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Traque et déportation des résistants d'Alliance

1-Qui traque ?  Gestapo et "collabos"
2- Les services de l'Abwehr enquêtent...
3-Les étapes après une arrestation de résistant
4- Autres procédures
5- Les prisonniers d'Alliance dans les camps sont massacrés
6- Bilan


1- Qui traque les résistants d'Alliance
    • Gestapo ?
      • Nom générique (contraction du mot allemand Geheime Staatspolizei) utilisé par les Français occupés pour désigner à tort des organismes aussi différents que
        •  l'Abwehr  : service de contre-espionnage et du renseignement de l'armée allemande (Wehrmacht), dirigé par l'amiral Canaris, qui occupe l'Hôtel Lutetia à Paris. Il lutte contre les Résistants et utilise l'infiltration d'agents. A noter que l’Abwehr est souvent en conflit avec les services secrets du parti nazi : le SD et la Gestapo.
           Au sein de l'Abwehr, existe le service de contre-espionnage et renseignement de l'armée  ("AST" pour Abwehrstelle)  qui centralise en particulier, tous les cas relevant d'Alliance à son siège de Dijon.
        • la Kriminalpolizei, ou Kripo  : police criminelle
        • le Sicherheitsdienst ou SD  : Service de renseignements de sûreté, d'espionnage et de contre-espionnage du parti nazi et des SS
        • la Sicherheitspolizei, ou Sipo  : police de sûreté, faisant partie de la SS
        • en 1939 Sipo et SD sont associés pour former la Sipo-SD chargée de la répression. Elle est divisée en 6 sections spécialisées dépendant du RSHA :office central de sécurité du Reich, réunissant l'ensemble des services répressifs dont
          • Section I : administration ( courrier, finances, logement, nourriture)
          • Section II :  liaison avec police et  justice françaises
          • Section III :  informations économiques
          • Section IV  : Gestapo se divisant en sous sections spécialisées pour résistance, sabotage, contre espionnage, émetteurs clandestins... 
          • Section V :  Kripo droit commun (délits divers  et marché noir)
          • Section VI :  antenne du renseignement et manipulation des agents

      • Définition : Gestapo est un organe exécutif du SD et de la Sipo, créée par  Goering en 1933, passée en 1934 sous l'autorité de Himmler, Reichsführer SS, et en fait sous celle de son redoutable adjoint Heydrich, elle est dirigée du commencement à la fin du IIIe Reich par Heinrich Müller.

      • Rôle en France: La Gestapo s'installe dès août 1940 avec  un rôle de renseignement et de propagande, sans pouvoir d'exécution.
        En avril 1942
        Himmler obtiendra du Führer que les pouvoirs de police en France soient enlevés aux militaires et confiés au général de police SS Karl Oberg. La Gestapo  absorbe les services militaires de la police secrète, se renforce avec 1 500 policiers allemands et l'aide de plus de 40 000 auxiliaires français. La Gestapo procède à un nombre considérable d'arrestations (40 000 en 1943) sans compter des rafles massives ; elle incarcère ses victimes à Fresnes, à la Santé, au Cherche-Midi, en province dans les prisons locales. L'usage de la torture lui a été recommandé dès le 10 juin 1942 par une note de Berlin relative aux  "interrogatoires renforcés" . Les incarcérés qu'elle juge mineurs sont dirigés comme « réserve d'otages » au camp de Romainville et alimentent les exécutions d'otages, notamment celles du Mont-Valérien. Les incarcérés qu'elle juge majeurs sont envoyés, ainsi que les juifs raflés en masse, dans les camps de concentration ou d'extermination en Allemagne.


    • et la collaboration française ? 

      Le régime de Vichy choisit la voie de la « collaboration » avec le Troisième Reich. Cette collaboration prend plusieurs formes : économique, policière et culturelle. Nommé deux jours après le retour de Pierre Laval au gouvernement, le 16 juillet 1942, le chef de la police nationale, René Bousquet  (puis J Darnand) travaille en étroite coopération avec les SS. Il réorganise les forces de l'ordre françaises qu'il unifie sous son commandement, créant la Police nationale puis les Groupes mobiles de réserve (GMR). Il passe un accord, en juillet 1942, avec le général SS Carl Oberg pour maintenir l' indépendance de la police française en argumentant pour la  "répression à la française" .
      Se développent : 


2 - Les services de l'Abwehr découvrent l'importance du réseau et enquêtent...

En novembre 1942, le résistant  Ferdinand Dellagnolo est arrêté  à Strasbourg et, probablement "retourné" par les allemands, l'Abwehr comprend qu'il existe un vaste réseau bien organisé sur tout le territoire. Pour se renseigner sur ce réseau et le démanteler, ils emploieront tous les moyens :infiltration par des espions qui se faisaient passer pour des résistants, retournements d'agents du réseau qui sont des traîtres, perquisitions chez des agents et arrestations avec interrogatoires parfois extrêmement violents
 
En mars 1943, l'affaire "Alliance I" est créée,  suivie par "Alliance II" en octobre 1943 avec  la mise en place d'"infiltrations" dans le réseau qui aboutiront aux grandes rafles de 1943 et 1944. D'abord les services de  l'Abwehr de Marseille, Vichy et Paris sont chargés de l'enquête, puis Dijon et Strasbourg de l'enquête et de l'instruction du dossier d'espionnage d'Alliance."Spionage Organisation Alliance"

Archive allemande faisant été de l'arrestation de de Dellagnolo source SHD

Annotation de MM Fourcade qui évoque "une attitude louche"


A Dijon,  le service de contre-espionnage ("AST" ), rattaché à  l'état major de l'Abwehr,  est  important (27 officiers et beaucoup de personnel). On y gère un fichier central afin de lister les noms de résistants et l'organisation du réseau. Ce service mène une traque impitoyable des agents d'Alliance avec, en particulier, l'infiltration d'agents doubles ou "V-Mann" bien payés et protégés par pseudonyme qui ont signé une feuille d'engagement.

Schéma de l'organisationde I'Ast Dijon.
Strasbourg, l'AST qui comprend 80 inspecteurs est divisée en sections spécialisées, elle  se révèle particulièrement brutale.

L'exploitation des renseignements recueillis par l'AST était passée au S.D, qui, 1ui, procédait aux arrestations des agents.
Désormais tous les moyens sont mis pour traquer les résistants,  à la fois par les services de l'Abwehr (AST)  que par la Sipo-SD (Gestapo) épaulée par les collaborationnistes français. Les arrestations seront nombreuses, suite à  un  retournement de résistant arrêté, d'infiltration d'agent double,  de traîtres,  de récupération de documents sur les agents arrêtés.
75%  des arrestations effectuées par le S.D, de Dijon ont pour origine des rapports de l'Ast. Ces rapports
ou renseignements étaient tous secrets et ne portaient pas le nom de l'agent indicateur. Simplement  le numéro rnatricule.
Ainsi début 1943 les allemands possèdent déjà des organigrammes assez complet des réseaux.

Ci-dessous extrait de la structure du secteur Ferme (Calvados) datant de début 1943
Archive allemande originale, "copie de copie", qui comporte plus de 50 indications de résistants, ici présentée en annexe au courrier du BdS IV E transféré par Kdo de Rouen IV E 488/44g du 4 mai 1944
Voir le dossier complet




3 - Les étapes après une arrestation de résistant  

Source : Mémorial de l'Alliance
    • Arrestation, souvent liée à une trahison (résistant retourné), à la présence d'un agent double, avec  l'appui de collaborationnistes (cas pour le secteur Jardin)

    •  Emprisonnement  à la prison "locale" comme Caen.

    • Interrogatoire(s)  toujours particulièrement violents Un double du procès verbal de l'enquête est envoyé à Dijon.

    • Dijon : les services  traitent tous les dossiers afin de les croiser et de les raccorder aux autres arrestations

    • Fresnes: en principe, après l'interrogatoire en prison locale, le prisonnier est transféré à Fresnes. Là, les interrogatoires (et tortures) se poursuivent, divers lieux possibles :
      •  au cœur de la prison
      • 11 rue des Saussaies devenu en 1940, le siège de la Police de Sûreté Allemande, qui comprenait dans ses services, la section IV connue sous le nom de Gestapo 
      •  72 avenue Foch siège de la Sipo-SD ou Gestapo

    • Transfert du prisonnier soit
      • Camp de Schirmeck  en Alsace:  camp de transit, avec un centre d'interrogatoire où sont détenus des résistants locaux et nationaux, des juifs, des mineurs polonais, des Allemands opposés au nazisme réfugiés en France, etc., avant d’être dirigés, 
      • sous le statut NN, vers les camps de concentration ou d'extermination.

      • Diverses prisons allemandes du pays  de Bade (S-Ouest de l'Allemagne,  région couloir comprenant une partie de la plaine du Rhin et de la Forêt-Noire.) 

      • Ainsi entre décembre 1943 et janvier 1944, 128 membres du réseau, 114 hommes et 14 femmes furent déportés dans des convois de 35 à 40 personnes quittant Paris
        -71 déportés furent incarcérés dans la prison de Kelh,  près de Strasbourg sur la rive droite du Rhin ;
        -27 dans celle de Pforzheim, ville située entre Karlsruhe et Stuttgart;
        -15 à Fribourg puis transférés à Schwabisch-Hall, prison au Nord de Stuttgart, 10 à Rastatt, 4 à Offenburg et 1 à Karlsrühe.
        Au moins 53 de ces résistants furent condamnés à mort lors des procès qui se déroulèrent entre fin décembre 1943 et  juin 1944.  Après avoir été détenus dans des conditions particulièrement inhumaines, puisqu’ enfermés dans des cellules individuelles, ils ne purent en sortir que le jour de leur exécution, ces condamnés furent fusillés dans des prisons du Reich.


    • L'Instruction du  dossier se continue  en vue du procès
      • avec de nouveaux interrogatoires  souvent menés par l'Abwehrstelle de Strasbourg, nommé J Gehrum, chef de la Sicherheitspolizei, qui chapeaute la Gestapo et la Kripo.
      • Préparation du jugement auprès du tribunal de guerre du III Reich basé sur les procès verbaux d'interrogatoires
          .
    • Jugement. La plupart des procès se sont déroulés au tribunal du Grand Reich  à Fribourg en Brisgau  : 3 sessions eurent lieu successivement à quelques mois d'intervalle : la première en décembre 1941, la seconde en mars et avril 1944,, la troisième en juin 1944.
      Avant l'ouverture du procès, les détenus recevaient la visite de leurs avocats. Ceux-ci désignés par le Tribunal militaire du Reich.

      Les jugements aboutirent à la même conclusion : peine de mort, même pour les femmes, du fait que l'accusé s'était rendu coupable d'espionnage. Cela, malgré l'assurance donnée à Paris au colonel Léon FAYE lors de son arrestation, que son organisation étant une organisation militaire, tous les membres détenus de l'Alliance seraient considérés comme prisonniers de guerre, ne subiraient aucun jugement et attendraient la fin de la guerre dans les camps.
      Les détenus ( N.N.) ne furent pas pendus mais bien fusillés, exception faite de quatre femmes graciées  provisoirement.

      La première session du Tribunal de Fribourg eut pour corollaire la fusillade de Karlsruhe, la seconde celle de Ludwigsbourg et la troisième celle d'Heilbronn, ainsi que plus tard, les massacres de Fribourg et de Sonnenbourg. Les massacres du Struthof et de la Forêt Noire eurent lieu par ordre direct de I'O.K.W. Berlin.  =>Voir partie 5



    • Premières victimes
      • 1941 :  H Schaerrer, ingénieur marine pris en plein action à la base sous marine de Bassens en juilet1941. IL est interné à la prison de Fresnes. Condamné à mort le 4 novembre 1941 par le tribunal militaire allemand de Paris, il est fusillé après quatre mois de détention, le 13 novembre 1941 au Mont Valérien. Probablement le premier fusillé du réseau Alliance.
      • 1942 : Internement de 9  agents de la région Nord, procès en nov 1942, ils sont  fusillés.
      • 1943 : nombreuses actions de police partout en France : Gannat (1 agent assassiné le 9 mars), Fort de Bondues (3 agents le 30 mars et 1 agent le 30 juin),  Fort de Romainville (4 agents le 2 octobre), Dijon (1 agent meurt sous la torture le 4 nov) région de Lyon 2 agents  en fin d'année) 
4 -Autres procédures

Bien entendu, la procédure ci-dessus n'est pas toujours appliquée !
Il existe de nombreuses exécutions isolées ou massacres lors d'arrestations locales, comme le massacre de la prison de Caen le 6 juin 1944 de 75 à 80 résistants dont 16 d'Alliance, secteur Jardin.

Prison de Caen, cérémonie pour le 75° anniversaire, avec la plaque souvenir et les portraits des fusillés


5- Les prisonniers d'Alliance dans les camps sont massacrés

Après l'armistice, Marie-Madeleine Méric,  accompagnée de Rodriguez "Pie" parcourent les prisons de l'est de la France et allemandes pour retrouver la trace des membres de l'Alliance disparus : en mai 1945, 700 sont encore portés manquants. 

Note : L’avancée de l’armée américaine commandée par le Général Patton, qui, le 30 août 1944, avait atteint la Moselle, aurait déterminé les nazis au massacre des membres du réseau Alliance détenus à Schirmeck. 
    • Camp de Schirmeck  en Alsace : les prisonniers  sont transférés en septembre au camp de concentration du Struthof,  au pour la plupart non jugés total, 108 membres d'Alliance dont 16femmes de tous les secteurs (et uniquement du réseau Alliance) sont exécutés par groupes de 12 et incinérés dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944. Seul  un  médecin  et une femme ont été épargnés.  Dans ce camp on trouve la plupart des agents arrêtés fin 1943 qui étaient impliqués dans le renseignement des bases sous marines et chantiers navals.

      Plaque à la mémoire des membres du réseau Alliance, assassinés dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944 au KL Natzweiler (Struthof)

Note: En novembre 1944, alors que l’armée américaine, commandée par le Général Patton, atteignait le Rhin, les nazis organisaient les massacres des autres membres du réseau Alliance détenus dans des prisons du Reich : ce fut "la semaine sanglante de la Forêt noire" du 20 au 30 novembre 1944. 
De tous les détenus de l'Alliance  écroués dans les prisons du pays de Bade, seuls sont revenus parmi nous ceux qui, ayant été transférés dans des camps lointains eurent ainsi l' ultime chance d'échapper  à la  mort certaine qui les attendait dans le district de l'Ast-Strasbourg.

    • Prison de Kehl,  (de l'autre côté du Rhin, face à Strasbourg) on trouve le passage de Paul Bernard et  Rodriguez, mais également la confirmation de l'exécution de 9 détenus d'Alliance le 23 novembre 1944 emmenés, deux par deux, près du Rhin, non loin d’un blockhaus où ils sont  exécutés et jetés dans le fleuve. 

    •  Rastatt, (30 km au nord de Kehl) 12  hommes de Kauffmann ont été tués le 24 novembre , les prisonniers furent assassinés 2 par 2 et les corps furent jetés dans le fleuve. Le 27 novembre, 4 femmes  sont tuées et enterrées dans la forêt de Rammersweier, prés d'Offenbourg le 27 novembre

    • Bühl le 28 novembre, membres du réseau d'Autun sont abattus et jetés dans le Rhin

    • Prison de Pforzheim, 30 novembre, 26  personnes dont 8 femmes, tous de l'Alliance, sont exécutés dans un bois, les corps jetés dans une carrière de graviers

    • Camp de Gaggenaule  30 novembre, 9 hommes de Kœnigswerther, ils finissent dans un charnier dans la forêt de Ratenow où  ils furent exhumés, reconnus et aussitôt transférés à Strasbourg

    • À Frisbourg-en-Brisgau, les condamnés à mort des différents procès ont été transférés dans d'autres prisons sauf   d'entre eux qui sont  exécutés sur place le 28 novembre 1944, dont Kauffmann .
      • À Schwäbisch Hall, (où était Rodriguez-Redington) MM Méric  retrouve les corps des 24 compagnons de cellule de Rodriguez-Redington, exécutés le 20 août 1944 :
      • Sonnenburg, en zone soviétique, se déroule  le massacre des prisonniers effectués le 30 janvier 1945, devant l'avancée de l'Armée rouge, (au total, 819 corps sont trouvés par les soldats soviétiques le 31 janvier). Faye y est assassiné mais son corps ne sera pas identifié.
      • À la prison Ludwigsburg, destination la plus fréquente,  les tombes des prisonniers exécutés sont retrouvées. 13 membres de l'Alliance, du Nord, de Vichy ou de Marseille, sont enterrés là.
      • À Bruchsal, on retrouve le testament de Faye. Le 3 janvier Faye est transféré à Sonnenburg.
      • Près du cimetière de Karlsruhe reposent les corps des 13  fusillés du 1er avril 1944

  • 98 autres membres du réseau (92 hommes et 6 femmes) sont morts ou ont disparu durant leur déportation dans les camps.
Ces exécutions (qui sont connues plus tard sous le nom de  "Schwarzwälder Blutwoche" ou   "Semaine sanglante de la Forêt-Noire"  répondent, à des ordres précis de la hiérarchie de la  Sipo Sicherheitspolizei , et de la Gestapo de Strasbourg  favorables à une destruction systématique de l'Alliance.
Compléments et détails ( biographies et photos) sur le PDF du "Mémorial de l'Alliance"


6 - Bilan

Sur quelques 3000 agents que compta le réseau Alliance entre 1940 et 1944:
  • 437 agents sont officiellement reconnus morts pour la France (fusillés, massacrés, disparus) soit 15%
  • 555  membres du réseau ont été déportés vers un  camp de concentration ou parfois dans une prison (certains  n’avaient pu être jugés, d'autres ne furent pas condamnés à mort mais furent tous  déportés
    • 375 sont morts (décès  ou exécutions ou  disparus) soit 68%
    • 180 retours (1/3 de femmes) soit 32%
Ainsi les retours de responsables d'Alliance :   Loustaunau Lacau libéré en avril 1945 après la "marche à la mort", Ferdinand Rodriguez (Pie, le radio anglais) miraculeusement le 14 janvier 1945 (échange), Paul Bernard transféré à la prison de Moabit, à Berlin, d'où il sort le 22 avril 1945

Données issues de l'ouvrage de G Caraes

Sources variées


Collaboration et Répression

Beaucoup d''arrestations...

L'année  1944  fut difficile dans le Calvados, le débarquement étant imminent, espéré par les uns et redouté par les autres,  les tensions sont exacerbées. Les occupants sont nerveux et doivent faire  face à des difficultés qu'ils règlent avec autorité en abusant de l'emprisonnement alors  que les geôles sont déjà pleines.

 L'occupant doit achever ses défenses rapidement, constructions de blockhaus, défenses diverses sur le littoral. Pour accélérer, ils contraignent les habitants à y travailler de force. Evidemment on manque d'ardeur, on ne se dépêche pas, on sourit...mais gare à son attitude, car on est vite envoyé en prison pour  des mots ou gestes déplacés, une maladresse volontaire.

Les jeunes requis par le STO sont désormais plutôt envoyés travailler sur les chantiers Todt  du mur de l'atlantique, aussi beaucoup se défilent. Début  1944, dans le Calvados,  plus des trois quarts n'ont pas répondu à l'appel de réquisition, et, donc, se cachent dans les campagnes. Ces nombreux réfractaires, eux aussi, pourchassés ont besoin de l'aide de la résistance (cache,  faux papiers, carnets d'alimentation...)

 De plus, certains résistants "terroristes" n'hésitent plus à s'en prendre aux collaborateurs notoires  qui sont supprimés. 

Aussi début  1944, face à un afflux  de difficultés  dans une ambiance délétère,  les arrestations suivies d'emprisonnement sont  fréquentes.  Une rafle,  une dénonciation, une  erreur, un petit trafic, être voisin, ami ou  de la famille d'un résistant... tout un chacun peut, à tout moment  être arrêté, emprisonné et déporté. Les arrestations se multiplient surtout vers la résistance qui subit une terrible répression, mais aussi, à un moindre niveau, chez l'occupant et ses soutiens en raison des nombreuses rivalités qui existent parmi  les  collaborateurs, les fonctionnaires de Vichy,  les auxiliaires français de la Gestapo, les services d'espionnage allemands.

Ainsi en juin 1944 les prisons normandes sont pleines, mais qui procèdent aux arrestations et aux interrogatoires ?


La  répression allemande (Voir le Glossaire)

Au début de l'occupation,  c'est la Wehrmacht (armée allemande), avec son service de contre espionnage l'Abwehr et  sa police militaire (GFP pour Geheimefeldpolzei) qui lutte contre la résistance.

Très vite, la relève est prise par les SS d'Himmler et ses divers services de sécurité, en particulier, les services de police et de renseignement (Sipo pour Sicherheitpolizei et SD pour  Sicherheitdienst) et la Gestapo (ensemble des forces de police en SS en France). Ensuite les kommandos Sipo-Sd,  chargés   de mener la répression, prolifèrent, ainsi une antenne s'installe  44 rue des Jacobins à Caen dés  juillet 1942 avec une douzaine d'hommes 
-dirigés par l'untersturmführer Henrich Meier dit "Henri"  policier professionnel et ancien membre de la Gestapo d'Hambourg
-son adjoint l'Hauptscharführer  Harlad Heins dit "Bernard" (qui en prendra la direction en février 1944). Il parle couramment français.

Une vingtaine de membres compètent l'équipe:

                                                                                                                                                                 

- Herbert von Bertholdi, "Albert", appelé aussi le " policier mondain ".
- l'athlétique Herman Seiff,
-Xavier Wetter dit "Walther", homme au regard fiévreux et peu rassurant,
- Karl Melhose,
- Helmut Althaus, ancien policier de Dortmund,
- Joseph Hoffman,
- Berger,
- Kurt Geissler,
- les chauffeurs: Max Kramer dit "Gueule d'acier", Eric Bartels, Heinrich Michaeliss,
- Karl Ludwig et Maurer, le cuisinier du groupe, tous les deux anciens membres de la GFP de Rouen.
-L'équipe est renforcée quelque temps plus tard par l'arrivée de Karl Zaumseil, dit" Charles ", professeur d'histoire à Magdebourg, et dont la correction contraste avec la singulière brutalité de ses collègues.


 Ils vivent dans une belle demeure au bord de l'Orne et y mènent une vie agréable et fréquentent des  établissements complices comme "la vielle Hostellerie pour y rencontrer celles qui deviendront leur maitresse.

A leur coté des "agents français" collaborateurs  (Brière, Vail...) qui trafiquent  et organisent le marché noir dont profitent leurs amis allemands. Désormais la chasse aux résistants prend de l'ampleur et nécessite l'aide de français afin de faciliter l'obtention d'informations et l'infiltration des réseaux. Ainsi se constitue une nouvelle équipe avec de nouveaux venus qui vont constituer la sinistre "bande à Hervé".

                                               

La collaboration 

Il faut d'abord rappeler que le chef de l'Etat, en 1940, a posé le principe de la collaboration officialisée avec la rencontre Pétain-Hitler le 22 octobre 1940 qui se résume par la voix de Pétain :  : "J'entre dans la voie de la collaboration...Suivez moi". 
Comme partout, dans le Calvados sont présents divers  mouvements collaborationnistes qui  incitent à une "collaboration loyale et active", on y adhère surtout  par fidélité à Pétain, anticommunisme,  extrémisme de droite mais aussi certaines personnes par intérêt personnel afin d'en tirer  un avantage (faciliter le  marché noir  pour s'enrichir ou obtenir le retour d'un prisonnier). La  collaboration pouvait avoir différentes formes qui s'entrecroisaient:  politique, économique, charitable, policière.

- "PPF" (Partie Populaire Français)  Doriot créé dés 1936 par Doriot , mais présent et actif dans le Calvados  à partir de  1941. C'est un parti de type fasciste  lié au pétainisme avec peu d'adhérents (100 à 200 maximum) recrutés essentiellement dans la bourgeoisie urbaine de Caen. Ce parti fut relativement effacé pendant la guerre mais certains membres furent très actifs dans la répression (Bande à Hervé).

-"RNP" (Rassemblement National Populaire) créé en 1941 par Déat fut le groupe le pus important  (maximum de  500 personnes) et le mieux  organisé   du Calvados, surtout implanté à Caen et dans le Pays d'Auge. Sa ligne politique néo-socialiste  et collaborationniste imaginait une Europe nazie unifiée. Il fait beaucoup de propagande (affiches, presse, tracts, films de propagande... ),crée des syndicats et connait un certain succès, ainsi à Bayeux un film de propagande accueille 400 spectateurs, venus par idéalisme, curiosité ou intérêt.

-"Collaboration" de Chateaubriand créé en 1940 regroupe des intellectuels et des bourgeois cultivés, conservateurs, qui se réclament de Pétain. Il compta un maximum de  300 adhérents qui assistaient a des  conférences. S'il était assez bien implanté son influence fut réduite


-"MSR" (Mouvement Social révolutionnaire) créé en 1940 était d'inspiration fasciste et plutôt collaborationniste que purement vichyste. Ses militants, peu nombreux,  liés à la Gestapo comme le  Raoul Hervé,  ont   particulièrement aidé la Gestapo. 

D'autres petits mouvements  plus ou moins éphémères  existèrent.  Il existe aussi  des  organismes d'entraide  tel le COSI ( Comité Ouvrier de Secours Immédiat)  qui aide les sinistrés des bombardements mais son action est  possible  uniquement grâce à  'la générosité des autorités occupantes... qui remettent de l'argent prélevé sur les capitalistes juifs" et il est  largement soutenu et infiltré par le RNP.

La LVF (Légion des volontaires français)  créée en 1941,après  l'invasion de l'URSS par l'Allemagne est soutenue par les partis collaborationnistes  (RNP, PPF MSR..) recrute, très difficilement, des soldats français  pour combattre avec les Allemands. Des permanences s'ouvrent dans les principales villes (Caen, Bayeux..) pur faire  de la propagande. Les rares recrutés furent attirés par le gain de la solde :  un soldat célibataire touche 1 200 francs par mois (un ouvrier gagne environ 650 francs par mois), 2 400 francs s'il est au front.

 En  1943, Laval et Darnand créent la "Milice" mais elle n'arrivera dans le Calvados qu'en  juillet 1944. 


La "bande à Hervé"

La collaboration policière  est totalement différente car il s'agit d'une collaboration  totale  d'agents français, des collaborationnistes , au service de la  police allemande, et donc particulièrement dangereuse et efficace. Les membres, assez peu nombreux, sont le plus souvent à plein temps et rémunérés.  



Un des chefs du Collaborationniste  dans le Calvados, Julien Lenoir,  fonde  à Caen le groupe  "Collaboration" dés 1941 qui propose rapidement d'aider  le Sipo-SD de Caen. Toutefois, la Gestapo trouvant Lenoir un peu trop connu cherche un responsable moins repérable, ce sera Raoul Hervé, un homme au passé tumultueux qui se prétend ancien officier de l'armée et spécialiste de la "propagande vichyssoise" via le CIR ( Centre d'Information et de renseignement) implantée rue Saint Jean à Caen. Il constitue fin 1943 une équipe d'un vingtaine de personnes déterminées  à lutter contre les ennemis de Vichy et du troisième Reich  composée de jeunes gens  rétribués 1956 francs par mois par les allemands de la "Propagandastaffel".

Les plus actifs:

-Serge Fortier un jeune catholique réactionnaire adhérent du PPF très actif
-Jean Laronche, ami de Fortier,  un nazi fanatique qui a le portrait d'Hitler dans sa chambre.
-Pierre Bernardin membre du PPF et qui travaille pour l'organisation Todt
-Gilbert Bertaux, un marin démobilisé, un homme brutal.
-Bernard Desloges dit "le gros Charles" qui chasse les réfractaires.
-Daniel Collard, ancien résistant du groupe Hector démantelé en 1941,  tombé amoureux de la secrétaire d'Hervé et  et recruté en au printemps1944 ( alors que son frère et toujours résistant).

Les autres  sont issus des divers mouvements collaborationnistes (RNP, MSR,  Collaboration, LVF..)

La "bande à Hervé" effectue essentiellement du "renseignement"  en utilisant l'infiltration en se faisant passer pour réfractaire ou résistant. Des décembre 1943 des dizaines d' arrestations  se multiplient dans la résistance du Calvados ((FTP, Front National,  OCM..). En  février 1944, avec le retour de "Bernard" comme chef du Sipo-Sd de Caen, la  "bande à Hervé" se voit attribuer le droit d'arrêter et  et d'interroger les prisonniers, désormais les membres ont une carte officielle délivrée par la Sipo-SD : carte "A" pour "Action"  (les proches d'Hervé) et "R" pour renseignement pour les nombreux informateurs.  Désormais la bande va multiplier les arrestations et interrogatoires.

La chasse aux réfractaires s'intensifie avec des opérations importantes, rafles et barrages  permettent d'arrêter des dizaines de jeunes. Ils démantèlent divers groupes de résistants;  le réseau "Alliance" en mars 1944, ales réseaux "Zéro-France" et "Cohors-Asturies" en avril, enfin, en juin, le groupe "docteur Derrien" à Argences.

 Désormais, rue des Jacobins, officie cette bande qui n'hésite pas  à  brutaliser, infliger  sévices avec "nerf de bœuf" et tortures aux personnes arrêtées qui surpassent en cruauté leurs amis allemands. Les rares témoignages nous glacent : les sévices durent plusieurs jours et sont d'une extrême brutalité, on va jusqu' a  ranimer à l'eau froide ceux qui s'évanouissent. Ainsi Hervé doit modérer Fortier et lui dit lors de l'interrogatoire de  Pierre Fournier d'Ouistreham :
-Ne tape pas comme ça sur la tête, Il ne faut pas le tuer avant qu'il parle...
-Pour ces chiens là, ça n'a pas d'importance.

On est prêt à tout, quel que soit la victime (lycéens, curé...), pour obtenir des aveux.

Si pour beaucoup la collaboration fut un moyen de s'enrichir ou de tirer un profit personnel  de manière relativement confortable en s'accommodant de l'occupation sans parfois  réaliser  qu'il s'agissait d'une trahison, pour quelque uns ce fut l'occasion d'infliger les pires sévices et tortures aux personnes arrêtées.

Que sont devenus ces collabos tortionnaires ?

Liberté de Normandie du 10 mars 1946

"Ils ne paraissent pas fatigués par l'audience de la veille. Sur leurs visages, nulle trace d'insomnie. On demeure confondu devant 1e cynisme et l'insouciance de ces jeunes hommes qui ont l'air plutôt d'étudiants en goguette que d'authentiques criminels. Jacques Brotot affiche toujours le même détachement des choses de ce monde. Daniel Collard s'entretient fréquemment avec son avocat et semble trouver sa cause excellente. Desloges, plus lourdaud, à l'air gêné aux entournures et Fortier fait de plus en plus chef de bande. "

Le 14 mars 1946,le verdict tombe. Serge Fortier, Daniel Collard et Bernard Desloges sont condamnés à la peine capitale, à la grande joie de l'assistance. André Martin et Jacques Brotot sont condamnés à vingt ans de travaux forcés. La peine capitale est prononcée par contumace à l'encontre de Raoul Hervé. Jean Laronche. Pierre Bernardin. Henri Léon et Joseph Martine.
Le 9 mai 1946, Daniel Collard, Bernard Desloges et Serge Fortier sont fusillés  dans la cour de la prison. 

Raoul Hervé :  retrouvée en 1950, à Clichy-sous-Bois, sous le pseudonyme de Merver et incarcéré à Fresnes. Se fait passer pour un grand malade et obtient 9 fois le report de son procès. Jugé en 1956, il joue la sénilité, il échappe à la peine de mort, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Bénéficiant de remises de peine et de la grâce du président de la République, il sortait de la prison de Périgueux le 24 mars 1958.après 2 ans de prison. Meurt en 1963 en Corse.

Pierre Bernardin :  arrêté au Laos, où il servait dans la Légion étrangère. Rejugé à Paris en janvier 1950. Condamné à 20 ans de travaux forcé et obtiendra sa liberté conditionnelle dès le 9 août 1952.
Henri Léon
Jean Laronche et Joseph Martine ont été exécutés par la résistance  en 1944.(ce qui était ignoré lors du procès de 1946)

Gilbert Bertaux engagé des SS, rapatrié en France,  fut démasqué et jugé en 1946, il fut exécuté.

H Heins "Bernard" chef de la Gestapo,  arrêté en 1945, jugé en 1948, s'échappe  pendant le procès et disparait à tout jamais.