FAYE Léon

Né en 1899, Léon Faye s’engage dés 17 ans dans la guerre. À partir de janvier 1917, il a suivi les enseignements d’une école d’officiers à Fontainebleau. Il termina la guerre comme sous-lieutenant, titulaire de 21 mois de combats, à l’âge de 19 ans et demi.



Une carrière militaire brillante
Lieutenant, en octobre 1922. Il passe une année au corps d’occupation français de Constantinople. Le 21 octobre 1923, il est affecté aux troupes d’occupation du Maroc, où il reste jusqu'en septembre 1933.Il fut fait chevalier de la Légion d’honneur en décembre 1926, à l’âge de 27 ans. En  1925, il fut détaché dans l’aviation et obtint le Brevet d’observateur d’artillerie. Il fut affecté à l’aéronautique militaire par décret du 16 octobre 1929. De 1930 à 1934, il commanda les 3e et 6e escadrilles du 37e régiment d’aviation et fut muté à l’état major de l’armée de l’Air de 1934 à 1937. Il fut ensuite admis à l’École supérieure de guerre aérienne en 1937.

Deuxième guerre mondiale
Le 21 janvier 1939, il fut promu commandant et sortit major de sa promotion et breveté d’état-major en juillet et enseigna au Centre des hautes études militaires, à Paris. À la déclaration de guerre, il dirigeait le détachement opérationnel de la région de Nancy.
En mars 1940, il fut mis à la tête du groupe de reconnaissance aérienne GR I/52, qu’il commanda jusqu’à l’armistice. En septembre 1940, il fut affecté à l’état-major du commandement de l’Air en Algérie dirigé par le lieutenant-colonel Kauffmann. Fin 1940, il rencontre à Vichy le commandant Loustaunau-Lacau, délégué général de la Légion française des combattants.

Puis résistant au sein d'Alliance 
Il rencontre Marie-Madeleine Méric-Fourcade en janvier 1941 à Vichy et entre dans le réseau alliance. Sous le pseudonyme Aigle, il développe le réseau et en devint le chef en 1942.

Il fut arrêté plusieurs fois :
-par la police de Vichy, à Alger le 22 mai 1941 en compagnie de Georges Loustaunau-Lacau, pour avoir participé à un complot d’officiers favorables au retour immédiat de l’AFN dans la guerre, puis relâché au bout de deux jours et de nouveau arrêté  en juillet 1941 à Pau,  il est  traduit le 15 octobre devant le tribunal militaire de Clermont-Ferrand qui le condamna à 5 mois de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État en temps de guerre »

-le 7 novembre 1942, arrêté à Marseille par les allemands de la radiogoniométrie, il est emprisonné. Incarcéré à Vichy, à Castres puis à la prison de Vals-les-Bains. Il  comprend qu'il ne s'en sortira pas seul et s'associe avec Gabriel Cochet   pour organiser une évasion. Celui  demande à sa  sœur, Marianne Cochet, de lui procurer du matériel d'évasion : scies et cordes. Ce qu'elle fait. Léon Faye s'occupe des dispositions matérielles pour scier les barreaux, amarrer et déployer la corde.  Nine Lemasson  organise  la prise en charge des fugitifs par des agents postés aux alentours de l'hôtel, dans une automobile...
L'évasion réussit, le 23 novembre 1942, les prisonniers descendent en vrille le long de la corde, tendue depuis le premier étage par-dessus le mur d'enceinte. Faye et Cochet  gagnent Ussel, chez Jean Vinzant, du réseau Alliance.
Il se rend ensuite à Alger et Londres
 
-le 18 mai 1943 à nouveau arrêté à Lyon par la police de Vichy, avec Kauffmann et deux autres, ils arrivent à s'échapper ensemble.

Responsable d'Alliance  avec MM Méric
Après sa libération  de prison en 1941, il reprend contact avec Marie-Madeleine Méric, chef d'état-major de Loustaunau-Lacau. Elle lui annonce qu'elle a pris la direction du réseau depuis l'arrestation de son chef ; elle propose que Faye en devienne le chef militaire et son nouveau chef d'état-major, ce qu'il accepte à la date du 25 janvier 1942. Il fut le responsable militaire du réseau Alliance de mai 1942 à juillet 1943, puis son chef de juillet à septembre.
Faye Faye multiplie le recrutement en particulier parmi les militaires et réorganise Alliance en particulier l'écoute interne en radio pour éviter les déplacements. Il développe le réseau en Afrique du Nord.


Des séjours à Londres et Alger pour réorganiser le réseau
[une double date correspond à un transfert nocturne en Lysander]
En avril 1942, l'Intelligence Service demande au réseau de contacter le général Henri Giraud. Faye part à Londres, nuit du 23/24 août 1942 pour transmettre les intentions de Giraud. Il apprend dans le même temps l'imminence d'un débarquement en Afrique du Nord. Revenu nuit du 25/26  septembre, il rapporte deux millions de budget mensuel dans ses bagages, ainsi que des accords sur le parachutage de matériel et l'envoi de spécialistes radios. Dans la nuit du 5 au 6 novembre 1942, le transfert du général Giraud vers Gibraltar par sous-marin britannique est exécuté au large du Lavandou. S'en suit son arrestation  le 7 novembre suivie de son évasion.

Après avoir retrouvé Méric, il repart pour Londres le 14/15 janvier 1943, afin de continuer les échanges concernant l'administration du réseau et faire le point sur son étendue (il rassemble alors plus d'un millier d'agents).
Il rencontre le général de Gaulle ; si celui-ci le reçoit très mal, reprochant au réseau l'absence de renseignements sur Giraud ou l'Afrique du Nord, les tensions s'apaisent vite, Faye lui rappelant que leur contact auprès de la France libre, Pierre Fourcaud, était emprisonné jusqu'en août, et a quitté ensuite le BCRA. Pour satisfaire les deux parties, le réseau transmettra désormais ses informations via Claude Hettier de Boislambert, qui est arrivé avec Faye.
Il part ensuite pour Alger, en février 1943, où il va obtenir de Giraud, devenu commandant en chef des forces civiles et militaires, que le réseau soit bientôt militarisé ; cela implique notamment des représentants permanents à Alger et une liaison radio France-Afrique du Nord, sans pour autant se couper de Londres. Il est de retour en France le 20/21 mars 1943 et s'installe à Lyon (où il sera encore arrêté le 18 mai 193 mais s'échappe encore).

Faye décide de cloisonner l'ensemble du réseau, jugé désormais par Méric trop vaste pour rester en l'état. Le 16 juillet 1943, dans une grande réunion à Paris, il présente ce plan aux chefs de secteur : l'approche descendante entre le PC et les secteurs, et la transmission directe des secteurs à Londres sont validées. Méric, trop exposée, doit partir à Londres réclamer la militarisation du réseau qui tarde, Faye prend le commandement, le renseignement étant confié à Paul Bernard, que Méric a choisi comme successeur.

Le 15/16 août 1943, Faye rejoint Méric à Londres pour notamment travailler à un plan de décentralisation du réseau, réclamé par l'IS. Il est nommé colonel par Giraud. Par contre, les services britanniques leur recommandent de ne pas retourner en France, leurs statistiques montrant qu'ils ont tous deux dépassé depuis longtemps la cote d'alerte.


Arrestation, tentative d'évasion, déportation et exécution
Faye sept 43 puis Déc 43
après 3 mois de prison

Le 16 septembre 1943 de retour d’une mission en Angleterre, Faye est arrêté en gare d’Aulnay-sous-Bois par le SD allemand sur dénonciation d’un infiltré dans le réseau Alliance, Jean-Paul Lien.

 Il est emprisonné au SD, 84 avenue  Foch à Paris. Il apprend lors de ses interrogatoires que les allemands en savent beaucoup sur le réseau Alliance et qu'ils sont capables d'envoyer de faux messages radios codés aux anglais  suite à la trahison de JP Lien. Il envisage de s'évader avec ses voisins de cellule :  Noor Inayat Khan (WAAF : Women Auxiliary Air Force) et  John Star, qui, en fait, coopère avec les allemands (il rédige et corrige les faux messages envoyés en Angleterre) [source : Madame Fourcade's Secret War de L Olson] ce que Faye  ne sait pas. L'objectif est de desserrer les barres du conduit de ventilation pour accéder au toit puis descendre via une corde fabriquée par Faye, cela demandera  trois semaines de préparation. La tentative a lieu dans la nuit du  24 au 25 novembre 1943.  Faye et Star grimpe nt immédiatement sur le toit, mais doivent attendre Noor qui arrive  à 3h30. Vu des toits, les possibilités d'évasion semblent limitées : ils sautent de terrasses en terrasses et se retrouvent au rez de chaussée face à une rue en "cul de sac" où les gardes les aperçoivent et les matraquent. John Star, blessé, acceptera de continuer  à collaborer mais Faye et Noor le refusant sont immédiatement  déportés (Noor sera exécutée)
 
Léon Faye est déporté en Allemagne le 27 novembre 1943 bien que la Gestapo lui eut promis qu’il serait traité en prisonnier de guerre, comme tous les membres d’Alliance, puisque ce réseau était devenu SR de l’armée d’Afrique revenue dans la guerre. Il fut emprisonné à la forteresse de Bruchsal (Bade-Wurtemberg) enchaîné dans une cellule caveau  très humide pendant 8 mois. Jugé par le tribunal militaire de Freiburg-im-Breisgau du 26 au 28 juin 1944, il fut condamné à mort.

Léon Faye fut ensuite transféré à la prison de Schwäbisch Hall (Bade-Wurtemberg) le 6 septembre puis au pénitencier de Sonnenburg (Prusse-Occidentale) le 3 janvier 1945. A l’approche des troupes soviétiques, les 823 détenus de Sonnenburg dont Léon Faye furent abattus à la mitraillette par groupes de 10, dans la nuit du 30 au 31 janvier 1945 par un kommando de 20 SS et leurs corps furent ensuite incinérés au lance-flammes. Le 1er février des unités de la VIIIe armée soviétique découvrirent le massacre. Léon Faye fut enterré au cimetière de Sonnenburg, aujourd’hui Slonsk (Pologne).

Témoignage & Testament

En utilisant du papier et un crayon qu'on lui a remis pour qu'il prépare sa défense, il relate ses souvenirs et ses témoignages, qu'on retrouvera après la guerre, notamment une lettre ouverte à ses amis de l'Alliance, dans laquelle il mentionne en langage codé que son véritable testament est caché derrière la grille du radiateur de sa cellule.


avec au centre  le code de mots  soulignés  pour indiquer  les caches de son véritable testament

papiers.... cas...chez.....au...font...tiroir....ma...table...et...derrière...radiateur



 

Sources
-Réseau Alliance avec extraits d'Icare (témoignage Faye et du Gal Beaufre)

Jean Roger "Sainteny"

Jean Roger dit "Sainteny" ou "Dragon" est né en 1907 au Vésinet. Il étudie à
Paris, aux lycées Condorcet et Janson-de-Sailly. Il intègre la banque de l’Indochine qui l’envoie en Indochine française en 1929. Il rentre en France en 1932 pour fonder une affaire d'assurances-conseil.

Résistant en Normandie,  il rejoint Alliance.

Démobilisé en 1940, il rejoint la Résistance dans le Cotentin. Il est contacté dès octobre 1940 par le commandant Georges Loustaunau-Lacau, qui est en train de monter un réseau de renseignement avec l'aide (plus ou moins volontaire) des autorités vichystes. Jean Roger n'est pas alors rattaché au réseau qui deviendra l'Alliance, et reste dans le Cotentin. Arrêté en septembre 1941, il est relâché faute de preuves. Lui et son groupe rejoignent le réseau Alliance début 1942, Roger conservant le contrôle du secteur du Cotentin.

Il recrute notamment le mari de sa sœur, le lieutenant Michel Fourquet. En novembre 1942, il permet à Claude Hettier de Boislambert et à Antoine Bissagnet de s'évader.

« Dragon » (nom de code qui lui est attribué) devient peu après le responsable de la Normandie au complet. Arrêté une nouvelle fois en septembre 1943, il s'échappe et passe dans la clandestinité, sous le nom de Sainteny. Parti à Londres en mars 1944, alors que le réseau est quasiment démantelé par les arrestations de ses chefs successifs (Léon Faye en septembre 1943, Paul Bernard en mars 1944), Roger retourne en France sur ordre de Marie-Madeleine Fourcade, chef historique du réseau, afin de prendre la tête des effectifs survivants en zone occupée.

Des responsabilités croissantes dans le réseau alliance jusqu'à la codirection

Son travail est efficace, permettant à neuf émetteurs situés entre Lorient, Paris, Le Mans et Soissons de transmettre les renseignements. Roger est également responsable du plan « DIP », visant à sonder les personnalités de Vichy concernant l'issue de la guerre ; il semble que des contacts aient été pris au moins avec Pierre Laval, intéressé. Mais à la suite du recrutement d'un radio agent double, Roger et la plupart de ses agents sont arrêtés en le 7 juin 1944.

Évadé le 4 juillet de la rue des Saussaies, il retrouve à la fin du mois Fourcade à Paris, qui vient reprendre en main la totalité du réseau. De par les opérations du débarquement de Normandie, les résistants ont la possibilité d'apporter directement leurs renseignements à ceux qui en ont besoin ; si les émissions radios continuent, Jean Roger est chargé de transporter une partie du courrier à travers la ligne de front. Roger effectue par deux fois ce trajet dangereux, apportant notamment au général Patton les renseignements qui lui permettront d'investir Paris.
Jean Roger prit la codirection du réseau avec Marie Madeleine Méric de septembre 1944 jusqu’à la libération.

Après la libération de Paris, Jean Roger permet l'arrestation de Jean-Paul Lien, agent double de l'Abwehr qui avait permis la capture de Léon Faye et les arrestations qui ont suivi en septembre 1943.

Après guerre
Leclerc, Hô Chi Minh et Jacques Sainteny, en mars 1946 à Hanoï, après le retour de l'armée française au Vietnam du nord.
En Indochine
Il occupera ensuite diverses responsabilités en Indochine (direction de la mission militaire française à Kunming, Commissaire de la République pour le Tonkin et le Nord Annam). Il rentre en France en
1946 (négociations avec Hô Chi Minh) puis y retourne et est grièvement blessé. Il demande en décembre 1947 sa mise en disponibilité et occupe les fonctions de gouverneur des Colonies.
En 1954 il est rappelé en activité et nommé délégué général de France au Nord-Vietnam.


Carrière politique
Au Conseil Constitutionnel 
En 1958 il rentre en France pour le soutien de l'action du général de Gaulle et entamera une carrière politique. Il est commissaire général au Tourisme de 1959 à 1962. Élu député UNR-UDT en 1962 de la deuxième circonscription de la Seine, il entre au gouvernement Georges Pompidou  en 1962 en qualité de ministre des Anciens combattants et Victimes de guerre et est titulaire de ce portefeuille entre jusqu'en janvier 1966. De mars 1968 à mars 1977, membre du Conseil constitutionnel.
De 1967 à 192, il est administrateur d'Air France mais également administrateur de l’Institut International d’administration publique

Il décède en 1978 et a été inhumé à Aignerville dans le Calvados

En complément, Lire notre fiche pour sa biographie en liaison avec son activité avec le réseau Alliance secteur Ferme

Paul Bernard

De brillantes études le mène dans les colonies

Paul Bernard, né en 1892 à Paris, est un ancien élève de l'École polytechnique. Pendant la Première Guerre mondiale, il est officier dans l'artillerie, il  en sort avec le grade de capitaine et décoré de la croix de guerre.
Il part au Tchad dans les forces coloniales puis à Hanoï comme officier d'ordonnance du gouverneur général d'Indochine en 1923. Il mène ensuite une carrière dans la société financière française et coloniale, devient inspecteur général prend la direction générale de la société puis rentre en France en 1933 où il est administrateur délégué de la société à Paris. Pendant toute cette période, il écrit des essais économiques.
En 1940, après six mois en tant qu'officier d'artillerie au front, il prend la présidence du Comité d'organisation des productions industrielles coloniales (COPIC).

Résistant
Dès 1940, alors que la France du Nord est envahie, il commence son activité dans la Résistance en qualité de chef du maquis "Camille" près de Saint-Léger-Vauban (Yonne), et un peu plus tard avec le pseudonyme de "Luc" dans le secteur de Quarré -Les-Tombes.

Il est contacté au moment même de sa création par le réseau de résistance Alliance, créé par Georges Loustaunau-Lacau en 1940 ; il est considéré comme une recrue potentielle mais pas tout de suite intégré au réseau, qui préfère le laisser dans l'ombre pour préserver ses fonctions officielles.

En mars 1943, Marie-Madeleine Fourcade, devenue chef du réseau à l'arrestation de Loustaunau-Lacau en 1940, fait de Bernard son successeur potentiel officiel. En juillet 1943, au départ de Fourcade pour Londres, Paul Bernard prend donc la tête de l'activité de renseignement sous le nom de code de « Martinet »; Léon Faye, chef militaire du réseau, conserve toutefois sa direction.

Chef du réseau Alliance pendant 6 mois
En septembre 1943 Faye est arrêté par la Gestapo, et Bernard le remplace ; sa nomination est confirmée par le général Giraud, auquel est alors rattaché le réseau. Il applique dès lors une décentralisation totale des différents secteurs, mais se brouille avec certains de ses subordonnés (tels Georges Lamarque ou Jean Sainteny).

Le 17 mars 1944 à Paris, alors qu'il arrive à un rendez-vous avec son estafette pour lui remettre des messages, Paul Bernard est arrêté par la Gestapo qui l'interroge et le torture au 84 avenue Foch, le soumettant notamment au supplice de la baignoire. N'avouant rien, il est incarcéré d'abord à Fresnes puis déporté le 8 avril à la prison de Kehl où il est brutalisé et soumis au régime « Nuit et brouillard ». Le 13 novembre 1944, il est transféré à la prison de Moabit, à Berlin, d'où il sort le 22 avril 1945, lorsque les Allemands libèrent tous les prisonniers. Après avoir subi les combats extrêmement violents de la dernière heure à Berlin, il est finalement rapatrié à Paris par un avion américain en juin 1945. Son fils, Marc, qu'il avait embauché dans le réseau Alliance, fut par contre fusillé par les Allemands.


Il a fondé en 1946 et présidé jusqu'à sa mort  en  1960 la compagnie aérienne Transports aériens intercontinentaux (TAI) absorbée depuis par Air France.


Source

La résistance dans le Calvados et le Bessin : présentation

  • Une présence locale
La résistance dans le Calvados, comme dans le Bessin, ne représentait, comme partout en France, qu'une faible proportion d'habitants (3 pour 1000). Certains  secteurs se sont révélés très actifs comme  Villers Bocage ou  comme  le futur "Omaha Beach" (Saint Laurent sur Mer / Vierville) rare secteur littoral, avec de petits villages, situé en "zone côtière interdite" où l'on trouvait  une activité de résistants, en nombre relativement important: 5 personnes d'après les fichiers de J Quellien, universitaire et spécialiste de la résistance. 


La circulation est libre à l’intérieur de la zone côtière pour les personnes domiciliées ou demeurant depuis au moins trois mois dans la zone côtière interdite.
Pour les autres, une autorisation établie sous forme de laisser-passer, accordée en cas de besoins administratifs et économiques urgents, et, en principe, qu’à des Français.



Le concept de "résistance" a évolué dans le temps, aussi elle n'a pas un aspect uniforme, cela va des initiatives individuelles aux groupes plus ou moins organisés et évolutifs selon la répression allemande. Toutefois, les divers groupes de résistance ont tous été spécialisés dans le renseignement, une activité fondamentale sur un espace côtier  dont les services anglais veulent connaître toutes les activités et implantations de l'ennemi.
  • D'abord, la "résistance civile"
La résistance à l’occupant apparait précocement dans le Calvados, toutefois il s'agit, dés 1940, de montrer son hostilité à l'encontre de l'occupant, il s' agit davantage d'une forme de "résistance civile" que d'une résistance organisée. La cohabitation entre la population civile et les soldats allemands se détériore avec  beaucoup de passivité et souvent de l'hostilité qui se manifeste par  des gestes peu aimables, injures, affiches déchirées, parfois  des menaces, des coups. On ne  porte pas d'aide  à des allemands en difficulté (un navire qui coule, un accident sur la route...), on n'assiste pas aux manifestations (théâtre, concerts, cinéma) organisés par l'occupant, on cache ses armes et ses munitions malgré l'interdiction. Même le clergé s'en mêle qui fait sonner les cloches à l'heure française ou  réalise des sermons anglophiles qui invitent " à prier pour la France et  son alliée". 

Certains actes isolés se terminent mal pour leur auteur  ainsi : 
-Tous les auteurs de "sabotage"  lorsqu'ls sont pris encourent la peine capitale. En août 1940, Jules Becquemont, un ouvrier agricole, est arrêté alors qu’il sectionne des câbles téléphoniques : il sera le premier fusillé du Calvados, le 10 février 1941.  Leon Guezet arrêté en 1941 sera exécuté en janvier 1942, le jeune Georges Chandez âgé de 6 ans sera déporté en 1941.
-Le 11 novembre 1940, des étudiants, lycéens et collégiens observent une minute de silence devant le monument aux morts de la place Foch à Caen.
-le 11 mai 1941, on fête Jeanne d'Arc, "la résistante" à la cathédrale de Lisieux et en ville, à Caen. avec divers incidents. Le 14 juillet fleurissent rubans, bouquets tricolores et  habits qui juxtaposent  les trois couleurs.
-Les "V"  comme victoire son de plus en dessinés un peu partout ce qui amènera à élargir le couvre feu de 20H à 5H du matin et à fermer les cafés dès 19 heures.


  • Naissance de divers groupes dans le Calvados
Assez tôt (fin 1940) de véritables organisations de résistance se mettent en place dans le Calvados, il s'agit de petits groupes, qui, très vite,  se structurent en  groupes actifs bien implantés.
 
De plus la demande de renseignements  sur les positions côtières des troupes allemandes, du côté anglais, est très forte avec parfois des actions commandos (Saint Laurent sur Mer, le 12 janvier 1942), des transmissions via des pigeons voyageurs dont les allemands interdisent la possession, et la présence d'"agents dormants" de l'"Intelligence service" comme Jean Hopper et  Arthur Bradley  qui devint agent double au profit des allemands ! Egalement  le colonel Passy coopère avec les services britanniques en envoyant dans le Calvados des équipes pour effectuer des activités clandestines (Carpiquet).
 
Les premières organisations s'implantent  dés 1940 dans le Calvados :
-"le groupe Robert" : Fin 1940, par l'intermédiaire d'un agent britannique, Robert Guédon est mis en contact avec André Michel, peintre caennais qui dirige également un groupe de résistance à Caen. Les deux groupes agissent dès lors de concert.  Parallèlement, Robert Guédon prend contact à Paris avec le Colonel Heurteaux, chef du réseau Hector. Au final, le groupe Robert et le groupe d'André Michel intègrent le réseau Hector en mai 1941. 

-"l'armée des volontaires":  Au même moment, fin1940,  en liaison avec l'Intelligence Service, se forme à Caen sous l'impulsion de l'artisan couvreur René Vauclin et de sa femme Olvie  un groupe qui se rattache à l'"Armée des volontaires". Ce groupe se développe vite et  s'implante aussi dans le Bessin (Isigny, Port en Bessin et  Neuilly la forêt). Toutefois des dissensions politiques freinent le groupe, le sculpteur Robert Douin  le quitte en 1942  pour pour rejoindre "Alliance"

D'autres groupes se développent  tôt comme le "réseau Interallié" (ou F2)  surtout implanté dans la Manche, et, des  1940, des membres du Parti communiste,  forment un petit groupe de Résistance comprenant ouvriers et étudiants, surtout actif pour  distribuer des tracts et coller des affiches. Très surveillés,  beaucoup seront arrêtés, après l'invasion de l'URSS. Ensuite, les communistes se réorganisent  avec le "Front National" surtout implanté  à Caen pour réaliser des sabotages de voies ferrées.

  • L'organisation de la résistance
 A partir de  1942, alors que la guerre bascule,  la résistance dans le Calvados se développe et s'organise. D'après l'historien J Quellien, on passe ainsi quelques centaines de résistants  à environ 2500 personnes impliquées dans la résistance. Pour la période 1940-1944, l'historien J Quellien  dénombre  21 mouvements et 41 réseaux différents d'importance très inégale, beaucoup apparus depuis 1942. Les deux principaux mouvements pour leur  effectif sont  l'OCM et  le Front National.

En fait, il faut distinguer: 
    • Les réseaux sont liés aux services secrets basés à Londres. Ils sont spécialisés dans la collecte de renseignements, l’organisation de filières d’évasion et le sabotage. En raison de la position stratégique du Calvados, pas moins de 40 réseaux y sont dénombrés dont les plus importants sont :
      • Centurie :  service de renseignement français, créé en 1940 par le colonel Rémy et qui dépend de l'OCM. Il transmet des informations sur les troupes et les défenses allemandes.
      • Alliance surtout implanté dans le BessinRéseau de renseignement travaillant pour les Britanniques fondé dès 1940 par Georges Loustaunau-Lacau, fait prisonnier, il s'évade en août 1940 et décide de passer à l'action.  Marie-Madeleine Fourcade , alias "Hérisson", prend sa succession après son arrestation en juillet 1941, épaulée par  Jean Roger, alias "Dragon" ou "Sainteny". Ce dernier ayant   une résidence secondaire à Aignerville, dans le Bessin,  il  y implante et  développe dans le Bessin un réseau de résistance " Secteur Ferme" du réseau Alliance.
      • Zéro-France (sûreté de l’Etat belge) est fondé en 1940. Le secteur du Calvados créé en 1943 par A Lepeu se développe surtout dans le secteur de Dives-Cabourg.
      • Hector (France libre) : fin 1940, Robert Guédon, officier de carrière, implante le réseau de renseignement Hector, première organisation de résistance du Calvados,  avec de nombreux membres dans le Bessin dont  Albert Escolan, professeur, devient le chef de groupe. En octobre 1941, l'Abwehr porte un coup sévère au réseau Hector en arrêtant de nombreux membres. Les rescapés rejoindront d'autres organisations comme Alliance.
      • Arc-en-ciel (BCRA) fondé en 1942, il comprend la "Zone de feu", dirigé par Jean Héron en Normandie. Le réseau fait du renseignement et fabrique de nombreux faux papiers pour ses agents et les réfractaires au STO. Le réseau de Caen est démantelé, plusieurs membres seront fusillés le 6 juin 1944 à la prison de Caen.
      • Mithridate  créé en 1940 en France, et en 1943 dans le Calvados pour se consacrer  essentiellement au renseignement pour les anglais (Intelligence Service). Il comptera une trentaine de membres. A Bayeux c'est Marcel Alombard,  expert agricole,  qui est le responsable, spécialiste du renseignement sur le batterie de Longues
    • Les mouvements n’ont pas de liens formels avec Londres au moins jusqu’en 1943. Ils se distinguent par une activité importante de propagande et par les orientations politiques de leurs membres. Sur les 21 mouvements dénombrés dans le Calvados, les plus importants ont été :
      • L’Organisation civile et militaire (OCM) : créée en 1940 et majoritairement dirigée par des membres du Parti radical et  composée de nombreux officiers de réserve. Au printemps 1942, Marcel Girard  est chargé d'implanter cette organisation de Résistance en Normandie à Caen, il fait appel à ses anciens camarades de l'Armée des Volontaires.


         L'OCM est efficace et très structurée avec un responsable par canton (Jouin à Trévières), dirigée localement par Robert  Delente  (notaire) et Guillaume Mercader  (magasin de cycles) de Bayeux ; s'occupant essentiellement du renseignement, elle fournira de précieuses indications sur la pointe du Hoc grâce au groupe de Grandcamp de Jean Marion et A Farine. C'est également ce réseau qui a permis d'aider le rescapé du commando anglais "Aquatint" (Saint Laurent sur Mer) par l'intermédiaire de Madame de Brunville d'Asnières. Ce réseau  bien implanté dans le Bessin (Isigny, Grandcamp, Trévières, Littry...) a comme objectif le renseignement pour deux sites  : Batteries de longues et Pointe du Hoc.

      • Le Front national (FN): créé au niveau national par le Parti communiste au printemps 1941, représente un groupe important  implanté à Caen, près de la gare,  où existent de nombreuses caches. Il est présent à Bayeux avec des employés du rail autour d'Edouard Lefèvre, employé à la société d'Electricité.
        A noter que sa branche militaire, les Francs-Tireurs Partisans (FTP)  créée  en 1942 est peu implantée en raison de la  géographie du Calvados, peu propice au développement de maquis sauf dans sa partie sud avec en particulier  le maquis de Saint-Clair Clair près de Clécy et le maquis Guillaume le Conquérant à Vire.

      •  le Mouvement de Libération-Nord dirigé par M Fouque à Caen, dont les seuls représentant du Bessin furent les cousins Poitevin (dont Arthur, professeur de musique aveugle ! qui se promène sur le littoral accompagné d'un jeune garçon qui lui décrit ce qu'il voit.. Arthur mémorise tout...)

Les frontières entre les types d’organisation ne sont cependant pas figées. Certains peuvent appartenir à deux réseaux différents ; lorsque le réseau Hector est démantelé dans le Calvados en novembre 1941, les membres rescapés rejoignent divers autres groupes.
Pour le Bessin, on compterait 130 à 180 personnes membres actifs de la résistance dont  environ 37 pour Alliance.


  • Diverses actions mais  surtout le renseignement  
Ces équipes observent et transmettent des renseignements d'une grande précision, en effet quoi de plus naturel qu'un facteur en tournée qui n'hésite pas à discuter [se renseigner discrètement] avec les habitants ? De même qui se méfierait de ces braves pêcheurs qui jettent leurs filets face aux bunkers en construction? Enfin, qui se méfierait d'un aveugle qui se promène sur le littoral avec sa canne blanche ?

Toutefois si le renseignement représente l'activité principale, ses champs d'action furent nombreux mais ponctuels dans notre département en raisons de  sa spécificité :  une zone côtière "interdite" et la présence de 100 000 allemands pour une population totale de 400 000 personnes, rendant les actions particulièrement difficiles et héroïques.

Pourtant ces organisations ont aussi pratiqué
  • Sabotages et attentats, dont les plus emblématiques sont les attentats d’Airan des 16 avril et 1er mai 1942 ;
  • Réseaux d’évasion pour les aviateurs alliés (une centaine sera sauvée), les juifs persécutés ou encore les réfractaires au STO.  Ainsi G Hayes, membre du commando Aquatint (12 sept 1942 à St Laurent sur mer) qui fut le seul à pouvoir d'échapper fut aider par des membres du réseau OCM ( Madame de Brunville)  et du groupe "Jean Marie Buckmaster" ; malheureusement Hayes fut pris à Paris et fusillé en 1643.
  • Propagande et manifestations ainsi le réseau Hector publie le premier journal de résistance "Les petites ailes" diffusé sur Bayeux et diffuse des affichettes et des tracts.
  • Aide aux réfractaires du STO. Heureusement, Alexis Nicoals, gendarme à Bayeux membre d'OCM, indique qu"il néglige les ordres de recherches de réfractaires", son collègue Germain Le  Lefer agit de même d'autant qu'il connait des refuges de réfractaires ! Une aide précieuse.
  • Réalisation de faux papiers pour les résistants et les réfractaires au STO souvent réalisés par des instituteurs ( Couliboeuf) des secrétaires de mairie et des imprimeurs (Deslandes). 
  • Cache d’armes et parachutages : Le BOA (Bureau des Opérations Aériennes) est chargé d'organiser les parachutages avec le BRCA  (Bureau Central de Recherches et d'Action) de De Gaulle. Dans le Bessin, un seul terrain est homologué(N°22 nommé "Souris" puis "Brome".) Il est situé à 500 m au NE de Longueville ( à 18 km de Bayeux) mais a peu servi en raison de la proximité de la côte et du nombre important d'allemands présents.
  • Préparation de la Libération à partir de 1943 et missions dans le lignes  à partir du 6 juin 1944 : ce sont surtout des membres d'OCM qui participent à de dangereuses missions de renseignements à proximité des lignes ennemies.
  • Présence de maquis bien que la géographie du Calvados y soit très peu favorable sauf dans le sud (maquis de Saint-Clair  et le maquis Guillaume le Conquérant. ) : 


  • Le réseau Alliance : son rôle

La résistance locale du réseau Alliance n'a pas réalisé d'actes spectaculaires, le grand nombre d'allemands présents sur ce secteur côtier classé "zone interdite", l'explique, toutefois elle a agi avec beaucoup d'efficacité essentiellement au niveau du "renseignement" ce qui a grandement favorisé le succès du débarquement. En effet même si les alliés prenaient des vues aériennes du littoral ou envoyaient des commandos en reconnaissance (exemple, à Saint Laurent, le 18 janvier 42 puis le 12 septembre 1943, avec le désastre de l'opération "Aquatint"), cela ne suffisait pas : il fallait obtenir des renseignements très précis et actualisés. Ainsi Douin réalisa une carte gigantesque par ses dimensions et sa minutie


  • La répression
A partir de 1942 la répression se durcit. Jusqu’alors menée par la Wehrmacht, à l’été 1942, elle passe partiellement sous le contrôle de la Gestapo et de ses auxiliaires français « la bande à Hervé ».

Au début de l’Occupation, les exécutions constituaient la principale forme de répression : exécutions d’otages et exécutions consécutives à des jugements prononcés par les tribunaux militaires allemands. La plus emblématique est l’exécution du 15 décembre 1941, dont les victimes sont des résistants parisiens, à l’exception de Michel Farré, un jeune résistant de Colombelles.

A partir de 1942 et surtout 1943, les résistants arrêtés sont généralement déportés, même si une forme de répression judiciaire à visage légal se maintient, notamment contre les résistants communistes. 



De décembre 1943 à juin 1944, les réseaux et mouvements calvadosiens vont être durement frappés avec près de 200 arrestations. Les victimes du massacre de la prison de Caen le 6 juin 1944 sont également majoritairement des résistants, tels les membres du réseau Alliance arrêtés entre le 17 mars et le 5 mai de la même année.



Sources partielles :
Le calvados dans la Guerre Orep éditions Jean Quellien 
Bayeux et le Bessin 1940-1944. Ouvrage collectif