Le Bessin sous l'occupation

Plus de la moitié de la population du Bessin vit de l'agriculture basée sur le lait et le beurre. On est conservateur, traditionaliste et, donc, on vote à droite mais sans être trop politisé, on laisse aux notables le soin de s'en occuper. Comment  réagit-on à l'occupation ? quelle attitude ? résignés ou franchement hostiles ?

  • 1939 : les réfugiés arrivent

Suite à la déclaration de guerre, de nombreux réfugiés du Nord, de l'Est, de Paris arrivent vers la Normandie. Il faut les accueillir, aussi, à Bayeux construit-on des baraques en bois, on occupe les maisons inoccupées, les villages de la côte sont surchargés. Environ 100.000 réfugiés seront accueillis dans le Calvados.
Il faut aussi mettre en place la défense passive qui fournit les instructions en cas d'alerte de bombardements aériens. Le couvre feu  est établi à 23 heures mais est mal respecté. Pendant cette période de "drôle de guerre",  se forme un "union nationale"  comme par exemple pour la Croix rouge très active, mais on craint toujours les communistes, les pacifistes et les défaitistes avec parfois la chasse aux suspects.
Vite les difficultés arrivent, les hommes étant mobilisés, les femmes, le clergé, les retraités sont mis  à contribution. Progressivement le rationnement se met en place, déjà l'essence, la viande se font rare.

  • 10 mai 1940 : la bataille de France

Avec l'attaque allemande un flot de réfugiés arrive à nouveau, sur les routes se bouscule une foule de véhicules bondés, encore une fois la solidarité se manifeste, ainsi à Caen sert-on 20.000 repas par jour. Les allemands approchent, le 9 Juin ils sont à Rouen, des combats se déroulent au Havre d'où l'on s'exile vers Deauville. Sauve qui peut, c'est la panique, désormais l'exode se dirige vers la Loire et le sud. Les allemands arrivent le 14 juin à Paris, et, 3 jours plus tard, le 17 juin à Falaise, le 18 à Caen puis Bayeux, le 19 à Cherbourg, Vire, mais sans aucun bombardement. Le 22 juin, soulagement, c'est l'armistice mais avec une réelle frayeur depuis l'arrivée des allemands qui imposent désormais leur autorité...


Voitures de réfugiés place de la république Caen le  17 juin 1940


Journal de Normandie du 18 mai 1940

  • L'occupation

Fin juin, les allemands sont présents  partout dans le Bessin, la feldkommandantur s'installe  à l'Hôtel Malherbe à Caen. Environ 100.00 allemands occupent le Calvados, ce qui est beaucoup par rapport  à d'autres départements intérieurs, le Calvados est considéré comme sur-occupé. Il faut loger, et bien loger, les envahisseurs qui réquisitionnent à tout va :  maisons particulières, hôtels, bâtiments publics ( salles municipales, gares,  hôtels) y compris les écoles qui doivent faire classe une demi journée seulement. 

A Bayeux, le grand séminaire est réquisitionné et la Kreiskommandantur s'installe, dans l'ancienne rue Echo, actuellement rue aux Coqs (voir la photo couleur ou la carte)

 Le  1° octobre 1942, les allemands exigent une grande maison au centre de Bayeux pour installer les bureaux de l'organisation Todt. Les grandes fermes qui ont l'électricité sont elles aussi  occupées ainsi la ferme Guilbert à Saint Martin des Entrées doit héberger 80 militaires et  40 chevaux. Si nécessaire, on réquisitionne chez les commerçants ( ou chez des particuliers)  le nécessaire en objets mobiliers (meubles,  linge, objets ménagers...) pour l'hébergement. Même la table de la salle de conseil municipal de Bayeux fut réquisitionnée !

De plus, il faut du confort donc des travaux à faire pour  les douches, toilettes. Les allemands réquisitionnent aussi les voitures et les postes TSF.


Kreiskommandantur, et troupes allemandes, Rue Saint Patrice  et Rue Saint Malo  à Bayeux

Le préfet reçoit de nombreuses plaintes surtout en raison du pillage  des maisons, en particulier de villas de bord de mer, des exploitations agricoles occupées qui  connaissent un véritable "mise à sac" comme  à Longues sur mer  où une plainte est déposée pour "des meubles enlevés, brisés et brûlés" . Un peu partout des  plaintes pour "vols" apparaissent :  camion volé à Bretteville l'Orgueilleuse, vol de deux chevaux à Martragny, vol de veaux à Barbeville, ... La conduite des allemands se révèle particulièrement odieuse avec des violences physiques, des gifles y compris sur les femmes. De plus les interdictions se multiplient:  pigeons voyageurs, appareils photos,  pavoisement, écoute de la radio anglaise, journaux contrôlés...et commencent les premières arrestations arbitraires à Bayeux, Trévières d'ailleurs le sous préfet évoque "l'arrogance et la violence des soldats allemands" et "une population indisposée".


Les  allemands indiquent aux préfets qu'ils seraient responsables  "pour tous les  actes de la population...et que la résistance passive et la révolte seraient punies" . La population est soumise  à un contrôle rigoureux : " les français sont tenus de présenter  à toute réquisition une pièce d'identité" et à un couvre feu fixé à 21 heures en été. Par ailleurs la presse est muselée via la "censure allemande", de même pour la radio, on ne peut écouter que les  postes  contrôlés (belges, français, allemands) et la radio anglaise est interdite. Téléphone et télégraphes sont contrôlés par l'autorité militaire, donc sous surveillance. En décembre 1940, la Kommandantur indique aux maires que les pigeons voyageurs doivent être déclarés, et  ensuite il fut précisé par la presse  que " découverte d'avions, parachutistes, pigeons voyageurs devait être signalée sans délai à l'autorité... avec risque  de sanctions extrêmes, comme la peine de mort pour hébergement de parachutistes". Egalement armes à feu, munitions doivent être déposées à la mairie qui les transmet à la kommandantur. Les manifestations patriotiques et  commémorations   sont interdites..





Dans le Bessin, le juifs sont peu nombreux. Après  les premières rafles des autorités vichyssoises et allemandes  en mars 1942 en France,  débutent les rafles dans le Calvados. Monsieur Paul (Feiermann) commerçant à Bayeux, très apprécié, échappe en mai 1942 à son arrestation en fuyant de sa maison (il reviendra en  1945) ; de même Monsieur Bouaziz, prévenu de son arrestation imminente, a pu fuir vers le sud de la France.




Les allemands contrôlent tout, y compris les activités culturelles. Toutefois ils utilisent le cinéma pour faire de la propagande par les actualités filmées, le théâtre sert à  aux actions charitables pour les prisonniers, la musique municipale est interrompue. Toutefois début 1942,  la musique municipale de Bayeux reprend avec autorisation "en vue d'organisation d'auditions qui devront avoir lieu au cours de l'année au profit d'œuvres sociales" ;  en 1943  si un concert est autorisé, jouer l'hymne national est refusé.
La tapisserie  de Bayeux connut une période mouvementée ! d'abord, dés 1939, elle fut décrochée et enfermée dans un abri blindé dans les caves de l'ancien évêché. Les allemands firent tout pour que des officiers nazis puissent la voir, une douzaine de fois en 1941. Ensuite, elle voyagea : d'abord au château de Monceaux pour être photographiée le 9 juin 191, puis 3 mois  à l'abbaye de Juaye Mondaye. Ensuite elle partit 3 ans  au château des Sourches (Sarthe) dans un dépôt des musées nationaux ;  le 26 juin 1944 elle est entreposée dan le musée du Louvres mais ne put être récupérée par les allemands, elle revint à Bayeux le 2 mars 1945.


  • Les actes d'hostilité

Les actes d'hostilité sont fréquents,  le 16 Août 1940 le commandant de la Kommandantur de Bayeux   publie une lettre  concernant la "conduite de la population civile.[..] à plusieurs reprises les jeunes gens de Bayeux n'ont pas une attitude convenable dans les rues de la ville  .[..] qu'il a du lui même ainsi que d'autres officiers, descendre de trottoir, pour éviter des rassemblements de jeunes gens et ne pas être bousculé". Cette attitude "contraire à la bonne éducation" et signe "d'un manque de respect" entraine des  sanctions immédiates  qui sont un avertissement: "restaurants et cafés doivent fermer leurs portes à 21H jusqu'à nouvel ordre". En octobre  1940,  le Préfet du calvados adresse une note aux maires sur  "les relations avec l'armée allemande" suite à des actes d'agression et d'hostilité,  des sabotages avec la menace de sanctions allemandes pour la collectivité. cela ne change rien: le 17 février 1942, le maire de Bayeux reçoit une nouvelle lettre  pour "manque total de politesse aux ressortissants de l'armée de l'occupation dans l' établissement des Nouvelles Galeries car les soldats ont été servis après une longue attente et avec  un refus de délivrer certaines marchandises qui existent". Le maire doit donc intervenir auprès du propriétaire avant qu'il reçoive des sanctions ( amende, fermeture du magasin).

 Aussi n'y-a-t-il aucune sympathie pour les allemands, au contraire dominent haine, hostilité, surtout par les plus jeunes qui  supportent très mal l'occupant, on voit à Bayeux  dés 1940 des portraits de Pétain et Laval avec la mention : "Deux traîtres",  en 1941 des affiches allemandes lacérées ou recouvertes d'inscriptions, et  fleurir sur les murs des  inscriptions : "Vive de Gaulle " "A bas Laval", et des "V" à la craie, au charbon ou même en peintureen 1943 des pancartes allemandes enlevées. Le préfet doit demander aux propriétaires d'immeubles d'effacer tout cela. 
La Kommandantur de Bayeux menace donc d'amendes et de gardes d'affiche. Cela ne suffit pas et donc "à partir du 9 février 1941, la circulation est interdite à toute la population civile bayeusaine à partir de 20 heures". Malgré une intervention du maire qui plaide une dégradation naturelle par la pluie et le vent,  la sanction dure 15 jours. De plus les allemands désignèrent les coupables, des élèves de l'école de Létot, aussi, ils furent tous punis : ils  eurent obligation de venir, pendant un mois et demi,  chaque jour, également le dimanche,  de 14h à 16 h sous la surveillance des maitres pour écrire sur des cahiers fournis par la mairie la phrase :  "Je ne dois pas couvrir les murs des maisons de lettres ou de signes quelconques,  je ne dois pas lacérer aucune affiche." Le maire intervint personnellement auprès des élèves pour leur reprocher leur "attitude inadmissible...action stupide... lâcheté" craignant que la prochaine fois toute la ville en subisse les conséquences.
Malgré tout le bruit autour de cette affaire,  les graffitis et inscriptions continuèrent... Le 14 juillet 1941 à Bayeux, comme dans d'autres villes, quelques jeunes gens et jeune filles arborent des rubans, des bouquets tricolores, on voit un peu partout aligné du linge bleu, blanc, rouge,  mais aussi des pots de fleurs, des vitrines  qui affichent  nos trois couleurs. Il n'y eut pas de sanctions...




Donc, on est anglophile, on écoute la BBC et on croit à un retour rapide d'une offensive anglaise et, aussi,  on devient gaulliste surtout en raison des nombreux articles de presse vichystes hostiles au général, on prie même  pour "Notre De Gaulle" .  L'exécution de  13 otages communistes à Caen  le 15 décembre 1941 provoque une très grande émotion qui accentue la germanophobie.
Pour les allemands, 80% des habitants ont pris parti pour De Gaulle, surtout les jeunes. 





  • La propagande

Le presse est contrôlée afin d'inculquer les valeurs du nazisme et de la "révolution nationale", or c'est le principal moyen d'information au travers de 2 titres locaux très populaires :
-Le Journal de Bayeux (4000 à 5000 exemplaires)
-Le Courrier du Bessin ( 4500 à 5000 exemplaires)





Les articles sont lus, corrigés par les services de propagande allemand. Des communiqués allemands qui glorifient  les actions militaires et des dépêches officielles françaises qui dénoncent les ennemis anglais, communistes, juifs, résistants..  font leur propagande. Avec les bombardements alliés, la presse se déchaine  tel le Courrier du Bessin le  20 mai 1943: "En face de tant de victimes innocentes, il est impossible  de retenir l'expression de notre réprobation contre les procédés si cruels de la guerre totale"  . Avec les actions des résistants le courrier du Bessin indique  le 21 octobre  193: "Pour libérer la France et la rendre heureuse, ils commencent par la mettre  à feu et  à sang. On brûle les récoltes, on incendie, on fait dérailler les trains bondés de français..."


Vichy  met en place son  ordre nouveau dont la famille est la clé.  Le journal de Bayeux indique le 19 mars 193 : "La France verra sa population diminuer... ce qui risque de compromettre l'avenir de la nation et de la race". La fête des mères  devient  une célébration quasi-liturgique, la mère étant mise sur un piédestal par Pétain : « Vous seules, savez donner à tous ce goût du travail, ce sens de la discipline, de la modestie, du respect qui font les hommes sains et les peuples forts. Vous êtes les inspiratrices de notre civilisation chrétienne » aussi le maire de Bayeux doit-il organiser des manifestation en ce sens avec l'appui de l'église.

Bien entendu, les partis collaborationnistes font aussi leur propagande dans la presse, par exemple pour "se féliciter du retour de Pierre Laval" ou pour "condamner ce lâche attentat" mais aussi  pour dénoncer les jeunes  résistants bayeusains en leur promettant  le 25 décembre  1942:  "une bonne fessée aux jeunes idiots désœuvrés plus ou moins zazous". Pire,  ils sont prêts à envoyer "faire une cure sanitaire dans les camps de déportation de l'Est européen". En 1943, il s'agit davantage d'une propagande anticommuniste, la LVF invite les bayeusains à " rejoindre les légionnaires  qui combattent à l'est pour préserver la France". Tout cela eut peu de suites,  il n' y aurait eu d'après Y Lecouturier que  4 personnes  à s'engager dan la LVF: 3 bayeusains et un de Tilly sur Seulles.

  • Témoignage
Gérard Crevel avait 13 ans le 6 juin 1944 et habitait au 35 de la rue de la Cave à Bayeux
Nous devions nous méfier de tout . «Le premier Allemand rencontré, c’était dans la cour de la maison familiale. Ma mère lavait le linge dehors et l’occupant nous a demandés « nicht tommy » Pas d’anglais ? .  Mon père écoutait la radio anglaise chez une voisine qui avait un poste TSF. Pendant ce temps, je faisais le gué afin d’éviter qu’il ne soit pris par les patrouilles du soir . Je dessinais des croix de Lorraine sur les portes et murs des maisons de Bayeux.  Cet acte de bravoure me valut d’être consigné à l’école, accompagné de soldats allemands, le jeudi et le dimanche où j’avalais des lignes et des lignes disant : "je ne dois pas dessiner…"  Un jour, j'ai insulté une femme de  "P… à Boches ". Elle a déposé plainte. Compte tenu de mon jeune âge, mon père allait être déporté en Allemagne à ma place. L’intervention de son employeur ayant « quelques connaissances » à la Kommandantur qui  avait grand besoin de lui pour le travail l'a sauvé.
A la gare, pour nous chauffer, je chipais du charbon dans les wagons à l’insu des Allemands.  On mettait du savon sur les trottoirs devant notre maison qui permettait bien souvent de retrouver quelques soldats de la Wehrmacht le nez dans le caniveau 
J’ai bien souvent pleuré devant le buffet vide. Pendant cette période difficile, nous avons connu et souffert, comme bien d’autres, du manque de nourriture. Au menu, revenaient trop souvent les rutabagas, topinambours, carottes… agrémentés à différentes sauces. J’ai connu la soupe populaire. On mangeait du riz au gras avec autant de crottes de souris que de grains de riz. Il y avait certes les tickets mais ceux-ci ne suffisaient pas. Parfois la boucherie Mezières nous vendait de la viande, c’était des gens sympathiques. On fouillait régulièrement dans les poubelles de la kommandantur afin de récupérer du pain dur et moisi. Vous savez, quand on a faim, on mange de tout… 


  • Les réquisitions
L'occupant a besoin de main d'œuvre pour garder les voies ferrées, planter les fameuses "asperges de Rommel", construire le mur de l'atlantique, et faire diverses "corvées". Dés 1940, suite à des sabotages, les premières réquisitions concernent des gardes et surveillances de lignes téléphoniques et voies ferrées. A Bayeux, c'est la municipalité qui doit l'organiser ( de 21h le soir à 6h le matin) et désigner les requis qui sont munis d'un brassard pour les identifier. Une liste de  92 personnes fut établie à Bayeux qui se répartissait les 7 postes de garde  avec abri, le long de la voie ferrée. La garde était payée 6,25F de l'heure. Evidemment les requis affichaient peu d'enthousiasme pour faire ce travail...En 1942 le sous-préfet se plaint de défaillances (absences, sommeil, ivresse...) qui amena un service de surveillance des requis par des  "des civils avec un grand imperméable noir". Malgré tout, certains ne se présentent pas, sont en retard,  d'autres en profite pour faire de discrets sabotages ( mélanger du sable à l'huile)  aussi des sanctions apparaissent, souvent des tors de garde supplémentaires non payés.
D'autres  types de réquisitions existent.
De nombreux habitants furent obligés de planter dans les champs des "asperges de Rommel", long poteaux de 3 m, destinés à empêcher un atterrissage. Pour creuser des trous d'un m de profondeur, le travail se faisait avec beaucoup de lenteur... "On en faisait le moins possible...on faisait mine de travailler."
Les corvées à la gare étaient assez pénibles car il fallait décharger des wagons, un travail épuisant car  c'était des matériaux lourds ( pierre, ciment...) et particulièrement bien surveillé.. Il arrive d'autres corvées comme creuser des tranchées, , couper les cheveux aux soldats allemands.
C'est la construction du Mur de l'Atlantique qui  exigea le plus de main d'œuvre à partir de  1942. (voir plus bas)

  • L'hostilité s'affiche par diverses formes de résistance

De tous les jours
Désormais  on affiche son hostilité par son comportement, un peu partout  fleurissent des croix de Lorraine, des peintures bleu-blanc-rouge. On méprise les allemands : aucun secours  à un blessé en cas d'accident ou de naufrage, personne n'assiste aux concerts (parfois le curé en profite pour sonner les cloches),  des huées au cinéma, les affiches allemandes sont lacérées, les curés prêchent avec "Prier pour la France et son alliée", on commémore le 11 novembre, Jeanne d'Arc le 11 mai, pour le 14 juillet  et désormais  un peu partout des V pour Victoire sont peints.
Les allemands sont excédés et multiplient les restrictions de  couvre feu de 20 heures à 5 heures et  contraignent les cafés  à fermer  à 19 heures.

De jeunes bayeusains ont ainsi  une conscience de "résister" qui se manifeste essentiellement par  la diffusion de  des tracts gaullistes, en particulier par Paul Le Caer (16ans et 1/2 en 1940).
Le 15 janvier 1943 , un pilote canadien s’écrase au village Damigny. Son pilote William Kennedy Ferguson, trouve la mort. Le 18 janvier, une foule importante se rassemble pour les funérailles au cimetière de  Saint Martin des Entrées. Des fleurs et des gerbes ont été déposées malgré les recommandations allemandes. Les officiers allemands font prévenir la Feld-gendarmerie qui 
confisque  132 pièces d'identité à récupérer  à la Feld-gendarmerie.  Plusieurs personnes eurent des sanctions comme  la confiscation de postes TSF, furent frappées  et prises en otage. Les 14 et 15 février, dix otages dont quatre collégiens sont envoyés vers les camps de concentration. Quatre n’en reviennent pas.




La péri résistance
Progressivement s'organise une "péri- résistance" qui consiste  à ramasser et cacher les armes abandonnées en 1940, à aider et cacher  les soldats alliés, les prisonniers. Les premiers sabotages
apparaissent avec le sabotage de câbles téléphoniques dans le pays d'Auge le 2 février 1941 (les coupables connaitront la peine de mort). A Bayeux, en septembre 1941, des actes de sabotage sont tentés au Grand séminaire qui abrite des allemands, cela eut comme conséquence de ramener le couvre feu à 19 heures avec avis  à la population. Cette sanction  eut comme conséquence l'envoi d'une lettre de menace  au commandant de la Kreiskommandantur qui lui promet de l'assassiner s'il ne lève pas a sanction, ce que Hoffmann prit au sérieux !

1941 : Début de la résistance organisée

Londres a besoin de renseignements, les anglais lancent l'opération commando  Curlew à Saint Laurent le 02/01 /1942, multiplient l'envoi de pigeons voyageurs (Louis Berrier, pris,  sera exécuté) et les services secrets commencent à s'organiser  comme avec l'espion Bradley qui sera retourné par les allemands pour devenir agent double. Des réseaux s'organisent : groupe Hector, Armée des volontaires, Interallié, Communistes. 

 Lire le dossier dédié à la résistance dans le Bessin

Les historiens estiment à 400 personnes engagées dans un réseau entre  juin 1940 et le printemps 1942.


  • et le maréchal Pétain ?

Les historiens, comme Jean Quellien, distinguent :
-Maréchalisme : un certain attachement à la personne de Pétain, héros de la 1ère GM,  qui a signé l'armistice.
-Pétainisme = Vichysme : adhésion aux idées de la révolution nationale

La signature de l'armistice en 1940 est un grand soulagement pour beaucoup, avec l'homme nécessaire  pour le faire mais qui prend les pleins pouvoirs... Aucun débordement pour Pétain en raison de la réserve normande ! On cherche des responsables  l'état major ?  le Front Populaire ?

Pétain, "chef de l'État français" à 84 ans, s'appuie sur Laval : le régime de Vichy commence. IlAprès l'armistice, des officiers de l'armée française qui avaient vécu la déroute crurent en Pétain pour reconstituer l'armée de la reconquête comme Loustau Lacanau, Giraud, mais après l'entrevue de Montoire, ils se détournent de Vichy qui désormais collabore.
En octobre 1940, le préfet incite les maires  à acheter l'effigie du maréchal, seuls 20% refusent, le prestige du maréchal est encore présent. La mise en place  de la "Révolution nationale" laisse indifférent les normands : remise en cause de la démocratie et de la république,  suppression des syndicats, exclusion des juifs (peu nombreux dans le Calvados). Avec les pénuries les paysans tirent profit de la situation avec le marché parallèle, aussi sont-ils favorables  à la mise en place  de la "corporation paysanne" qui regroupe dans un organisme unique l'ensemble des structures agricoles sous l'autorité de l'Etat, ensuite le monde agricole  progressivement s'en éloignera. L'église est partagée aussi se réfugie-t-elle derrière  ces mots " La religion d'abord !" et se révèle prudente ;  l'évêque de Bayeux ne mentionne  jamais le nom de  Pétain pour éviter toute compromission.

Dés 1941, on souhaite le retour au passé face au début des persécutions des juifs, aux problèmes du quotidien qui s'aggravent,  à la lourdeur de l'occupation. Le préfet du Calvados, Henri Graux se révèle hostile aux allemands et aux collabos mais modéré avec Vichy. Il conserve tous les anciens maires, élus de la République. Pétain qui s'élève contre  la "dissidence gaulliste" déplait et entraîne du mécontentement. Les V se multiplient, les commerçants sont fortement incités  à supprimer le portrait de Pétain, avec  à l'appui des menaces. On peut lire des inscriptions comme : "Que de honte après tant de gloire. Vieillard, il est temps de mourir". Les autorités accusent les jeunes et la propagande anglaise. Mais le désenchantement est bien réel, ainsi la nouvelle campagne de vente de portraits officiels de Pétain pendant l'été1941 est un échec : sur 763 communes du Calvados, seules 10 ont souscrit.


  • La collaboration

Les historiens distinguent :
-Collaboration : La collaboration est officialisée lors du discours radiodiffusé du 30 octobre 1940 de Pétain, c'est s'accommoder de la domination allemande considérée comme un état de fait, on parle de "collaboration d'Etat".  Cela peut   procurer à certains des avantages comme les biens confisqués aux Juifs, des postes administratifs ou militaires, le contrôle du commerce ( "collaboration économique"). Il existe aussi la "collaboration du quotidien" pour ceux qui ont des rapports cordiaux avec l'occupant, qui font du marché noir, qui font des dénonciations...

-Collaborationnisme & collaborationniste, "collabo" en abrégé qui soutient idéologiquement l'occupant, l'Allemagne nazie et donc souhaite la victoire de l'Allemagne. On agit par conviction pronazie tel Jacques Doriot, qui s’engage sous uniforme SS, et Joseph Darnand, qui se déchaîne à la tête de la Milice. Divers mouvements et partis collaborationnistes sont créés.


Le chef de l'Etat, en 1940, a posé le principe de la collaboration officialisée avec la rencontre Pétain-Hitler le 22 octobre 1940 qui se résume par la voix de Pétain :  "J'entre dans la voie de la collaboration... Suivez moi". La  collaboration  présente différentes formes qui s'entrecroisent:   économique, politique, policière.

Si elle existe, elle demeure plurielle et concerne  une minorité.  Ainsi au quotidien  on vend  du beurre aux allemands mais sans leur serrer la main ! cette pratique concerne l'ensemble des commerces. La collaboration horizontale prend deux formes bien différentes,  avec parfois de réelles histoires d'amour entre une jeune normande et un soldat allemand et, plus souvent, de réelles débauches qui permettent aux femmes  d'acquérir une nouvelle puissance dont elles sont fières. Aussi trouve-t-on des "cafés à boches" toujours ouverts, tenus par une tenancière avec la  présence de prostituées.

La collaboration économique appelée le marché noir est une institution dans les campagnes. Ce marché parallèle  s'adresse aussi bien "aux cousins de Paris" qu'aux allemands. Certains se sont beaucoup enrichis. L'industrie est sous contrôle allemand. Rapidement vont apparaitre de nouvelles entreprises de construction dédiées au mur de l'Atlantique qui raflent tous les marchés

Comme partout, dans le Calvados sont présents divers  mouvements collaborationnistes qui  incitent à une "collaboration loyale et active", on y adhère surtout  par fidélité à Pétain, anticommunisme,  extrémisme de droite mais aussi certaines personnes par intérêt personnel afin d'en tirer  un avantage (faciliter le  marché noir  pour s'enrichir ou obtenir le retour d'un prisonnier). Dans les années 1941, on estime à environ 1000 personnes adhérentes d'un parti malgré l'évidente hostilité du préfet.. 

- "PPF" (Partie Populaire Français)  Doriot créé dés 1936 par Doriot , mais présent et actif dans le Calvados  à partir de  1941. C'est un parti de type fasciste  lié au pétainisme avec peu d'adhérents (100 à 280 maximum) recrutés essentiellement dans la bourgeoisie urbaine de Caen. Seuls quelques  bayeusains  militent à la section locale de  Bayeux dirigée par M de Loynes de Fumichon dont les locaux sont  rue Saint Malo. Ce parti fut relativement effacé pendant la guerre mais certains membres furent très actifs dans la répression (Bande à Hervé).

-"RNP" (Rassemblement National Populaire) créé en 1941 par Déat fut le groupe le plus important  (maximum de  330 personnes) et le mieux  organisé   du Calvados, surtout implanté à Caen et dans le Pays d'Auge. Seuls 7 bayeusains  militent activement à la section locale de  Bayeux. Sa ligne politique néo-socialiste  et collaborationniste imaginait une Europe nazie unifiée. Il fait beaucoup de propagande (affiches, presse, tracts, films de propagande... ),crée des syndicats et connait un certain succès, ainsi à Bayeux un film de propagande accueille 400 spectateurs, venus par idéalisme, curiosité ou intérêt.

-"Collaboration" de Chateaubriand créé en 1940 regroupe des intellectuels et des bourgeois cultivés, conservateurs, qui se réclament de Pétain. Il compta un maximum de  300 adhérents qui assistaient a des  conférences. S'il était assez bien implanté son influence fut réduite. La section bayeusaine ne comprenait  que quelques membres qui se réunissaient au 14 rue général de Dais.

-"MSR" (Mouvement Social révolutionnaire) créé en 1940 était d'inspiration fasciste et plutôt collaborationniste que purement vichyste. Ses militants, peu nombreux (maximum de 130),  liés à la Gestapo comme le  Raoul Hervé,  ont   particulièrement aidé la Gestapo.  Son implantation à Bayeux est très réduite.

D'autres petits mouvements  plus ou moins éphémères  existèrent.  Il existe aussi  des  organismes d'entraide  tel le COSI ( Comité Ouvrier de Secours Immédiat)  qui aide les sinistrés des bombardements mais son action est  possible  uniquement grâce à  'la générosité des autorités occupantes... qui remettent de l'argent prélevé sur les capitalistes juifs" et il est  largement soutenu et infiltré par le RNP. A Bayeux, le Cosi a un comité local route de Porte en Bessin, présidé par M Delalande ancien pharmacien et conseiller municipal de Bayeux,  aussi membre du groupe Collaboration.  Elie Dodeman, le maire, est président d'honneur.   Le trésorier est membre du PPF. De nombreux membres sont des collaborateurs.

La LVF (Légion des volontaires français)  créée en 1941,après  l'invasion de l'URSS par l'Allemagne est soutenue par les partis collaborationnistes  (RNP, PPF MSR..) recrute, très difficilement, des soldats français  pour combattre avec les Allemands. Des permanences s'ouvrent dans les principales villes (Caen, Bayeux..) pour faire  de la propagande. Les rares recrutés furent attirés par le gain de la solde :  un soldat célibataire touche 1 200 francs par mois (un ouvrier gagne environ 650 francs par mois), 2 400 francs s'il est au front. La LVF aura eu peu de succès.
A Bayeux la cellule est dirigée par Henri Mahieux, assisté d"André  Guy d'Arnal,  un ancien militaire mutilé  qui fut  le "collaborateur " le plus connu de Bayeux. D'arnal recrutait pour la LVF des délinquants et  faisait l'ordre dans la queue des magasins d'alimentation.

 En  1943, Laval et Darnand créent la "Milice" mais elle n'arrivera dans le Calvados qu'en  juillet 1944. 

Qui sont les membres de ces partis collaborationnistes ? Ils sont plutôt urbains (71% des collabos)  et  60% ont plus de  40 ans.  Ils sont particulièrement mal vus, la réprobation  est générale, ils doivent supporter des vexations, du rejet, des réactions hostiles aussi sont-ils isolés, exclus, d'autant plus dans les campagnes. Le collabo est facilement renvoyé d'une entreprise ou muté s'il est fonctionnaire. Le préfet H Graux a beaucoup de défiance, voire de l'hostilité, en annonçant clairement à ces  partis : "Je désire apprécier moi même les conditions d'opportunité dans lesquelles une collaboration peut être poursuivie ou mise en place". Les sous préfets suivent et refusent d'apporter une caution aux partis collaborationnistes.

Ces partis, dont les membres sont peu nombreux, sont réellement isolés face à une population clairement hostile d'autant qu'ils appellent souvent, dans la presse, à dénoncer les auteurs d'attentats,  les "insoumis du STO". Dans le Bessin, ces  rares "collabos" ne furent pas suivis par la population. 


  • Pénuries et rationnement

Le Bessin est une région agricole réputée spécialisée dans le lait et la viande, aussi les allemands vont-ils réquisitionner une grande partie de la production locale. Les ordres de réquisitions tombent chaque semaine, les maires  reçoivent la liste des produits à réquisitionner sur ordre des allemands,  il faut amener chaque mardi, à Bayeux, plusieurs bovins, porcs, moutons aux abattoirs ou à la gare. "les agriculteurs doivent fournir intégralement sous  peine de sanctions graves". Les réquisitions des denrées agricoles  sont envoyées en Allemagne au détriment des locaux. Fin 1942, 200 chevaux furent réquisitionnés à Bayeux.

A Sauvy estime que les prélèvement allemands concernent 21% de la production, alors que l'abattage clandestin représente 22%  et que les paysans conservent 22% pour leur consommation.


Suite aux réquisitions, les tracas du quotidien représentent la principale préoccupation des normands. Les produits de base manquent : sel, huile, café, pâtes, haricots blancs, pommes de terre, savon..
 Les occupants qui ont un gros pouvoir d'achat (1 Mark pour 20  Francs) se ruent dans les boutiques, sur les marchés pour renvoyer leurs achats en Allemagne, aussi les stocks baissent. A titre d ' exemple, dans le Calvados, la moitié des chaussures sont venues à des allemands. En 1941, le département doit livrer 12 T de viande par mois, ainsi que du beurre, du fromage, des œufs alors que les habitants n'ont droit qu'à 200 g de viande  par semaine et par personne. Le mécontentement est réel d'autant que les pénuries alimentaires s'aggravent avec les œufs qui sont rares, le prix du pain et du lait qui augmentent , de plus les pénuries se diversifient : charbon, essence, électricité On s'adapte : les autos passent au gazogène et, surtout, le vélo se généralise. On réduit les heures d'ouvertures, on crée les "jours sans".















Allemands marché Saint Pierre Caen

Désormais la carte d'alimentation se généralise, avec 8 catégories en fonction de l'âge et  présence de tickets  pour permettre une répartition équitable,  ce sont les municipalités qui l'organisent. Les marchés dépérissent, ainsi le célèbre marché de Bayeux passe de  8000 m² en 1939 à 2500 m² en 1941, au Molay Littry en novembre 1940, 117 vaches sont exposées au marché et seulement 56 en novembre  1942. C'est la même chose pour les porcs,  les moutons. Ces pénuries sont réelles (viande, pomme de terre sont rares), et les rations des  sur les cartes d'alimentation diminuent :  en 1940, un adulte a droit à 290 g de viande par semaine et  en fin 1941, c'est 90 grammes ;  le pain passe de 350 g par jour à 275 grammes. Toutefois, seul le pain de piètre qualité reste toujours présent,  du pain noir ou pain "caca" ayant un goût affreux.

La pêche à Port en Bessin et Grandcamp est très limitée en raison des rationnements de carburant, de la limitation des horaires de sortie, des réquisitions de chalutiers. On utilise des canots de sauvetage pour aller pêcher (20 à 30 chaloupes de  7 à 8 m) mais il faut un permis de pêche pour sortir et suivre une règlementation très stricte (pièce d'identité,  drapeau avec le numéro du bateau...) et pêcher dans une limite de  3 milles de la marée basse aux horaires  imposés (de jour, pas le samedi , ni le dimanche). De plus au retour de pêche, les allemands prélevaient une part. Dans ces conditions le poisson était rare, objet de troc  contre du beurre ou  autre, et  arrive difficilement  à Bayeux. 

Cette situation entraine  parfois des mouvements sociaux avec les femmes  qui manifestent leur mécontentement. Pour soulager les habitants, les jardins ouvriers sont encouragés et  on se débrouille en inventant de nouvelles recettes, en bricolant, en trouvant des produits de substitution (orge grillé pour le café, de la graisse pour le savon...) et surtout en faisant de la récupération  qui est incitée par le Préfet. Pétain en 1941 lance une campagne de "mobilisation des métaux non ferreux", même les écoliers sont incités  à récupérer les objets inutiles.



Cartes de rationnement et de ravitaillement

La solution pour s'en sortir est de faire le "marché gris" ou ravitaillement clandestin chez les des agriculteurs parents ou amis ou voisins pour les œufs, le beurre, la viande.... Les paysans du Bessin qui vivaient en autarcie  n'avaient pas de problème pour survivre, ils s'entraidaient pour tuer clandestinement un animal ;  la viande était  vendue. à un prix correct.  On considère normal d'aider ceux qui sont en difficulté, même si le parent habite dans la région parisienne ;  on lui envoie des colis,  toutefois il faut être prudent.

Il existe aussi le marché noir qui concerne essentiellement le beurre et la viande obtenue par des abattages clandestins qui permet aux paysans et aux commerçants de s'enrichir car ces produits sont destinés à la ville. Le plus souvent les prix du marché noir sont 3 fois plus élevés que dans le ravitaillement général ce qui favorise la fraude et le trafic.  Toutefois, ces produis sont essentiellement destinés aux urbains fortunés. Aussi voit-on beaucoup de voyageurs  qui viennent de Rouen, Paris avec de très grosses valises, de même de nombreux colis  circulent, trop nombreux pour que tout cela soit contrôlé. Toutefois les gendarmes surveillent, et, en mai 1941, ils dresseront 1866 PV dans le département. Quelques exemples à Bayeux :
-1940 on découvre  à Planquery un marché noir de beure clandestin (200 kg par semaine.
-fin mars 1941, sont saisis 50 kilos de porc et 55 kilos  de beurre  à la Gare de Bayeux,
- en novembre  1941 une jeune parisienne de  18 ans est prise avec 20 kilos de beurre
-en décembre 1942, 25 kilos de porc, 56 kilos de bœuf, 33 kilos de beurre sont saisis à la gare de Bayeux
- en  juin 1943 deux espagnols transportant 25 kilos de beurre sont arrêtés,

 Les interpellés sont souvent originaires de la région parisienne.



  • 1942-1943 : le tournant, tout s'aggrave
Sur le plan national
Laval
revient comme chef du gouvernement en avril 1942, accentuant la collaboration, désirant anticiper les désirs des nazis : "Je souhaite la victoire de l'Allemagne...".En septembre 1942, Laval autorise l'Abwehr et l'Orpo à pourchasser les résistants français, et les Anglais qui les assistent, en zone libre. Laval reçoit de la part de Pétain, le 13 novembre 1942, les pleins pouvoirs, "nécessaires à un chef de gouvernement pour lui permettre de faire face rapidement […] aux difficultés que traverse la France" . La persécution des juifs s'accentue avec, par exemple, la rafle parisienne du Vel’ d’Hiv’ des 16-17 juillet 1942. Pour la seule année 1942, plus de 43 000 Juifs sont déportés, la plupart arrêtés par la police française désormais au service des SSet la Sipo Sd
Le 27 novembre 1942, la flotte française se saborde à Toulon. Au système de la relève, basé sur le volontariat, succède le Service du travail obligatoire (STO) qui est instauré dans la totalité de l'Europe occupée en août 1942.
Du 8 au 16 novembre 1942, c'est le débarquement en Afrique du Nord (Opération Torch) il marque le tournant de la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental, conjointement avec les victoires britannique d'El Alamein et soviétique de Stalingrad. Lorsque les normands l'apprennent, c'est une explosion de joie, on croit vraiment à une libération proche, c'est le retour de l'optimisme, mais c'est aussi le début des bombardements lourds  alliés, notamment à Caen (Aérodrome de Carpiquet, gare).


Localement
Après bien des tergiversations les allemands finalisent, fin 1941, leur zone côtière interdite, elle ne sera pas finalement vidée de tous ses habitants. Seuls les indésirables sont chassés (juifs, britanniques...) puis les étrangers (au total 1500 personnes) ainsi que ceux qui n'y sont pas domiciliés, les estivants sont refoulés. La "Zone interdite correspond dans le Bessin au secteur Nord de la départementale 13, sur environ 15 km, elle concerne dans le Calvados à 200 communes. Les habitants de la zone doivent être munis d'un certificat signé du maire, les habitants du Calvados peuvent y pénétrer en présentant une attestation de résidence dans le département, pour les autres, il faut un laissez-passer ou Ausweis obtenu sur demande motivée (décès, mariage..).
Vers décembre 1943, la vallée de l'Aure et les marais d'Isigny furent inondés, de nombreux champs sont minés, aussi les déplacements deviennent très compliqués.


La circulation est libre à l’intérieur de la zone côtière pour les personnes domiciliées ou demeurant depuis au moins trois mois dans la zone côtière interdite.
Pour les autres, une autorisation établie sous forme de laisser-passer, accordée en cas de besoins administratifs et économiques urgents, et, en principe, qu’à des Français.


C'est le début de la construction du mur de l'atlantique par l'Organisation Todt, ainsi commencent les fortifications à la pointe du Hoc et sur le littoral  du futur Omaha, où l'on commence à construire des batteries côtières qui formeront les fameux WN (Widerstandsnester) point de résistance fortifié avec canons, mortiers, nids de mitrailleuse avec des abris bétonnés et des bunkers, entourés de barbelés et champs de mine, toutefois, ils ne seront pas tous terminés le jour du débarquement. Il faut souvent détruire les villas (cas d'Omaha) pour mettre en place  ce mur de l'Atlantique.
Pour réaliser ces ouvrages, il faut de la main d'œuvre, aussi dés 1942 la Feldkommandatur exige 2450 ouvriers pour les côtes du Calvados.  Le préfet demande aux maires de lui indiquer les "volontaires" et, à défaut, de  désigner d'office des travailleurs. Ainsi ont  réquisitionne des ouvriers du bâtiment "oisifs", des manœuvres, des soldats démobilisés,  des ouvriers agricoles, des marins de Port  en Bessin privés de leur chalutier confisqué et des jeunes "désœuvrés".
Le travail est pénible, les mauvais traitements fréquents. A la pointe du Hoc, C Rousseville indique : "On arrive à 8 heures au chantier, on s'arrête à midi mais il n'y avait presque rien à manger. On reprenait le travail de  13h30 à 18 heures. On était logé là-bas dans des baraques. Quand on coulait le béton, on travaillait jour et nuit.". Les locaux sont aussi embauchés "Tous les jours, une trentaine de personnes étaient prises dans le village, quelle que soit leur occupation" indique H Lepelletier d'Englesqueville.

 Les conditions sont difficiles et astreignantes, de plus, certains peuvent se retrouver d'office requis "Todt". Aussi, on déserte et on reste caché, désormais on trouve facilement soutien et complicité. Mais dés 1943, 1000 hommes supplémentaires sont réclamés.


Rommel inspecte le mur de l'Atlantique (lieu inconnu)


Dans la nuit du 15 au 16 avril 1942, quatre membres des FTP déboulonnent un rail sur la ligne Maastricht - Cherbourg, à Airan, pour faire dérailler un train de permissionnaires allemands. C'est l'attentat français le plus meurtrier pendant la Seconde Guerre mondiale avec une trentaine de morts et des dizaines de blessés allemands.

Quinze jours plus tard, dans la nuit du 1er mai, un nouveau sabotage, au même endroit, entraîne cette fois la mort de 10 autres Allemands. La réaction de l'occupant à ce coup d'éclat de la Résistance normande - le premier du genre à le frapper en France – est terrible : des dizaines de prisonniers politiques fusillés en représailles, mais aussi l'arrestation de 130 otages "communistes ou juifs" à Caen et dans le reste du Calvados. Nombre d'entre eux seront déportés vers Auschwitz. Le préfet du Calvados a essayé de limier les rafles, mais il n'a été suivi par Vichy, et le 6 jun1942, le préfet Grault est renvoyé et remplacé par Michel Cacaud, un préfet bien docile.



La Relève est mise en place en 1942 par le régime de Vichy pour répondre aux besoins de main-d'œuvre exigés par l'Allemagne nazie.   Un "bureau de placement " est ouvert à Bayeux ,rue Saint Malo, tenu par J Cauvet, collaborateur du MSR.  Malgré la propagande, c'est un échec, cette mesure n'a pas de succès (1% de volontaires). 
 

Le 16
février 1943 est institué le STO  Service du travail obligatoire. Beaucoup sont contraints de partir après l'été 1943, en effet Laval promulgue que les jeunes des classes 1940,41,42  seront "affectés à un emploi utile aux besoins du  pays", en France  ou ailleurs. Le maire de Bayeux doit organiser  "un examen médical des jeunes gens concernés  par le STO"  mais beaucoup ne se présentent pas  et le maire doit rappeler le 4 mars 1943 "le recensement et la visite médicale sont une obligation stricte". Suite aux départs, le mécontentement est général.   Désormais les défaillances sont nombreuses, on devient "réfractaire au STO" donc hors-la-loi,  on part se cacher à la campagne dans les fermes. En octobre 1943 sur 1800 convocations seuls 300  personnes partent. La désobéissance devient la règle.
L'hostilité grandit face à ces départs en Allemagne et aux réquisitions Todt d'autant que ce sont les classes les plus pauvres qui sont d'abord concernées.
Le monde paysan,  qui profite largement du marché noir,  progressivement se détache de Pétain et de son autoritarisme. Il ne supporte plus les réquisitions de bétail, chevaux,  pommes de terre, fourrage et maintenant la pénurie de main d 'œuvre. Le préfet indique  : "Ils font preuve d'un égoïsme coupable et d'une âpreté au gain qu'il importe de combattre avec sévérité", aussi les contrôles de fraude sont plus nombreux, ce qui accentue la défiance paysanne. 


Désormais le régime de Vichy semble totalement coupé de l'opinion, Laval est très impopulaire d'autant que la collaboration s'accentue. Les maires aussi  s'éloignent, en 1942-43 une quarantaine de maires sur 70  démissionnent avec des motifs qui ne trompent personne  (âge, pas d'essence pour se déplacer, maladie..). Même Pétain tombe dans l'oubli dés 1943, on ne parle plus de lui, c'est l'indifférence mêlée de méfiance "il a fait ce qu'il a pu... Il est trop âgé... ce n'est plus lui qui commande...Il sert de paravent.. il en assez fait... il ferait mieux de se reposer..."



CONCLUSION
Les conditions sont réunies pour que les tensions montent. 

Les collaborateurs voient le déclin de leurs partis avec de moins en moins d'adhérents, de nombreuses démissions des plus modérés, aussi reste-t-il les exaltés qui vont se radicaliser davantage. Désormais, menacés et victimes d'actes de vengeance et d'attentats,  ils vont plonger  vers une collaboration policière et militaire en se mettant entièrement au service de l'occupant par la biais d'une collaboration  policière totale dont la bande à Hervé en est l'exemple : la chasse aux résistants sera leur principale activité.
=> Lire le dossier

Pour les habitants, d'une part l'occupation devient chaque jour plus insupportable, d'autre part  la guerre  bascule et s'inverse,  l'espoir de la défaite allemande  devient plausible. De plus, la politique de collaboration de Pétain et Laval est violemment critiquée. La  résistance se développe pour lutter contre l'occupant qui s'affaiblit.  C'est à la fois une réaction contre l'occupation allemande, le refus de participer au STO et subir les réquisitions, une lutte  morale et politique contre le nazisme. De 1940 à 1944, dans le Calvados environ 2500 personnes, venant de tous les horizons, s'engagent dans la résistance, beaucoup après 1942. Les conditions géographiques et la sur-occupation du Calvados ne  permettent qu'une résistance liée au renseignement et quelques sabotages.

Les années de fin de guerre seront terribles.. 

 En novembre  1943 Hitler annonce "je ne veux plus attendre plus longtemps la responsabilité d'affaiblir l'Ouest [...] J'ai décidé de renforcer ses défenses". La présence allemande est renforcée, des divisons allemandes s'installent près des côtes dans le département  (352° div, 716°div,  711° div, 21° Panzer). Rommel qui inspecte le mur en novembre 1943 découvre ses insuffisances dans le Calvados, les travaux se renforcent avec  une population réduite aux travaux forcés : entreprises du bâtiment, jeunes... les maires doivent désigner par roulement de la main d'œuvre (hommes de 16 à 60 ans) par journée :  230 à Bayeux,  50 à Port en Bessin,  80 à Grandcamp et dans les villages proches de la côte presque tout le monde est contraint de venir travailler.  Les réquisitions de maisons (logements), de terres (mines)  se multiplient, désormais 30.000 ha de terres agricole sont amputées. L'économie se ressent durement de ce manque de bras, de plus sont également réquisitionnées tous  les moyens de transport, en particulier les lignes de chemin de fer.   On manque, plus que jamais,  de denrées alimentaires :  en mai 44, la quantité de viande hebdomadaire allouée par individu est passée de  40 à 25 g. Pour le lait et le beurre, seule solution, le marché noir.

La perspective du débarquement allié devient une réalité, cela rend les allemands irascibles, leur comportement en témoigne : brimades, rafles qui se multiplient, on est arrêté pour  peu de choses (parole, geste, rébellion), lutte impitoyable contre les résistants avec l'appui des  quelques  collabos de la bande  à Hervé. Pendant les  5 premiers mois de  1944,  500 personnes sont arrêtées dans le Calvados dont 40% de résistants, en effet la résistance est particulièrement frappée, ce sera, pour le réseau Alliance, le coup d'arrêt. Les  prisons de Caen sont pleines, on dirige beaucoup de prisonniers vers les camps ou on exécute  sommairement.

La vie est vraiment difficile en 1944, absence de ravitaillement,  de communications,  bombardements fréquents et meurtriers, actions de la résistance, arrestations arbitraires. les tensions sont fortes. On souhaite  un débarquement mais on le redoute aussi ! 

Sources essentielles

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire