Interrogatoires

"La torture est l’un des crimes les plus horribles qui puissent être commis contre un être humain. Elle vise à déshumaniser les victimes en perpétrant des actes de cruauté délibérés afin de priver les victimes de leur dignité et de les rendre impuissantes"  Rapport sur la torture

"Nul au monde n' a le droit de juger sans pitié celui-là qui, ayant été torturé, a parlé. Ce droit ne peut être reconnu à personne [...] pas même à celui qui sait, pour l'avoir éprouvé. [...]  J'ignore bien, quant à moi, comment je me serais comporté dans les supplices" Colonel Rémy


Tous les interrogatoires  et rapports allemands sont présentés dans la fiche  "BIOGRAPHIE" de chaque résistant  avec:

  • La biographie détaillée du résistant
  • Une synthèse de son interrogatoire
  • l'extrait du  rapport final allemand concernant le  résistant, traduit en français (ce que la Gestapo a conclu après les divers interrogatoires) 
  • L'interrogatoire du résistant entièrement traduit en français
  • L'interrogatoire   du résistant sous forme d'une copie de l'archive originale

ainsi chaque lecteur dispose de tous les documents et archives  que l'on possède actuellement


1-Nature et forme des interrogatoires

En fait, il ne s'agit pas d'une transcription de l'interrogatoire mais uniquement d'un compte rendu d'interrogatoire (s) donc la Sipo a indiqué ce quelle souhaitait

  • Tous datés de mai 1944 alors que les résistants ont été arrêtés entre mars et  début mai 44. De plus  il s'agit probablement  de la date de la rédaction du rapport. Aucune certitude sur les dates effectives du ou des interrogatoires..

  • Pour certains, il s'agit de synthèses de plusieurs interrogatoires.
    "j'admets n'ayant pas dit toute la vérité lors de mon premier interrogatoire. J'ai délibérément omis plusieurs détails importants parce que je ne voulais pas trahir les camarades de l’organisation. Je suis maintenant prêt à dire toute la vérité et je n'omettrai rien."   (J Truffaut )
    Nous ne connaissons pas le nombre d'interrogatoires par détenu, ni comment les textes ou la synthèse ont été réalisés
  • tous présentés à l'identique  avec 
    • l'identité : Nom, lieu de naissance, épouse, enfants, antécédents judiciaires, religion, parents
    • la personne : enfance, études, activité, mariage, enfants
    • le sujet : activités de résistant...

  • signés par chacune des victimes après ces phrases:
    "L' interrogatoire m'a été lu en français. Je confirme son exactitude par ma signature."  



2-Les "menaces" (tortures)  lors des interrogatoires


                                            "Sous la menace"  est la traduction retenue pour "Auf Vorhalt" 
Traduction littérale
-Vorhalt
 = grief (accusation, récapitulation, reproche), présentation, confrontation (à des charges), question après rappel des charges
-auf Vorhalt = on fait observer, sur présentation de, confronté à

"Auf Vorhalt" est l'allemand juridique typique dans les protocoles d'interrogatoire officiels et signifie, pour ainsi dire, au sens figuré, que le tribunal a présenté un certain document au témoin ("l'a tenu devant ses yeux ") afin qu'il puisse commenter son contenu.

La traduction devient donc  délicate dans le contexte d'interrogatoires de résistants en 1944 en raison des sens multiples et  sous entendus  possibles: le prisonnier a parlé  suite  à une  très forte pression, liée à une présentation de ..., à une confrontation avec..." qui peuvent  être une preuve (document, photo ...) ou une  arme menaçante, ou  un outil de torture ou  une menace de représailles sur la famille.... On connait les méthodes utilisées par les nazis pour faire parler (tortures) or un rapport officiel allemand ne peut  l'indiquer de manière formelle.

Aussi, en raison du contexte spécifique de ces interrogatoires, la traduction "sous la menace" semble une traduction pertinente. Toutefois ce terme doit être considéré comme une évocation indirecte et sous-entendue de violences, tortures morales ou physiques quelles qu'elles soient. D'ailleurs des témoignages confirment les violences subies lors des interrogatoires. 



On sait que les interrogatoires  se font avec l'utilisation de la torture avec de grandes violences et souffrances (témoignages de Simone Lemière et de la famille de Saint Pol) . De plus dans plusieurs interrogatoires est clairement  indiqué, à plusieurs reprises parfois, "Auf vorhalt" ou "sous la menace" ce qui signifie que les allemands sous entendent avoir utilisé la torture, bien sûr, sans aucune précision.

De fait, les archives montrent,  avec certitude, qu'au minimum,  7 prisonniers  sur 17, ont subi de  très violentes tortures, reconnues par "sous-entendu" par la Gestapo dans les rapports.

  • Auf Vorhalt: (sous la menace) indiqué dans le texte
    • Langeard :"J'avoue, sous la menace, que je connais d'autres membres."
    • Lemière : "J'avoue sous la menace qu'un jour, Boulard,.. "

  • Auf Vorhalt: (sous la menace) indiqué en tant que nouveau Paragraphe
    • Primault : 1 paragraphes
    • Thomine :  3  paragraphes
    • De Touchet : 2 paragraphes
  • Autre : dans le  rapport final  
    • De Sain Pol :  "ll avoue - après un interrogatoire très difficile"

  • A noter que les interrogatoires de Jean Truffaut, arrêté à Paris,  se déroulent à la prison de la Wehrmacht à Fresnes. Il est présenté, ici, uniquement un seul rapport qui indique clairement qu'il existe d'autres interrogatoires précédents qui n'ont pas apporté de  réponses, aussi a-t-il été torturé pour obtenir des  aveux ainsi formulés : "j'admets n'ayant pas dit toute la vérité lors de mon premier interrogatoire. J'ai délibérément omis plusieurs détails importants parce que je ne voulais pas trahir les camarades de l’organisation. Je suis maintenant prêt à dire toute la vérité et je n'omettrai rien."
  • L'on peut s'interroger sur la  présentation des rapports  et penser  que des paragraphes différents "sous la menace" peuvent être attribués à des interrogatoires différents.

  • Exemple :L'interrogatoire de  J Thomine montre qu'il a du parler au moins trois fois sous la menace







  • Quelques rares et brefs témoignages des violences subies lors des interrogatoires :
    • Robert Douin :  il est aperçu dans les douches  par un autre détenu, celui-ci  explique qu''il marchait difficilement, le dos vouté, un bras cassé" et qu'il lui a dit : " Ne parle jamais !".

    • Jean  Caby : Son épouse Marcelle  a aussi été arrêtée mais  relâchée le 11 mai. Ensuite, elle a pu voir son mari à l'hôpital où il a été emmené suite aux tortures subies : elle a vu les blessures qu'il portait, en particulier, à la tête, suite au "supplice du casque".

    • Désiré Lemière, témoignage de sa fille Simone : Périodiquement, on le transférait rue des Jacobins. Là, il était torturé. On raconte qu'à chaque sortie de cette odieuse maison, "le sang lui pissait au bout des doigts ! ".
  • Seul De Touchet nie absolument tout, malgré la torture, il ne parlera pas.

    "Je nie fermement avoir été membre d'une quelconque organisation de résistance ou d'espionnage. Je ne connais ni les noms ROGER, ni DRAGON, ni COULIBOEUF, ni DOUIN."

3-Des rapports d'interrogatoires  de longueurs inégales 

Pour  comparer rigoureusement les interrogatoires, nous avons  tenu compte  uniquement de  la longueur  du texte  (nombre de lignes)du rapport, pour la partie " le sujet" .
Il ne s'agit pas de la durée de (des)  l'interrogatoire mais une simple indication.



Trois interrogatoires sont particulièrement longs pour Caby, Douin, et un peu moins longs Thomine et Truffaut. En effet, d'une part, ce sont les premiers arrêtés à la mi mars 1944 et, d'autre part pour, ce sont d'importants responsables du réseau alliance "Jardin", ce que savent les allemands (voir le rapport allemand début 1943 qui présente déjà un organigramme assez complet). De plus l'arrestation de F Truffaut, porteur de nombreux documents,  leur permet  de connaitre en détail les membres du réseau.( voir les rapports allemands du 16 et 18 mars 1944). Ainsi, Truffaut donne beaucoup d'explications mais il faut rappeler qu'il été arrêté  en étant porteur de nombreux documents explicites :  il ne peut nier leur contenu.

Exemple:

-Retranscription du 18 mars 1944 :  information d'arrestations

 Caen, le 18 mars 1944

Les personnes suivantes ont été arrêtées le 16.3.44 suite au télex du BdS N° 22097 :

DOUIN, Robert, né le 4.7.91 à Caen, domicilié à Caen, 33 rue de Geole

CABY, Jean, né le 8.12.11 à Paris, domicilié à Villers-Bocage

THOMINE, Georges, né le 25.6.06 à Port-en-Bessen, domicilié à Port-en-Bessin

SAINT PAUL, Guy, né le 22.3.14 à Curcy, domicilié à Amayé-sur-Seulles

Lors de l'examen physique de CABY des documents ont été trouvés qui indiquent clairement une activité au sein d'une organisation.

Tous les détenus nient fermement d'avoir déjà traité de l'espionnage.

Tous ont fait l'objet de recherches approfondies de leur domicile, mais sans succès.

Chef de service


Les résistants arrêtés sont mis immédiatement à l'isolement et vont connaître de violents interrogatoires. C'est donc logique que les rapports soient longs, toutefois les allemands n'obtiennent pas  d'informations nouvelles. Au mieux, ils ont confirmation de ce qu'ils savent déjà, notamment les noms des autres membres du réseau, mais jamais rien de précis sur les activités, le matériel. S'ils parlent un peu, c'est du passé et concerne des personnes en fuite.

Les  13 autres interrogatoires sont beaucoup plus courts. Lemière et Lebaron qui étaient particulièrement actifs et avaient des responsabilités présentent un rapport de longueur moyenne.

Par contre les autres rapports (la moitié) sont particulièrement brefs. Les raisons sont diverses, le plus souvent ils concernent des agents de renseignements  qui ont encore peu agi, les autres concernent de fortes personnalités qui refusent de parler  comme De Touchet ou De Saint Pol qui raconte ce qu'il veut bien dire... en oubliant l'essentiel.


4-Les  aveux : les noms cités

Certains prisonniers ont,  probablement, pu communiquer entre eux et échanger afin d'arranger et coordonner les aveux individuels  avec noms, dates, actions à indiquer.

Des noms de camarades résistants  sont toujours cités mais ils étaient déjà tous connus de la gestapo. Donc, dans ce type de situation il ne faut pas nier ce que l'ennemi connaît déjà, de plus, cela permet d'être plus crédible lorsque l'on nie des éléments dont la connaissance par l'ennemi est imprécise. Il est donc normal que les prisonniers donnent des noms et des "précisions" souvent déjà connues ou floues, ambiguës.

De mêmes noms reviennent très souvent comme celui de "Couliboeuf" (32 fois)  qui n'a pas été arrêté mais qui est en fuite, et ceux de Caby (66), Douin(26), Thomine (24), Roger-Dragon (17) et Truffaut (15), qui sont les premiers arrêtés et interrogés, connus pour être des "responsables" locaux des réseaux.


  • Tous les noms cités sont ceux d'agents déjà arrêtés et emprisonnés ou disparus.

Lors de leur(s) interrogatoires(s) les résistants interrogés doivent donner des noms, noms déjà connus par la Gestapo et qu'il vaut mieux  citer pour éviter, si possible, la torture. En bleu le nombre de noms différents cités et en orange le nombre de fois que tous les noms sont cités avec répétition.

 
  • Qui est cité ?
On s'aperçoit que seuls les noms des responsables (et premiers arrêtés) sont les plus cités ce qui semble logique particulièrement pour  Truffault, Gaby, Douin , Thomine, et même pour D Lemière le responsable du secteur de Saint Laurent.
Toutefois, s'il est "normal" que le nom de Couliboeuf soit cité 32 fois car il est "en fuite" et de Roger Sainteny (15 fois)   qui ne sera arrêté  que le 7 juin,  le nom de Caby est anormalement  cité  66 fois, ce qui peut sembler beaucoup. Son rôle est important, il semble connu par la plupart des membres, de plus il est porteur de documents lors de son arrestation. Aussi est-il toujours nommé par les 6  résistants de Villers Bocage qu'il  a recruté et dirigé, d'ailleurs la Gestapo connait le rôle de Caby, aussi ses agents peuvent et doivent le nommer, ce qui explique la fréquence de son nom.

Une autre anomalie étonne :  Olard est cité  6 fois, pourtant il n'est pas interrogé et sera libéré très rapidement  après seulement 7 jours de prison. Pourquoi ? son silence, après sa libération,  l'a fait considérer comme un "collabo"  un "traitre", dans son village.  Toutefois, il n'existe aucune archive  dans ce sens, ni, d'ailleurs,  aucun document indiquant qu'il ait pu avoir la plus petite activité  de résistant.
On notera que les autres noms de résistants arrêtés sont vraiment très peu cités (1 à 3 fois) , ce qui montre que ces hommes n'étaient pas bavards avec la Gestapo malgré les menaces et la torture.


  • Arrestations par secteurs  :
     
    On remarque que lors des interrogatoires aucun nom  de résistant local, autre que ceux des personnes arrêtées, n'est cité. Toutefois, on remarque des différences selon les groupes locaux de résistants.
    -Ainsi pour le groupe relativement important  de Port en Bessin, seul Thomine est arrêté ; il ne parlera jamais des membres de son groupe qui ne seront pas inquiétés, bien qu'il soit certain que Thomine ait subi de violentes tortures.
    -A l'opposé, tout le groupe de Villers Bocage est arrêté, l'explication pourrait être dans la présence de documents que portait Caby lors de son arrestation et qui aurait permis de lister les membres ?
    -Pour le petit groupe de Saint Laurent/Vierville, tous les membres sont arrêtés, pourquoi ? Il n'existe pas d'explication évidente. Si, après la guerre, dans les villages certains ont parlé de dénonciation par la seule personne libérée après une semaine, il n'y a jamais eu la moindre preuve, seulement une suspicion..


5-Qu'apportent  concrètement  ces interrogatoires ?

Dans l'ensemble, ils confirment ce que les allemands savent déjà  (des noms) et n'apportent pas  de renseignements nouveaux et importants. D'ailleurs presque tous les membres du réseau sont arrêtés, il ne pourrait  y avoir de nouvelles arrestations que sur dénonciation, ce qui n'a pas été le cas.

  • Les responsables assument leur rôle
    "J'étais responsable de ce groupe...Par la suite, conformément à ces instructions, j'ai recruté un total de cinq hommes" Caby
    "En tant que collaborateur de la section de Caen, j'ai..." Douin
    "Je dois avouer que je lui ai parlé en détail des fortifications côtières de ma région. l'étais conscient que ces informations touchaient à d'importants secrets militaires." (sous la "menace" Thomine


  • Couliboeuf qui a quitté la région est donc toujours cité  et montré comme le  responsable du réseau
"À Caen, j'ai d'abord été présenté au professeur Couliboeuf, qui m'a dit après une longue conversation qu'il était membre d'un groupe de résistance." Caby

"En août 1943, le professeur Couliboeuf de Formigny m'aborde et me demande de rejoindre un groupe de résistance auquel il appartient" Boulard

  • La plupart des prisonniers  reconnaissent être membre du réseau. Souvent, ils précisent que lors du recrutement,  ils ont d'abord refusé 
"Au début, j'ai refusé...ensuite j'ai rejoint le groupe" Anne
"Il m'a forcé la main" Loslier
"j'accepte finalement de rejoindre son organisation" Loslier
"cependant, j'ai continué à refuser et je n'ai pas rejoint cette organisation" Margerie

  • Les réponses  demeurent toujours floues,  imprécises ou  superficielles :
Le flou 
"Je ne connaissais ce Caby que brièvement"  Lemière
"Je ne sais pas ce qui a été discuté entre Thomine et Caby" et Je ne savais pas et je ne sais pas aujourd'hui" " Je ne connaissais ce Caby que brièvement" Lemière
"on ne m'avait pas donné plus de détails" Loslier
"Je ne savais pas non plus qu'il appartenait à un groupe de résistance" Marié
"Je ne connais de nom que Thomine et Douin" Primault
La répétition: "je ne sais pas"  ou "je ne savais pas"  Lemière
L'oubli:   "Je ne me souviens pas du jour exact où j'ai rencontré Dragon" Duval
L'imprécision: "des positions militaires jusqu'à Arromanches n'ont été signalées que de manière approximative" Douin
  "J'avoue avoir fourni une dizaine de renseignements au Caby sur |'état des unités militaires, le type et la puissance de leur armement et leur mouvement. Je n'ai jamais fait de rapports ou de cartes."  Lebaron

  • Des relations  qui s'expliquent  simplement
 : Thomine, il nous fournissait régulièrement du poisson à ma famille et à moi"  et " Boulard, que je connais bien depuis ma jeunesse," Lemière
"Je connais l'électricien Caby depuis environ 2 ans, je l'ai rencontré lors d'occasions professionnelles." Robert
  • Les réponses qui  minorent leur rôle,  souvent à juste titre, en indiquant qu'ils étaient réticents ou/et qu'ils n'ont encore rien réalisé, étaient peu actifs,  voire stupide  en l'attente d'un éventuel débarquement. 
"Je ne connais pas d'autres personnes dans son organisation. Je n'ai jamais été convoqué à une réunion" Langeard
"Je n'ai recruté que l'agriculteur..." Lebaron
 "Je ne connais pas d'autres membres de l'organisation" Langeard
"Je n'ai jamais fait de rapports ou de cartes." Lebaron
"je n'ai donné aucun message militaire"  Anne
"Je n'ai donné aucun renseignement à Caby" Margerie
"Je nie avoir donné à Caby des informations militaires ou autres informations pertinentes" De Saint Pol
"Je n'ai encore pris part a aucune action active d'aucune sorte contre la puissance occupante". De Saint Pol
"Je n'ai eu que des contacts limités avec d'autres départements" Douin
"Ce que j'ai fait dans ma stupidité"  Lemière
"Je n'ai pas encore eu de mission spécifique" Loslier
" Couliboeuf ne m'avait jamais parlé du but et de l'objectif réels de son groupe de résistance" Boulard

  • L'aspect "renseignement"  est gommé par l'aspect "aide au futur débarquement"
    "Il m'a approché et m'a demandé de rejoindre son groupe de résistance, qui devait aider les Anglais et les Américains en cas de débarquement anglais. Langeard
     "
    Ma tâche consistait, en cas de débarquement anglais, à reconnaître les abris allemands, les unités de troupes et leurs positions (...) Mais comme le débarquement anglais n'a pas eu lieu jusqu'à aujourd'hui  (...)je ne pouvais rien entreprendre de plus. Jusqu'à présent, je n'ai donné aucun message militaire à un étranger ou à une personne que je connais de cette organisation." Anne
    "Chacun d'entre eux avait certaines tâches, telles que les agents de liaison lors de l'arrivée des troupes anglaises, l'approvisionnement en nourriture pour ces troupes, etc. mais seuls quelques-uns d'entre eux étaient au courant de ces tâches particulières." Caby
     "Thomine m'avait également dit qu'en cas de débarquement anglais, je recevrais d'autres instructions et que je devrais être prêt à tout moment. Je ne savais pas ce que je devais faire." Duval
    "Caby m'a dit que je recevrais de lui des instructions plus détaillées en cas de débarquement anglais. Je n'ai pas encore eu de mission spécifique dans le cas du débarquement anglais." Loslier
    "je devais seulement fournir de la nourriture à l'organisation en cas de débarquement anglais, ce que j'ai accepté de faire." Robert

  • Parfois  il est précisé qu'il n'y avait pas d'intérêt financier ou, au contraire, qu'il y a eu un paiement 
"Je n'ai reçu aucune compensation financière de cette organisation." Anne
"J'ai reçu deux fois 500 frs de Douin pour mon travail". Primault (ce qui sous entend, qu'à ses yeux, il a simplement réaliser  un travail)

  • Certains essaient démontrer qu'ils ne sont pas anti allemands 
"En 1942, lorsqu'un avion allemand s'est écrasé près de Louvigny, j'ai donné les premiers soins au pilote" "Les deux pilotes m'ont beaucoup remercié pour mon aide, je n'ai reçu aucune autre reconnaissance pour mon aide." Margerie
"En 1942, j'ai rejoint le "Groupe Collaboration" sur les conseils d'un certain Carel. Comme une opinion politique s'est très vite fait connaître dans ma petite ville, presque tous les commerçants hostiles à l'Allemagne se sont vivement retournés contre moi et ont menacé de bloquer mon commerce. "  Caby
"Cependant, je n'ai commis aucun acte contre les troupes allemandes" Lemière

  • Tous les interrogatoires se terminent souvent  par : 
Je ne peux pas donner plus d'informations à ce sujet."
"J'assure que j'ai dit toute la vérité et que je n'ai rien caché."

CONCLUSION

La violence des interrogatoires n'a pas permis à la Gestapo d'obtenir de nouvelles informations, de nouveaux noms, seulement  une confirmation de ce qui  est déjà connu (voir les rapports).

Pour la Gestapo, le réseau  fournirait  d'abord  une aide en cas de débarquement anglais ce qui est indiqué  à plusieurs reprises dans les interrogatoires, et, de plus, il est chargé d'apporter des renseignements militaires qualifiés de "vagues et insuffisants" .
D'ailleurs le rapport final allemand  dresse un bilan de ces  interrogatoires et précise : "Néanmoins, selon les propres aveux des accusés, les informations ont dû être, dans l'ensemble, très vagues et insuffisantes. En tout cas, on peut affirmer sans hésitation que, sur le plan du renseignement, dans sa constitution jusqu'à, le service de renseignement Giraud du département du Calvados n'était pas très dangereux".

Si le rapport indique  que ce réseau semble peu efficace et peu dangereux, la Gestapo commet une grave erreur d'appréciation: 
"peu dangereux" :  effectivement, les membres  sont non armés, ni violents, cela n'a pas empêché que tous les résistants arrêtés soient exécutés le 6 juin 1944.
-"informations vagues et insuffisantesLa Gestapo sous évalue complètement le travail du réseau Alliance et n' a pas conscience  du volume  et de la qualité des renseignements  apportés au MI6. C'est vrai qu'ils n'ont pas eu connaissance de la fameuse carte élaborée par Douin  qui a été d'une grande utilité  pour le débarquement. En fait, la Gestapo est aveuglée en pensant que le réseau était surtout prévu pour agir et  fournir  une aide au  débarquement anglais, ce que la plupart des interrogatoires montrent, en effet les résistants pour minorer leur rôle, indiquent, dans leur interrogatoire, qu'ils n'ont encore rien fait...en attente  débarquement. Les allemands l'ont cru et ont été bernés.

Un autre exemple  montre l'aveuglement allemand :  à leurs yeux, seule l'importance de l'activité de Caby  (qui d'ailleurs  serait simplement  un "radio en formation") dans le recrutement pouvait devenir inquiétante car il formerait un groupe sur Villers-Bocage qui se serait constitué dans un but purement militaire, or ce groupe ne possède pas d'arme et seulement un émetteur !

Par ailleurs, au niveau national, le réseau Alliance a été considéré par les services centraux du renseignement allemand comme l'un des plus dangereux des services secrets "l'ennemi N°1 à abattre" a écrit Marie-Madeleine


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En complément, un peu de lecture et, surtout, une réflexion sur les tortures qu'ont subis de nombreux résistants
Dossiers PDF  :

  • Rapport sur la torture - Redres
    "La torture est l’un des crimes les plus horribles qui puissent être commis contre un être humain. Elle vise à déshumaniser les victimes en perpétrant des actes de cruauté délibérés afin de priver les victimes de leur dignité et de les rendre impuissantes"


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