La prison de Caen

 Les prisons de Caen

 Sous l'occupation, comme de nos jours, il existe à Caen deux prisons :

- La maison centrale de Beaulieu (Maladrerie) construite au XIX°  ( Elle existe toujours aujourd'hui.)

Pendant la guerre et l'occupation, elle  reste principalement sous l'autorité de l'administration française. On y emprisonne aussi des condamnés politiques, tels que Paul Collette , auteur de l'attentat contre Laval , mais surtout des communistes condamnés aux travaux forcés par les sections spéciales du régime de Vichy.

Certains d'entre eux seront désignés comme otages par les autorités allemandes pour être fusillés en représailles d'attentats commis contre des soldats de la Wehrmacht en divers points de France. L'exécution la plus massive a lieu le 15 décembre 1941, lorsque 13 détenus de la maison centrale, dont le secrétaire général de L'Humanité, Lucien Sampaix , sont extraits de leurs cellules pour être passés par les armes. Ils quittent la prison pour la caserne du 43e en chantant La Marseillaise et L'Internationale.
Au cours de l'été 1942, les Allemands ordonnent l'évacuation de la totalité des détenus de la maison centrale qui sont transférés vers les prisons de Fontevraud, Villeneuve-Saint-Georges, Hauteville près de Dijon et du Haut-Clos, à Troyes.
A l'automne 1943, Beaulieu est reconvertie en prison de femmes, et accueille le 6 octobre 170 condamnées provenant de Fresnes et de La Roquette escortées par 80 Gardes Mobiles, 15 surveillants et 15 religieuses.


-La maison d'arrêt, rue Général Duparge non loin du carrefour de la rue de Bayeux et du boulevard Dunois, est réservée aux courtes peines ou aux détenus en instance de jugement ou attendant un transfert vers une autre prison.  Les Allemands ont réquisitionné   "la grande galerie", surtout réservée aux  prisonniers Allemands et la petite galerie réservée aux détenus de droit-commun, et tenue par un personnel pénitentiaire français. Les hommes sont groupés au troisième étage du bâtiment central et les femmes dans l'aile gauche de l'entrée. C'est dans cette prison que sont détenus les résistants arrêtés.
La prison est placée sous l'autorité des allemands de  la Feldkommandantur  à l'hôtel Malherbe, la surveillance est donc assurée par des soldats de la Wehrmacht, soit  une vingtaine d'homme s et quelques femmes.

Cette prison doit déménager à Ifs en 2024. Le devenir du bâtiment actuel, qui appartient à l’État, n’est pas encore connu.

Qui allait en prison ?

La justice envoie ses condamnés habituels mais il faut ajouter désormais les trafiquants du marché noir et ceux que la "justice" de l'occupant arrête et condamne pour action de résistance, refuser une réquisition, ou, tout, simplement pour "attitude anti allemande". En fait, on peut très vite être arrêté pour ne pas respecter le couvre-feu,  avoir écouté la radio anglaise, dessiné  un graffiti, une  croix de Lorraine, ne pas avoir  déposé son fusil de chasse à la mairie, être  pris dans une rafle, avoir une attitude ou propos  ambigus, avoir une altercation etc... 

 Il ne faut pas oublier que les  militaires allemands peuvent aussi avoir leur propres condamnés car la discipline de la Wehrmacht est stricte 

Des prisons surpeuplées

Ainsi, très tôt, dés 1941,  les prisons sont surpeuplées avec des conditions de vie et d'hygiène  inquiétantes. Début 1942,  certains  condamnés à des peines lourdes furent envoyés en Allemagne, puis en  juin il fut décidé d'évacuer  les prisons du département, que l'on soit détenu de droit commun,  condamné par un tribunal français ou  prisonnier jugé par un tribunal allemand.
Le 15 juillet 1941,  127  prisonniers de la prison centrale  dont beaucoup de communistes  et 118 de la maison d'arrêt furent dispersés  dans diverses prisons françaises. Le 29 juillet  1941,  637 détenus  de droit commun  sont évacués, ainsi la maison centrale de Caen est vidée. Dés 1943 la maison centrale accueillait à nouveau des prisonniers, surtout des femmes et des étrangers (russes, italiens) qui restaient peu de temps car ils étaient renvoyés vers  un camp de Lisieux puis vers  un camp de concentration.

Fin 1943, de plus en plus de résistants sont capturés par la Gestapo ou la bande à Hervé,  la maison d'arrêt de Caen devient  le lieu de détention de ces condamnés pour actes de terrorisme  qui ne restaient pas longtemps étant soit fusillés, soit déportés. Les 19  prisonniers  d'Alliance, arrivés   le 17 mars 1944, puis fin avril et enfin les 4 et 5  mai 1944 pour les derniers connurent une autre alternative, le déclenchement du débarquement  nécessita de prendre une nouvelle mesure en urgence et dans la précipitation : l'exécution

Vivre en prison

 La vie est particulièrement dure, règlements stricts et  interdictions dominent aussi coups et punitions arrivent vite. Les cellules, avec  2 à 3 détenus,  sont étroites, sombres et bruyantes. Les détenus, n'ayant  pas le droit de s'allonger le jour, tournent en rond, rien pour s'occuper, la journée est longue :  on attend le jus du matin et la soupe du midi et du soir avec un morceau de pain, et  tout doit être très propre.  Un seau d'eau pour la journée pour tout faire :  boire, laver et nettoyer le tinettes. La notion de temps est floue car les carreaux sont opaques. Seuls moments attendus, la  douche froide  et une sortie d'un quart d'heure dans la courette, par semaine  ; là, on arrive à communiquer un minimum, échanger quelques mots,  à se tenir au courant de la vie des prisonniers. C'est aussi le cas  lors de la distribution des repas réalisés par des prisonniers  comme  Guy de Saint Pol chargés de ce travail, ainsi on échange ou  on transmet un court  message à un camarade emprisonné.

Les prisonniers  parviennent à obtenir  de rares  contacts avec l'extérieur. Très exceptionnellement, ils peuvent avoir une visite, mais c'est surtout le jeudi,  jour des échanges linge sale contre linge propre, qui représente une occasion d'essayer de laisser passer de courts messages bien cachés, écrits parfois avec son sang. De même il pouvait aussi recevoir des colis de nourriture.

 

Les prisonniers : isolés ou en cellule ?

Les premiers arrêtés en mars et avril 1944 seront mis  à l'isolement ( Douin, Gaby et Saint Pol) ; pour De Saint Pol, son fils témoigne : " Après avoir passé 47 jours à l'isolement avec pour nourriture jus de choux et pain sec, il écrira avoir regagné une cellule "normale" avec d'autres prisonniers." Cela signifie que vers le 3 mai 1944, il se retrouve avec deux autres prisonniers probablement cellule 28 .

Quelques jours plus tard, a lieu la dernière vague d'arrestation des groupes de Villers Bocage et Saint Laurent-Vierville. On pense qu'ils ont été mis dans des cellules collectives. Dans son ouvrage "le réseau alliance" Guy Caraes indique des numéros de cellule : Désiré Lemière : cellule 4, René Loslier : cellule 22, Joseph Langeard :cellule 4, Thomine: cellule 13 avec Arthur Collard.

Peut-être que les prisonniers de la seconde vague d'arrestations  ont été plus ou moins en contact les uns avec les autres, ont-ils appris ce que les premiers  prisonniers avaient indiqué aux allemands ce qui  aurait pu diriger leur interrogatoire ?


Les interrogatoires 

  Parfois, des détenus sont extraits de leur cellule pour être interrogés par la Gestapo, rue des Jacobins, , "la séance du tribunal" selon les prisonniers qui savent qu'ils vont  connaitre un long moment terrible et redouté. Arrivés, ils attendent longuement menottés à un radiateur, puis ils entrent dans une pièce capitonnée avec, au centre, une chaise et une table. Dessus le matériel des bourreaux:  barres de caoutchouc, nerfs de bœuf, ... Ils en ressortent anéantis, meurtris et ensanglantés, ce que verront leurs camarades lors de la douche.
Il est difficile d'évoquer ces tortures d'autant que "que les prisonniers évitaient de dire à leur famille les violences qu'ils subissaient". Toutefois quelques rares brefs témoignages sont parvenus.

Robert Douin il est aperçu dans les douches  par un autre détenu, celui-ci  explique qu''il marchait difficilement, le dos vouté, un bras cassé" et qu'il lui a dit : " Ne parle jamais !".

Jean  Caby : Son épouse Marcelle  a aussi été arrêtée mais  relâchée le 11 mai. Ensuite, elle a pu voir son mari à l'hôpital où il a été emmené suite aux tortures subies : elle a vu les blessures qu'il portait, en particulier, à la tête, suite au "supplice du casque".

Désiré Lemièretémoignage de sa fille Simone : Périodiquement, on le transférait rue des Jacobins. Là, il était torturé. On raconte qu'à chaque sortie de cette odieuse maison, "le sang lui pissait au bout des doigts ! ".


COMPLEMENT : Les témoignages sur la vie en prison

Sources

Ouvrages
Massacres nazis en Normandie de J Quellien et J Vico
Dictionnaire du Calvados occupé d'Yves Lecouturier

Site web D Letouzey :
http://sgmcaen.free.fr/resistance/maison-centrale-beaulieu.htm
http://sgmcaen.free.fr/resistance/maison-darret.htm



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