdu le contact et le pilotage, il est donc possible que Boulard n'ait pas continué à travailler sur le renseignement. D'autre part, on peut supposer que, comme Lemière et Anne (p. 44 et p. 46 de l'A.), il s'attendait à recevoir des instructions pour l'urgence, afin de les mettre en œuvre selon les instructions reçues en cas de débarquement anglais.


9. Le citoyen français

    Octave Joseph Langeard,
    Né le 6.2.09 à Sermentot (Calv.)
    agriculteur, marié, sans enfants,
    domicilié à Villy- Bocage (Calv.)

En février de cette année, Caby a demandé à Langeard de rejoindre son groupe de résistance, qui devait aider les Anglais et les Américains en cas de débarquement anglais. (p.37 d.A.) Langeard, selon ses propres déclarations, devait servir de sous agent entre Caby et deux quartiers généraux. Que les activités de l'ensemble du groupe, surtout en cas d'urgence, étaient dirigées contre les forces d'occupation allemandes, était bien sûr parfaitement clair pour lui. (p. 37 du A.).


10/ Le citoyen français

    Ernest Margerie, né le 28.4.11 à Mondrainville (Calv.)
    domicilié à Anctoville, marié, 2 enfants

a été sollicité par Caby dès juillet dernier pour recueillir des renseignements sur les mouvements de troupes et les parachutages anglais, mais il a refusé cette offre. Ce n'est que sur une plus longue insistance de Caby qu'il s'était déclaré prêt à aider en cas de débarquement dans le cadre de l'organisation. (p. 39 du A) . Il savait que l'organisation était dirigée contre la puissance occupante allemande, comme le montre clairement sa déclaration explicite.


11/ Le citoyen français

    André Robert, né le 21.9.15 à Mevaines (Calv.),
    Domicilié à Longvilles (Calv.), célibataire, catholique,

Il a également été recruté par Caby, dès septembre dernier. Il avait pour tâche de stocker des vivres en cas de débarquement des Anglais, et même avant, et de les leur fournir en cas de débarquement des Anglais. Il a immédiatement accepté cette mission et a accepté de la remplir en conséquence en cas d'urgence. (p. 40/41 des A.A.). On peut supposer que Caby lui a également demandé des renseignements sur les mouvements de troupes, puisqu'il lui a aussi transmis à l'occasion des informations sur les mouvements de troupes.


12/ Le citoyen français

    René Loislier, né le 20.3.13 à Caen,
    Électricien, domicilié à Jurques, marié, 3 enfants

affirme avoir rejoint l'organisation de Caby, dont il savait qu'elle était dirigée contre la puissance
d'occupation allemande, dès 1½ ans plus tôt, à l'instigation de Caby. (p.42 du A.) Il a également accepté de servir d'agent intermédiaire en cas de débarquement anglais, mais aussi d'aider les puissances ennemies de toute autre manière.


13/ Le citoyen français

    Albert Anne, né le 23.8.08 à Asnier-en-Bessin,
    forgeron de chariots, domicilié au même endroit,
    marié, 3 enfants âgés de 2 à 9 ans

À la demande de Lemière (p.44 de l'A.), Anne avait déjà rejoint un groupe de résistance dirigé contre les forces d'occupation en août 1942. En cas de débarquement anglais, il devait repérer les abris allemands, les unités de troupes et leurs positions et transmettre ces renseignements à Lemière.
D'après ses propres aveux, il était bien conscient de l'ampleur de ces actions. (p. 44 du A.).



14/ Le citoyen français

    Désiré Lemière, né le 9,121.97 à Louvieres,
    Domicilié à Viervilles/mer, agriculteur, marié,
    3 enfants âgés de 3 à 17 ans

a rejoint le groupe des trois à l'instigation de Boulard. ( p. 47 de l'A.), et cela en pleine conscience de l'objectif du groupe de résistance dirigé contre la puissance occupante allemande. Il était conscient d'avoir assumé une activité spéciale en cas d'urgence et se sentait également lié par les instructions générales indiquant l'urgence.


15/ Le citoyen français

    Edouard Marié, né le 19.5.06 à Paris,
    Domicilié à Epinay sur Odon, célibataire, catholique

est recruté par Le Baron, qui lui demande de rejoindre un groupe de résistance. Il a répondu à cette invitation. Il se sentait également lié aux objectifs du groupe de résistance dirigé contre la puissance occupante. (p. 48 du A.)

Bien que Marié affirme ne pas avoir connu sa mission pour l'urgence, il faut supposer, surtout sur la base du plan de mission pour l'urgence trouvé avec Caby, sur lequel Marié est désigné comme chef de section et responsable de l'exécution des ordres, que Marié était exactement informé des détails de son activité qu'il devait montrer dans l'urgence, d'autant plus qu'il savait en tant qu'ancien officier de réserve exactement quel type d’action était impliqué et quel comportement et quelles mesures devaient être montrés.


Dans l'ensemble, même les personnes susmentionnées, qui ont seulement admis avoir appartenu à un groupe de résistance, ne doivent pas être sous-estimées dans leur importance.

Du fait que certains admettent, comme Robert, Lemière et Boulard, avoir défini avec précision les instructions pour l'urgence, il faut également supposer, pour les autres, qui nient cette instruction, qu'ils avaient déjà reçu des règles de conduite pour l'urgence.

Dans la mesure où ce n'est pas le cas, l'émission d'instructions précises était imminente, comme le montre clairement le plan trouvé chez Caby.


Le plan (annexe A) permet de tirer des conclusions très importantes, c'est-à-dire, en termes
allemands, la dangerosité de chaque personne. Par exemple, Jean (Le Baron) devait être l'agent de liaison entre Caby et les sections. Marié et St Paul seront ses patrons et responsables de l'exécution des ordres. Margerie et Langeard ont également été affectés à un rôle spécifique de plus grande importance selon le plan.

Outre le fait que le groupe était principalement intéressé par les emplacements de canons, les
poches de résistance et les obstacles, le plan montrait également que le groupe de résistance de
Caby était le plus susceptible d'être déployé militairement sur les instructions des chefs parisiens,
dans des attaques au corps à corps contre des postes isolés et dans des attaques directes contre des formations de troupes et des postes allemands plus petits.


Note de fin :

L'organisation d'espionnage " Lepeu ", qui a été capturée il y a quelques semaines dans la zone de service local, s'occupait de l'espionnage dans la zone côtière entre l'embouchure de l'Orne et
Honfleur. Le groupe " Alliance Il ", aujourd'hui dissous, déploie ses hommes dans l'autre moitié de la zone côtière, entre l'embouchure de l'Orne et Isigny. Le danger, cependant, n'est en rien comparable à celui de l'organisation Lepeu contrôlée par l’Angleterre, ni en force ni en intelligence des agents.


Il ne fait bien sûr aucun doute que le quartier général du service de renseignements Giraud a reçu des messages, surtout par Douin, pour la zone côtière susmentionnée jusqu'à une largeur de 2 km, avec des entrées de positions militaires jusqu'à environ février 1943. Néanmoins, selon les propres aveux des accusés, les informations ont dû être, dans l'ensemble, très vagues et insuffisantes. En tout cas, on peut affirmer sans hésitation que, sur le plan du renseignement, dans sa constitution jusqu'à, le service de renseignement Giraud du département du Calvados n'était pas très dangereux. Il ne faut cependant pas nier que, selon toute probabilité, une augmentation considérable du nombre d'agents et une densification du réseau auraient pu être attendues dans un avenir proche si l'intervention n'avait pas été faite. En même temps, comme cela était déjà évident dans la région de Villers-Bocage, un réseau de groupes de résistance à but purement militaire s'était formé dans la moitié ouest du Calvados, qui devait être doté d'un émetteur secret et qui aurait très probablement été utilisé, au moins en partie, à des fins de renseignement.

Chef de service.


Commentaires de Marc-Antoine de Saint Pol

Au sujet de Truffault cité dans l'introduction de ce rapport, je rappelle que Truffault n'a jamais été considéré comme un traître, il a été perquisitionné et soumis à d'extrêmes violences, comme beaucoup d'autres agents du réseau.

Dans cette synthèse il y a souvent des références entre parenthèse, exemple : (p. 4 du A). De quel document s'agit-il ? On cite plusieurs lois une Annexe qui serait le plan élaboré par Caby en cas de débarquement des anglais dit-on trouvé chez lui lors d'une perquisition. Ce plan a-t-il réellement existé ?

Note de fin du rapport: Les conclusions en fin de rapport sont assez étonnantes, car si le réseau Alliance a été considéré par les services centraux du renseignement allemand comme l'un des plus dangereux des services secrets "l'ennemi N°1 à abattre" a écrit Marie-Madeleine Fourcade, les services secrets allemands de la région normande semblent méconnaître le rôle important de ce qu'ils appellent le "service de renseignement Giraud". Dans le Calvados, ses agents auraient été peu opérants, voir inaptes à faire du renseignement, et non dangereux !!! Caby serait un radio en formation !!!

Il est vrai que dans les interrogatoires les résistants ont peu de fois parlé de renseignements militaires, les services allemands semblent en avoir été convaincus. Les informations des prisonniers portent très souvent sur leur recrutement pour donner un appui aux anglais lorsqu'ils débarqueront.

D'après le rapport, seule l'importance de l'activité de Caby dans le recrutement pouvait devenir inquiétante car il formerait un groupe sur Villers-Bocage qui se serait constitué dans un but purement militaire. Groupe armé seulement d'un émetteur !!!

Le résultat est tout autre, quand la rafle de mars à mai a été lancée la carte des défenses allemandes était confectionnée et depuis quelques mois entre les mains du MIG, remise directement par Marie Madeleine Fourcade qui était à Londres à l'époque : LA MISSION ETAIT ACCOMPLIE.

Le danger d'après ce rapport final serait venu du groupe d'espionnage "Lepeu" qui œuvrait sur la rive droite de l'0rne, de Cabourg à Honfleur, sous le nom du responsable local du "réseau ZERO France ". Il a été totalement démantelé entre mars et juillet 1944 (ZERO France Vie et mort d'un réseau de résistance à Dives, publié en 1994 par le collège de la Divette de Cabourg avec l'aide de Jean Quellien).