Ce site est consacré  au réseau de résistance  ALLIANCE,
réseau de renseignement le plus important de France, 
et, en particulier, aux résistants du secteur Jardin, 
 exécutés le 6 juin 1944 à la maison d'arrêt de CAEN. 


 Cliquer sur les  divers thèmes du plan  ci-dessous pour accéder  à l'article détaillé.
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INTRODUCTION

PRESENTATION SIMPLIFIEE
pour débuter et découvrir  Alliance


1-HISTOIRE DU RESEAU ALLIANCE 
(niveau national)


2-ALLIANCE :  LE SECTEUR "FERME" &  SOUS SECTEUR "JARDIN"

HISTORIQUE

ARRESTATIONS

INTERROGATOIRES
EXECUTIONS DU  6 JUIN 1944
AUJOURD'HUI

Introduction

Jusqu' à présent nous avons dédié deux sites web consacrés au débarquement du 6 juin 1944 à Omaha Beach :  Omaha Beach Mémoire qui décrit  le débarquement en s'appuyant sur une iconographie variée  sans oublier les raids des commandos et l' activité de la résistance locale et  Omaha 6 juin 1944 : Démythifier & Démystifier : une analyse sur l'interprétation par le grand public, les médias, les politiques, les acteurs économiques du débarquement puisqu’aujourd’hui, l'épopée d'Omaha, comme l'ensemble du débarquement, s'est transformée en un véritable mythe que le tourisme de mémoire entretient.

Si, dans ces sites, la résistance locale est présentée (Réseau Alliance, secteur Ferme), nous avons souhaité approfondir cette thématique et lui dédier un unique  site web pour plusieurs raisons :
  • La résistance  du Réseau Alliance est peu et mal connue. De rares ouvrages l'évoquent, et, de plus, trop superficiellement, ainsi certaines publications d'historiens de la résistance dans le Calvados ne citent même pas le  nom du réseau "Alliance", se contentant d'évoquer uniquement Robert Douin. Sur le web, la documentation existante est éparse, fragmentée et incomplète.  Une présentation documentée, accessible gratuitement  au grand public, nous semble donc nécessaire. 

  • Jusqu'aux années 2000, les sources  étaient très limitées et incomplètes ce qui laissait beaucoup d'aspects dans l'ombre et le doute. En 1999, la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure) a déclassifié ses archives sur la seconde guerre mondiale. Elles ont été versées au SHAT (Service Historique des Armées de Terre), puis transmises au SHD (Service Historique de la Défense) de Vincennes qui regroupe toutes les Armées. Outre les archives de la DGSE, il existe des archives des services secrets allemands concernant des réseaux de résistance en France, qui ont été saisies lors du retrait des troupes allemandes. Elles sont classées au fonds "Archives des Services Spéciaux", référencé GR 28. En 2014 est créée la série GR 28 P3 "Dossiers généraux des réseaux " dans laquelle on trouve les sous-séries 70 et 71 concernant le réseau Alliance. Or, ces archives n'avaient pas encore été exploitées, d'autant que certaines étaient rédigées en allemand. Il faut  préciser que les archives anglaises du MI6 ne sont toujours pas accessibles alors qu'elles pourraient apporter des éclairages nouveaux.


  • En 2021, ces archives des services secrets français et allemands  ont été exploitées et étudiées :
    •  Il s'agit des "Archives sur les fusillés de la prison de Caen le 6 juin 1944", traduites, analysées, commentées  par Marc-Antoine de Saint Pol qui nous a aimablement transmis son travail et documents d'archives.  Ces nouvelles sources historiques exceptionnelles et  incontournables sont publiées confidentiellement  via l'association Alliance depuis mars 2021

    • Un nouvel ouvrage  "Le réseau Alliance : Histoire inédite du plus grand réseau de la résistance française " de plus de 500 pages de Guy Caraes, publié en novembre 2021,  reprend aussi ces archives pour  afficher une vision globale du réseau et n'oublie surtout pas de présenter tous les membres qui étaient restés anonymes, partout en France.

  • La volonté de présenter une vision réaliste de ces résistants qui ont travaillé dans l'ombre pour notre liberté. Surtout, montrer leur activité,  traque  tragique, arrestation, emprisonnement,   interrogatoires  et exécution qu'ils ont subis avec courage et dignité.

  • La nécessité de baser et illustrer le propos par l'affichage systématique des archives présentées dans leur aspect original en allemand et traduites en français

  • Les mystifications et pseudo révélations de personnes incompétentes qui revisitent l'histoire et inventent de nouveaux héros de la résistance existent ; nous les avons déjà dénoncées dans notre dernière publication web. Désormais ces nouvelles archives vont mettre un terme aux mensonges et duperies relayées localement par la presse et office de tourisme bien complaisants et prêts à tout pour publier des articles accrocheurs sans aucune vérification.

Ce site web se veut simple et accessible à tous. Il présente des documents très variés : biographies, historiques, chronologies interactives, cartes dynamiques, illustrations, tableaux, graphiques, diagrammes, vidéos, photos et surtout toutes les archives allemandes (rapports et interrogatoires, originaux accompagnés de la traduction en français).

Il comprend  2 grandes parties qui peuvent être lues indépendamment
- Histoire du réseau Alliance au niveau national
-Alliance : le secteur Ferme & Jardin

Il peut être vu  :
-pour une première découverte en utilisant les deux  diaporamas chronologiques simplifiés, illustrés  (Réseau Alliance et  Secteur Ferme)
-de manière progressive en utilisant le plan présenté en accueil
-en choisissant des thématiques (moteur de recherche interne, mots clés, liens interactifs, ...)
-de façon plus simplifiée, en lisant la "synthèse" 

Il doit permettre de mieux comprendre le fonctionnement et l'histoire du réseau Alliance au plan national, et, surtout, sur le plan local du département du Calvados avec la présentation détaillée du secteur "JARDIN" dont tous les membres connurent une fin tragique.


Les informations  publiées sur ce site sont essentiellement basées sur la lecture des ouvrages fondamentaux d'historiens et, surtout, sur les nouvelles archives allemandes, publiées et communiquées  par Marc  Antoine de Saint Pol. Elles présentent, essentiellement,  les interrogatoires des résistants sous forme de rapports qu'il faut examiner avec beaucoup de minutie et de recul. Il est très difficile d'imaginer la manière dont ces textes  ont été  réalisés et, surtout, relatés et  synthétisés  en un rapport. Il est encore plus difficile d'imaginer le courage et l'héroïsme des agents du réseau, certains  isolés dans des cachots, face aux séries d' interrogatoires obtenus "sous la menace" et dans la souffrance.

                    "Sous la menace"  est la traduction retenue pour "Auf Vorhalt" 

Traduction littérale
-Vorhalt
 = grief (accusation, récapitulation, reproche), présentation, confrontation (à des charges), question après rappel des charges
-auf Vorhalt = on fait observer, sur présentation de, confronté à

"Auf Vorhalt" est l'allemand juridique typique dans les protocoles d'interrogatoire officiels et signifie, pour ainsi dire, au sens figuré, que le tribunal a présenté un certain document au témoin ("l'a tenu devant ses yeux") afin qu'il puisse commenter son contenu.

La traduction devient donc  délicate dans le contexte d'interrogatoires de résistants en 1944 en raison des sens multiples et  sous entendus  possibles: le prisonnier a parlé  suite  à une  très forte pression, liée à une présentation de ..., à une confrontation avec..." qui peuvent  être une preuve (document, photo ...) ou une  arme menaçante, ou  un outil de torture ou  une menace de représailles sur la famille.... On connait les méthodes utilisées par les nazis pour faire parler (tortures) or un rapport officiel allemand ne peut  l'indiquer de manière formelle.

Aussi, en raison du contexte spécifique de ces interrogatoires, la traduction "sous la menace" semble une traduction pertinente. Toutefois ce terme doit être considéré comme une évocation indirecte et sous-entendue de violences, tortures morales ou physiques quelles qu'elles soient. D'ailleurs des témoignages confirment les violences subies lors des interrogatoires. 


 Il ne faut pas oublier qu'existaient de violentes pressions de toutes sorte : morales, physiques, perquisitions, menaces sur la famille et l'entourage. Ils ont du parler, du moins dire le minimum en fonction de ce que savent déjà les allemands qui étaient bien renseignés, ils ne peuvent nier ce que l'ennemi sait.
Donc, lire avec attention et circonspection  ces sources allemandes en pensant continuellement aux méthodes utilisées pour obtenir  les aveux et  à la manière dont l'ennemi les a ensuite rédigés pour réaliser un rapport officiel.

Ce site est dédié à la mémoire  et au courage des résistants d'Alliance, secteur Jardin, fusillés le 6 juin 1944 et à leur famille. Il leur rend hommage pour ne jamais oublier  ces hommes et  leur héroïsme. Aussi, nous osons espérer  qu'il aura une utilité pour  servir à l'éducation des jeunes ;  il se veut didactique et clair, et, surtout, basé sur des archives accessibles et traduites qui en sont le support afin que nul ne puisse détourner la vérité.
En tant qu'enseignant  d'histoire-géographie retraité, nous avons un réelle volonté de transmission de mémoire. 


Toute ce qui est publié sur ce site est libre de droits pour  une utilisation pédagogique par les enseignants et  pour les élèves. Toutefois une référence au site est obligatoire pour toute diffusion.

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  • Dans les articles, sur fond ocre, la traduction en français de l'archive allemande originale  affichée en dessous.
  •  Pour  une première découverte du réseau Alliance, voir les 2 chronologies dynamiques, simplifiées, illustrées (Réseau Alliance et Secteur Ferme)
  • Pour ceux qui le souhaitent, une synthèse résume l'ensemble. 
  • Merci de nous signaler les "coquilles" et "erreurs" qui peuvent exister...

Synthèse : Historique du sous secteur Jardin

Brève synthèse historique du secteur Jardin du Réseau Alliance
réalisée à partir des publications sur ce site

Pour une première approche très simplifiée, voir  les deux chronologies dynamiques et illustrées:

1- Le réseau Alliance
2- Du rôle fondamental de Jean Sainteny
3- Marcel Couliboeuf, l'instituteur de Formigny le premier responsable
4- Robert Douin,  l'artiste dessinateur de cartes, qui dirige ensuite le réseau
5- Des Sous-secteurs actifs à Villers Bocage et à Saint Laurent sur mer/Vierville sur mer
6- Les  Arrestations du printemps  1944
7- Emprisonnement et interrogatoires 
8- Le 6 juin 1944 : Les exécutions


1- Le réseau Alliance

Le réseau "Alliance", réseau de renseignements français  lié aux britanniques (MI 16), a été fondé en 1940 par Georges Loustaunau-Lacau  arrêté en 1941, puis repris par Marie Madeleine Méric (Fourcade) dit "Hérisson" (1941-1943, départ à Londres) qui le dirige avec son ami   Faye le responsable militaire. Les services allemands appellent ce réseau "l'Arche de Noë" en raison des pseudonymes de ses agents avec un nom d'animal: Civette, Bison noir...

Le réseau "Alliance" est un réseau spécifique, orienté vers le renseignement, non armé, financé et équipé en matériel de radio par le MI6 anglais (Intelligence Service) qui recevait directement les informations. Il a démarré en zone libre (sud-ouest de la France), puis son activité s'est rapidement étendue à l'ensemble de la France, et donc dans le Calvados. Très tôt, en 1941 le réseau connaîtra une vague d'arrestations (Loustaunau-Lacau  qui sera finalement déporté)  ce qui nécessitera une réorganisation complète très hiérarchisée avec  Marie Madeleine Méric  à sa tête accompagnée de   Faye le responsable militaire.  Début 1943,  Faye rencontre De Gaulle puis Giraud, désormais  le réseau  se nomme officiellement Alliance.
 Ensuite se multiplient les trahisons (Alamichel), des infiltrations d'agents double, aussi Alliance connaitra beaucoup d'arrestations  en 1943  comme  celle Faye qui sera déporté. Sans cesse, il faudra se réorganiser, déplacer le PC, pour continuer le renseignement jusqu' à la libération totale. 
Ce réseau qui s'étend à toute la France en comptant jusqu'à 1000 membres permanents, sera le plus grand réseau  pour le renseignement et sera le seul commandé par une femme.


En 1942, Faye  le responsable militaire du réseau réorganise le renseignement qui est désormais étendu à toute la France,  il la divise en grandes régions ou secteurs dont le secteur Normandie, commandé par Jean Roger dit "Sainteny" ou "Dragon" ; il possède une résidence secondaire à Aignerville, dans le Bessin, où,  très tôt, il  crée une base de résistants. Ce vaste secteur était lui même divisé, avec les sous secteurs "Ferme" (Caen, Evreux) et "Fleuri" (Alençon, Angers), eux-mêmes divisés en secteurs locaux dont le secteur du Calvados (surtout partie Ouest) nommé "Jardin".

"Jardin"
est d'abord dirigé par l'instituteur de Formigny,
 Couliboeuf, menacé, il doit s'enfuir fin 1943 ; lui succède Robert Douin dit "Civette, artiste peintre à Caen, il centralise tous les renseignements fournis par les divers sous secteurs. A partir de 1943, le choix des côtes normandes étant réalisé pour le débarquement, l'Intelligence service demande au réseau Alliance, secteur Ferme, de recueillir le maximum d'informations sur les fortifications du littoral. Ainsi Douin sollicite les agents du sous secteur "Jardin" afin de dresser des cartes très précises localisant toutes les activités et constructions allemandes de la région, d'autant plus difficile à réaliser que le littoral est une "zone interdite".  Le secteur Jardin, est parfaitement organisé localement avec une quarantaine de membres actifs répartis en sous secteurs, et, avec un jeune agent de liaison entre Paris et le Calvados, Jean Truffaut alias "Tadorne".

2- Du rôle fondamental de Jean Sainteny

L'origine du sous secteur Jardin est étroitement lié à la présence de Jean Roger (alias Dragon ou Sainteny) à Aignerville ou il possède une résidence secondaire. Démobilisé, il devient résistant dés 1940, et commence à grouper autour de lui des éléments résolus à recueillir des renseignements sur l'état et l'organisation des défenses allemandes en Normandie. Puis en octobre 1940, il est en contact avec le fondateur du réseau de renseignements "Alliance", Navarre (alias Loustaunau-Lacau).
Jean Roger, devenu Jean Sainteny, est arrêté une première fois par la Wehrmacht en septembre 1941 à Colleville-sur-Mer. Incarcéré à Caen et traduit en cour martiale, il est relâché faute de preuves un mois plus tard. Il poursuit son activité, effectuant des missions de liaison en zone sud et franchit 13 fois la ligne de démarcation clandestinement.

En 1941, est créé le  secteur Normandie, commandé par Jean Roger dit  "Sainteny" ou "Dragon"  Ce vaste secteur est lui même divisé en sous secteurs qui s'agrandiront et  évolueront  dans le temps comme "Ferme" qui correspond  à la Manche, Calvados et Seine inférieure .

"Ferme" est également divisé en 4 autres secteurs dont le  Calvados, surtout dans le Bessin, sous secteur "Jardin",  que Jean Sainteny  dirige, au début, de sa résidence secondaire d' Aignerville près de Trévières. 

Sainteny fédère son équipe avec d'autres résistants locaux : Paul Bernier de Port en Bessin, et surtout avec l'instituteur de Formigny, Marcel Couliboeuf dit "Bison noir" qui deviendra le chef et la boîte aux lettres du groupe "Jardin" aidé par  Rodriguez  dit "Pie", qui installe des radios.


3- Marcel Couliboeuf, l'instituteur de Formigny le premier responsable

On connait mal le parcours de Marcel Couliboeuf,  l'instituteur de Formigny, âgé de 47 ans ( ?)  souvent appelé le "professeur" et surnommé "Bison noir".  Toutefois, il apparait clairement qu'il est l'artisan du développement du secteur Jardin, son nom revient systématiquement car il connait tous les responsables locaux et a été très actif dans le Calvados  
Il rentre tôt dans la résistance, probablement dès 1941, Roger Sainteny le contacte.
 A sa demande, il organise le secteur Jardin, en devient le responsable et recrute activement des informateurs comme Boulard et Primaut  ; il est en contact  étroit avec Douin, Caby, Truffaut et, surtout, Thomine qu'il rencontre "presque chaque semaine". Rodriguez (dit "Pie"), met à sa disposition une radio à Bayeux dans la "Maison des Gouverneurs" gérée par deux institutrice qui servent de boite aux lettres :  Julia Picot et Germaine Limeul. (décorées de la Rosette en 1946).

Il rentre en clandestinité en Novembre 1943, suite à des arrestations de membres d'Alliance en Bretagne. Les allemands  l'avaient identifié comme "chef de l'organisation de la Ferme".

Il trouve refuge dans le Poitou et aurait regroupé autour de lui des réfractaires du STO entre Chatelleraut et Montmorillon, groupe qui formera ensuite les maquis de Saint Savin et de Nalliers en juin 1944. On ne sait ce qu’il est devenu ensuite.

C'est Douin qui va lui succéder pour encadrer le réseau.

4- Robert Douin,  l'artiste dessinateur de cartes, qui dirige ensuite le réseau

Robert Douin est issu d'une lignée de sculpteurs et naturellement il aura une carrière artistique  de sculpteur et peintre. Il est d'ailleurs nommé directeur de l’École des Beaux-Arts de Caen en 1930, il prend ainsi la succession de son père.
Lorsque débute l'Occupation, il prend tous les risques. Dès la fin de l’année 1940, il adhère au mouvement de Résistance l’Armée des Volontaires, aux côtés de Léonard Gille mais aussi Odette et René Duchez.

A partir du 1er février 1943, c'est au sein du réseau Alliance qu'il agit. Il en devient même le chef départemental après la fuite de Couliboeuf et demeure  en liaison étroite avec Sainteny ainsi qu'avec la boite aux lettres Primaut et  Truffaut (Tadorne) l'agent de liaison du réseau.
Profitant de ses fréquents déplacements sur la côte du Calvados pour restaurer des œuvres d’art, il dresse de nombreux plans des fortifications allemandes et les fait transmettre à Londres. Il met ainsi ses compétences artistiques au service de la Résistance. Lors des vacances scolaires, son fils Rémy, âgé de 14 ans en 1941, l’accompagne dans ses missions de reconnaissance et de relevé des défenses allemandes. Utilisant les cartes d’Etat major au 1/10 000, il indique sur des calques, les relevés des défenses faits dans la journée par lui ou par ses agents. Les plans sont soigneusement mis dans un cylindre dissimulé dans une gouttière. Récupérés par un agent de liaison, un avion Lysander les achemine à Londres.  Ainsi, il a établi une carte de 17 mètres de long, de toute la côte fortifiée du Calvados à une échelle extrêmement précise, destinée à l’Intelligence Service de Londres qui la réceptionne  une semaine avant son arrestation
Il avait en outre dissimulé un émetteur radio dans le clocher de l’église Saint-Nicolas, à Caen d’où il émettait vers Londres. Mais il est dénoncé par un agent double ayant infiltré le réseau et est arrêté par la Gestapo sur un chantier à Caen le 17 mars 1944 non loin du stade Hélitas.

5-Des Sous-secteurs actifs à Villers Bocage et à Saint Laurent sur mer/Vierville sur mer

Bien encadré le réseau Alliance tisse sa toile dans le Calvados, les personnes qui seront recrutées dans chaque sous secteur,  sont le plus souvent  proches, des amis, voisins, collègues de travail, ce qui permet d'établir un réseau de confiance réciproque.
A Villers Bocage, Jean Caby, bien qu'il ait eu un passage au groupe "Collaboration"  va très rapidement le quitter pour se tourner d'abord vers Giraud puis vers la résistance, par l'intermédiaire de  Thomine et Couliboeuf qui réussissent à le convaincre de rejoindre Alliance ce qui lui permettra de rencontrer Sainteny.  Il va devenir l'opérateur radio d'Alliance, ce  qui est facilité par son métier d'électricien, réparateur de radios. Ensuite, il contacte ses nombreux camarades et recrute un petit groupe actif autour de Villers Bocage dont il devient le responsable, aidé par son ami Jean Lebaron, ancien membre du réseau Hector. Ce groupe avec Loslier, MargerieLangeard, Robert et Aubin (membre OCM) devait, en particulier  préparer l'arrivée futur de "troupes anglaises".

Dans le secteur de Trévières et sur le littoral de Saint Laurent-Vierville , là où à démarrer la résistance avec Sainteny et Couliboeuf, c'est un petit groupe d'amis, voisins et collègues de travail  (facteur) qui va se former avec Lemière, Anne et Boulard.  Leur activité principale est le renseignement facilité par leur possibilité de se déplacer quotidiennement  pour leur métier, ainsi ils recueilleront de nombreuses informations sur le littoral du futur "Omaha Beach" qu'ils transmettent à Douin.

De même se formeront de petits groupes dans diverse localités, souvent le recrutement se fait parmi les proches  comme des pêcheurs à Port en Bessin autour de Georges Thomine. 

Il existe aussi des groupes, plus petits, disséminés dans le Bessin ( voir l'organigramme) et de fortes individualités qui travaillent dans l'ombre comme Guy de Saint Pol en multipliant ses contributions auprès de Douin et en hébergeant  des personnes recherchées , ou comme Antoine de Touchet  à la fois
informateur du secteur Alliance de Caen et commandant en second de l’ORA du Calvados. (Organisation de la Résistance Armée ) 

6-Les  Arrestations du printemps  1944

L'ensemble du groupe Alliance a connu, en automne 1943, une nouvelle vague d'arrestations au niveau national, surtout en Bretagne ; la Normandie ne fut pas touchée, toutefois Coulibeuf (Bison noir) de Formigny s'enfuit et disparaît... ainsi que Rodriguez dit Pie" qui sera arrêté un peu plus tard. Mais le 14 mars 1944 la Gestapo renouvelle ses arrestations et  organise un coup de filet important et procède, en particulier, à l'arrestation à Paris d' agents de liaison, dont "Tadorne", Jean Truffaut, l'intermédiaire de R Douin qui était en possession de documents importants.
Dans le Calvados,  le 17 mars 1944 une rafle dirigée par la Gestapo entraîne l'arrestation de Robert Douin, le chef départemental, 
Georges Thomine marin pêcheur de Port en Bessin,  Jean Caby de Villers Bocage avec sa femme Marcelle Caby, et  Guy de Saint Pol. Ils sont placés au secret, à l'isolement pendant 6 semaines. La Gestapo va les martyriser pour obtenir des renseignements. Les interrogatoires sont très violents, malgré tout ils parviennent à ne dire que le minimum, ce que la Gestapo sait déjà, en restant flou et imprécis. Leur résidence est fouillée par la "La bande à Hervé", des collaborateurs très violents, mais on ne trouve rien de compromettant.

Fin avril, les arrestations continuent. Le 20 avril 1944, Maurice Primault, boîte à lettres du réseau, est arrêté à Caen par la Gestapo accompagnée de Daniel Collard, agent de la bande Hervé. Le 28 avril 1944 le commandant Antoine de Touchet est arrêté.
Deux semaines plus tard tous les membres du réseau sont arrêtés de manière identique par des gestapistes accompagnés de français  membres de la 
 "La bande à Hervé", collaborateurs notoires. Dans le secteur de Villers Bocage sont arrêtés, le 4 mai 1944, René Loslier de Jurques, Ernest Margerie d'Anctoville, Marcel Chiron , Julien Thorel, André Aubin tous  de Villers-Bocage ainsi que Jean Lebaron, Marcel Marié d' Epinay-sur-Odon , Joseph Langeard de  Villy-Bocage, André Robert de  Longvillers.
Le lendemain,  le 5 mai 1944 dans le secteur de Saint Laurent sur mer sont arrêtés par une voiture noire  Désiré Lemière lors de sa tournée à vélo, Olard, facteur à Saint Laurent, puis ce sera le tour d'Albert Anne, le forgeron d' Asnières, et Robert Boulard, le facteur de Trévières.
La série d'arrestations se termine avec Auguste Duval boucher à Ouistreham  qui est arrêté par "Albert" et Collard.
Tous sont internés à la prison de Caen où ils sont régulièrement extraits de leur geôle, pour être interrogés, sous la torture, rue des Jacobins. En fait, ce sont des français,  qui aident la la gestapo pour arrêter les résistants. Les interrogatoires de la Gestapo sont terribles, les résistants sont torturés et soumis à des conditions très difficiles.
Le réseau alliance du Calvados " Jardin" est donc décapité
Très rapidement quatre personnes qui n'appartiennent pas  au groupe Alliance seront libérées : Charles Olard, Marcelle Caby (épouse membre Alliance) Julien Thorel, Marcel Chiron, ils auront passé moins d'une semaine en prison sans être, semble-t-il, interrogés. Leur arrestation semble être due à leur proximité avec des résistants comme membre de famille ou collègue de travail ou voisin.

7- Emprisonnement et interrogatoires 

Détenus dans la maison d'Arrêt de Caen, ils sont placée sous l'autorité des allemands de la Feldkommandantur à l'hôtel Malherbe. La prison est surpeuplée avec des conditions de vie et d'hygiène inquiétantes.
 
La vie est particulièrement dure, règlements stricts et interdictions dominent aussi coups et punitions arrivent vite. Les cellules, avec 2 à 3 détenus, sont étroites, sombres et bruyantes. Les détenus, n'ayant pas le droit de s'allonger le jour, tournent en rond, rien pour s'occuper, la journée est longue : on attend le jus du matin et la soupe du midi et du soir avec un morceau de pain, et tout doit être très propre. Un seau d'eau pour la journée pour tout faire : boire, laver et nettoyer le tinettes.

Régulièrement, des détenus sont extraits de leur cellule pour être interrogés par la Gestapo, rue des Jacobins, "la séance du tribunal" selon les prisonniers qui savent qu'ils vont connaitre un long moment terrible et redouté. Arrivés, ils attendent longuement menottés à un radiateur, puis ils entrent dans une pièce capitonnée avec, au centre, une chaise et une table. Dessus le matériel des bourreaux: barres de caoutchouc, nerfs de bœuf, ... Ils en ressortent anéantis, meurtris et ensanglantés. 

Tous les résistants ont été interrogés, dans des conditions difficiles, désormais les rapports allemands des interrogatoires apportent des précisions. Si certains rapports sont longs, la plupart sont courts, il faut absolument prendre en considération le fait que la Gestapo était déjà très bien informée  sur les membres du réseau Alliance, secteur Jardin : tous les noms et les alias des résistants sont connus, de même pour leur activité  basée  sur le renseignement et une aide en cas de débarquement allié, ce qui est confirmé par le fait que tous les membres,  sans exception, sont arrêtés. Aussi lors de l’interrogatoire, il est inutile de nier ce que les allemands connaissent,  ce que font tous les interrogés  sauf un,  qui, par principe, nie tout systématiquement. Mieux vaut parler... un peu pour éviter quelques coups violents.
Seuls les dirigeants du réseau, les premiers arrêtés,  assument leur rôle puisque la Gestapo connait déjà l’essentiel, aussi sont-ils plus loquaces d'autant que la violence est permanente, toutefois leur propos se limitent au minimum indispensable sans rien apporter de nouveau.
Par contre, pour les autres résistants, les derniers arrêtés, le rapport est beaucoup court ; on constate le flou et les imprécisions des réponses, l'ambiguïté du vocabulaire, le fait que chacun minimise son rôle et son action, sans trop rien dire sur les autres membres. Ils insistent beaucoup sur un petit rôle éventuel dans le futur en cas de débarquement.
 
De fait, on peut penser que dans la prison, ils ont pu avoir la possibilité  de communiquer, un minimum, entre eux et, ainsi, savoir ce qu’ils pouvaient  dire ou non lors des interrogatoires, en fonction de ce qu’avaient déclaré les premiers arrêtés.

Au final, les rapports d’interrogatoires n’apportent  pas aux allemands  de nouvelles informations, du moins rien d’important,  ils ont simplement confirmation de ce qu’ils savent déjà, les  noms fournis correspondent  aux résistants déjà arrêtés ou en clandestinité. Aucun nouveau nom de résistant n'est cité.
D'ailleurs la Gestapo, dans son rapport final,  qualifie les renseignements apportés comme  "vagues et insuffisants"" et précise que le service de renseignement "n'était pas très dangereux". Une lourde erreur d'appréciation lorsque l'on connait l'importance des renseignements fournis par ce groupe dont la fameuse carte de Douin ; il semble que les interrogatoires  ont, en partie, berné  les allemands puisque les résistants évoquent essentiellement, comme rôle, un éventuelle aide lorsque les "anglais" débarqueront.




8- Le 6 juin 1944 : Les exécutions

En cas de débarquement, le commandant allemand de la prison doit appliquer les consignes prévues en cas d'alerte,  envoyer tous les prisonniers de la Gestapo en Allemagne afin d'éviter qu'ils ne tombent aux mains des Alliés. Pour les autres détenus, en attente d'être jugés, deux possibilités selon la gravité des accusations qui pèsent contre eux, soit la en déportation vers l'Allemagne, soit la liberté.
Dans la nuit du 5 au 6 juin, le chef de la Gestapo Heyns est averti de la réalité du débarquement et de la possibilité de l'arrivée rapide de l'ennemi à Caen. Aussi doit-il appliquer les instructions : trier et détruire les dossiers, rue des Jacobins par ses hommes avant de s'enfuir vers Falaise. Très vite les allemands s'aperçoivent que transporter des prisonniers est impossible, la gare de Caen est détruite par les bombardements alliés, aucun camion n'est disponible. La Gestapo s'affole et semble dépassée par les évènements.
A 8 heures du matin, la Gestapo  présente une liste  de  50 noms de prisonniers à exécuter.  Très vite, les portes des cellules s'ouvrent, des noms sont criés :"les mains sur la tète ! Dehors, Vite! Inutile de prendre vos paquets". Conduits dans les courettes de promenade de la prison, par groupes de 6 ou 8 , ils sont assassinés d'une rafale de mitraillette puis achevés d'un coup de pistolet par les hommes de la Gestapo. 75 à 80 prisonniers seront exécutés le 6 juin 1944 dont la totalité des membres du réseau Alliance. Tous font preuve d'un courage exemplaire.
Les corps des fusillés sont enterrés dans des tranchées creusées à la hâte et recouvertes de chaux. Les courettes sont nettoyées des traces de sang à coups de seau d'eau. Au matin, certains prisonniers sont remis en liberté, d'autres, une vingtaine de rescapés, sont évacués, à pied, vers Paris.
Désormais la prison de Caen est vide.

A la fin du mois de juin, devant l’avancée des armées de libération, les responsables régionaux de la Gestapo donnent l’ordre de faire totalement disparaître les corps. Le SD (service de renseignement des SS) veut faire déterrer les corps pour masquer les preuves de ce crime de guerre. Les Allemands passent à l’action le 29 juin. Ils font faire cette salle besogne par des Français comme ils n’ont plus de détenus à Caen. Ils en réquisitionnent huit à la prison des Ducs, à Alençon.  
Les cadavres sont exhumés et partent pour une destination, toujours inconnue aujourd'hui. Les historiens pensent, sans certitude, à partir des nombreux témoignages souvent contradictoires, que les corps exhumés ont été réinhumés en plusieurs endroits dans le même secteur, aux environs de Caen, probablement  à l'Ouest, en direction de Bayeux, ou vers le Sud-Ouest  (proximité de Falaise) en effet, fin juin, les alliés bloquent la ville, ils sont aux portes de Caen, dont tous les ponts sur l'Orne sont détruits.

Conclusion
Si le réseau Alliance, secteur Jardin est complètement anéanti en 1944 dans le Calvados, il continuera son activité en France jusqu'à la libération totale avec le retour de Marie Madeleine Méric aidée de Jean Roger alias "Sainteny" qui suivent l'avance des troupes de libération et rejoignent la ligne de front pour faire du renseignement. Après la guerre Marie-Madeleine Méric crée l'Association Amicale Alliance, elle fait établir la liste des 432 morts et disparus parmi le millier d'arrestations et s'occupe de faire homologuer chaque membre d'Alliance.
Chaque année le 6 juin, à la prison de Caen, une cérémonie officielle  rend hommage à ces héros de la résistance. Fin  2021, est publié un ouvrage "Le réseau Alliance" de G Caraes qui présente le réseau Alliance en évoquant, par le détail, tous les résistants disparus dans des conditions dramatiques.


Complément: Tableau de synthèse









Traque et déportation des résistants d'Alliance

1-Qui traque ?  Gestapo et "collabos"
2- Les services de l'Abwehr enquêtent...
3-Les étapes après une arrestation de résistant
4- Autres procédures
5- Les prisonniers d'Alliance dans les camps sont massacrés
6- Bilan


1- Qui traque les résistants d'Alliance
    • Gestapo ?
      • Nom générique (contraction du mot allemand Geheime Staatspolizei) utilisé par les Français occupés pour désigner à tort des organismes aussi différents que
        •  l'Abwehr  : service de contre-espionnage et du renseignement de l'armée allemande (Wehrmacht), dirigé par l'amiral Canaris, qui occupe l'Hôtel Lutetia à Paris. Il lutte contre les Résistants et utilise l'infiltration d'agents. A noter que l’Abwehr est souvent en conflit avec les services secrets du parti nazi : le SD et la Gestapo.
           Au sein de l'Abwehr, existe le service de contre-espionnage et renseignement de l'armée  ("AST" pour Abwehrstelle)  qui centralise en particulier, tous les cas relevant d'Alliance à son siège de Dijon.
        • la Kriminalpolizei, ou Kripo  : police criminelle
        • le Sicherheitsdienst ou SD  : Service de renseignements de sûreté, d'espionnage et de contre-espionnage du parti nazi et des SS
        • la Sicherheitspolizei, ou Sipo  : police de sûreté, faisant partie de la SS
        • en 1939 Sipo et SD sont associés pour former la Sipo-SD chargée de la répression. Elle est divisée en 6 sections spécialisées dépendant du RSHA :office central de sécurité du Reich, réunissant l'ensemble des services répressifs dont
          • Section I : administration ( courrier, finances, logement, nourriture)
          • Section II :  liaison avec police et  justice françaises
          • Section III :  informations économiques
          • Section IV  : Gestapo se divisant en sous sections spécialisées pour résistance, sabotage, contre espionnage, émetteurs clandestins... 
          • Section V :  Kripo droit commun (délits divers  et marché noir)
          • Section VI :  antenne du renseignement et manipulation des agents

      • Définition : Gestapo est un organe exécutif du SD et de la Sipo, créée par  Goering en 1933, passée en 1934 sous l'autorité de Himmler, Reichsführer SS, et en fait sous celle de son redoutable adjoint Heydrich, elle est dirigée du commencement à la fin du IIIe Reich par Heinrich Müller.

      • Rôle en France: La Gestapo s'installe dès août 1940 avec  un rôle de renseignement et de propagande, sans pouvoir d'exécution.
        En avril 1942
        Himmler obtiendra du Führer que les pouvoirs de police en France soient enlevés aux militaires et confiés au général de police SS Karl Oberg. La Gestapo  absorbe les services militaires de la police secrète, se renforce avec 1 500 policiers allemands et l'aide de plus de 40 000 auxiliaires français. La Gestapo procède à un nombre considérable d'arrestations (40 000 en 1943) sans compter des rafles massives ; elle incarcère ses victimes à Fresnes, à la Santé, au Cherche-Midi, en province dans les prisons locales. L'usage de la torture lui a été recommandé dès le 10 juin 1942 par une note de Berlin relative aux  "interrogatoires renforcés" . Les incarcérés qu'elle juge mineurs sont dirigés comme « réserve d'otages » au camp de Romainville et alimentent les exécutions d'otages, notamment celles du Mont-Valérien. Les incarcérés qu'elle juge majeurs sont envoyés, ainsi que les juifs raflés en masse, dans les camps de concentration ou d'extermination en Allemagne.


    • et la collaboration française ? 

      Le régime de Vichy choisit la voie de la « collaboration » avec le Troisième Reich. Cette collaboration prend plusieurs formes : économique, policière et culturelle. Nommé deux jours après le retour de Pierre Laval au gouvernement, le 16 juillet 1942, le chef de la police nationale, René Bousquet  (puis J Darnand) travaille en étroite coopération avec les SS. Il réorganise les forces de l'ordre françaises qu'il unifie sous son commandement, créant la Police nationale puis les Groupes mobiles de réserve (GMR). Il passe un accord, en juillet 1942, avec le général SS Carl Oberg pour maintenir l' indépendance de la police française en argumentant pour la  "répression à la française" .
      Se développent : 


2 - Les services de l'Abwehr découvrent l'importance du réseau et enquêtent...

En novembre 1942, le résistant  Ferdinand Dellagnolo est arrêté  à Strasbourg et, probablement "retourné" par les allemands, l'Abwehr comprend qu'il existe un vaste réseau bien organisé sur tout le territoire. Pour se renseigner sur ce réseau et le démanteler, ils emploieront tous les moyens :infiltration par des espions qui se faisaient passer pour des résistants, retournements d'agents du réseau qui sont des traîtres, perquisitions chez des agents et arrestations avec interrogatoires parfois extrêmement violents
 
En mars 1943, l'affaire "Alliance I" est créée,  suivie par "Alliance II" en octobre 1943 avec  la mise en place d'"infiltrations" dans le réseau qui aboutiront aux grandes rafles de 1943 et 1944. D'abord les services de  l'Abwehr de Marseille, Vichy et Paris sont chargés de l'enquête, puis Dijon et Strasbourg de l'enquête et de l'instruction du dossier d'espionnage d'Alliance."Spionage Organisation Alliance"

Archive allemande faisant été de l'arrestation de de Dellagnolo source SHD

Annotation de MM Fourcade qui évoque "une attitude louche"


A Dijon,  le service de contre-espionnage ("AST" ), rattaché à  l'état major de l'Abwehr,  est  important (27 officiers et beaucoup de personnel). On y gère un fichier central afin de lister les noms de résistants et l'organisation du réseau. Ce service mène une traque impitoyable des agents d'Alliance avec, en particulier, l'infiltration d'agents doubles ou "V-Mann" bien payés et protégés par pseudonyme qui ont signé une feuille d'engagement.

Schéma de l'organisationde I'Ast Dijon.
Strasbourg, l'AST qui comprend 80 inspecteurs est divisée en sections spécialisées, elle  se révèle particulièrement brutale.

L'exploitation des renseignements recueillis par l'AST était passée au S.D, qui, 1ui, procédait aux arrestations des agents.
Désormais tous les moyens sont mis pour traquer les résistants,  à la fois par les services de l'Abwehr (AST)  que par la Sipo-SD (Gestapo) épaulée par les collaborationnistes français. Les arrestations seront nombreuses, suite à  un  retournement de résistant arrêté, d'infiltration d'agent double,  de traîtres,  de récupération de documents sur les agents arrêtés.
75%  des arrestations effectuées par le S.D, de Dijon ont pour origine des rapports de l'Ast. Ces rapports
ou renseignements étaient tous secrets et ne portaient pas le nom de l'agent indicateur. Simplement  le numéro rnatricule.
Ainsi début 1943 les allemands possèdent déjà des organigrammes assez complet des réseaux.

Ci-dessous extrait de la structure du secteur Ferme (Calvados) datant de début 1943
Archive allemande originale, "copie de copie", qui comporte plus de 50 indications de résistants, ici présentée en annexe au courrier du BdS IV E transféré par Kdo de Rouen IV E 488/44g du 4 mai 1944
Voir le dossier complet




3 - Les étapes après une arrestation de résistant  

Source : Mémorial de l'Alliance
    • Arrestation, souvent liée à une trahison (résistant retourné), à la présence d'un agent double, avec  l'appui de collaborationnistes (cas pour le secteur Jardin)

    •  Emprisonnement  à la prison "locale" comme Caen.

    • Interrogatoire(s)  toujours particulièrement violents Un double du procès verbal de l'enquête est envoyé à Dijon.

    • Dijon : les services  traitent tous les dossiers afin de les croiser et de les raccorder aux autres arrestations

    • Fresnes: en principe, après l'interrogatoire en prison locale, le prisonnier est transféré à Fresnes. Là, les interrogatoires (et tortures) se poursuivent, divers lieux possibles :
      •  au cœur de la prison
      • 11 rue des Saussaies devenu en 1940, le siège de la Police de Sûreté Allemande, qui comprenait dans ses services, la section IV connue sous le nom de Gestapo 
      •  72 avenue Foch siège de la Sipo-SD ou Gestapo

    • Transfert du prisonnier soit
      • Camp de Schirmeck  en Alsace:  camp de transit, avec un centre d'interrogatoire où sont détenus des résistants locaux et nationaux, des juifs, des mineurs polonais, des Allemands opposés au nazisme réfugiés en France, etc., avant d’être dirigés, 
      • sous le statut NN, vers les camps de concentration ou d'extermination.

      • Diverses prisons allemandes du pays  de Bade (S-Ouest de l'Allemagne,  région couloir comprenant une partie de la plaine du Rhin et de la Forêt-Noire.) 

      • Ainsi entre décembre 1943 et janvier 1944, 128 membres du réseau, 114 hommes et 14 femmes furent déportés dans des convois de 35 à 40 personnes quittant Paris
        -71 déportés furent incarcérés dans la prison de Kelh,  près de Strasbourg sur la rive droite du Rhin ;
        -27 dans celle de Pforzheim, ville située entre Karlsruhe et Stuttgart;
        -15 à Fribourg puis transférés à Schwabisch-Hall, prison au Nord de Stuttgart, 10 à Rastatt, 4 à Offenburg et 1 à Karlsrühe.
        Au moins 53 de ces résistants furent condamnés à mort lors des procès qui se déroulèrent entre fin décembre 1943 et  juin 1944.  Après avoir été détenus dans des conditions particulièrement inhumaines, puisqu’ enfermés dans des cellules individuelles, ils ne purent en sortir que le jour de leur exécution, ces condamnés furent fusillés dans des prisons du Reich.


    • L'Instruction du  dossier se continue  en vue du procès
      • avec de nouveaux interrogatoires  souvent menés par l'Abwehrstelle de Strasbourg, nommé J Gehrum, chef de la Sicherheitspolizei, qui chapeaute la Gestapo et la Kripo.
      • Préparation du jugement auprès du tribunal de guerre du III Reich basé sur les procès verbaux d'interrogatoires
          .
    • Jugement. La plupart des procès se sont déroulés au tribunal du Grand Reich  à Fribourg en Brisgau  : 3 sessions eurent lieu successivement à quelques mois d'intervalle : la première en décembre 1941, la seconde en mars et avril 1944,, la troisième en juin 1944.
      Avant l'ouverture du procès, les détenus recevaient la visite de leurs avocats. Ceux-ci désignés par le Tribunal militaire du Reich.

      Les jugements aboutirent à la même conclusion : peine de mort, même pour les femmes, du fait que l'accusé s'était rendu coupable d'espionnage. Cela, malgré l'assurance donnée à Paris au colonel Léon FAYE lors de son arrestation, que son organisation étant une organisation militaire, tous les membres détenus de l'Alliance seraient considérés comme prisonniers de guerre, ne subiraient aucun jugement et attendraient la fin de la guerre dans les camps.
      Les détenus ( N.N.) ne furent pas pendus mais bien fusillés, exception faite de quatre femmes graciées  provisoirement.

      La première session du Tribunal de Fribourg eut pour corollaire la fusillade de Karlsruhe, la seconde celle de Ludwigsbourg et la troisième celle d'Heilbronn, ainsi que plus tard, les massacres de Fribourg et de Sonnenbourg. Les massacres du Struthof et de la Forêt Noire eurent lieu par ordre direct de I'O.K.W. Berlin.  =>Voir partie 5



    • Premières victimes
      • 1941 :  H Schaerrer, ingénieur marine pris en plein action à la base sous marine de Bassens en juilet1941. IL est interné à la prison de Fresnes. Condamné à mort le 4 novembre 1941 par le tribunal militaire allemand de Paris, il est fusillé après quatre mois de détention, le 13 novembre 1941 au Mont Valérien. Probablement le premier fusillé du réseau Alliance.
      • 1942 : Internement de 9  agents de la région Nord, procès en nov 1942, ils sont  fusillés.
      • 1943 : nombreuses actions de police partout en France : Gannat (1 agent assassiné le 9 mars), Fort de Bondues (3 agents le 30 mars et 1 agent le 30 juin),  Fort de Romainville (4 agents le 2 octobre), Dijon (1 agent meurt sous la torture le 4 nov) région de Lyon 2 agents  en fin d'année) 
4 -Autres procédures

Bien entendu, la procédure ci-dessus n'est pas toujours appliquée !
Il existe de nombreuses exécutions isolées ou massacres lors d'arrestations locales, comme le massacre de la prison de Caen le 6 juin 1944 de 75 à 80 résistants dont 16 d'Alliance, secteur Jardin.

Prison de Caen, cérémonie pour le 75° anniversaire, avec la plaque souvenir et les portraits des fusillés


5- Les prisonniers d'Alliance dans les camps sont massacrés

Après l'armistice, Marie-Madeleine Méric,  accompagnée de Rodriguez "Pie" parcourent les prisons de l'est de la France et allemandes pour retrouver la trace des membres de l'Alliance disparus : en mai 1945, 700 sont encore portés manquants. 

Note : L’avancée de l’armée américaine commandée par le Général Patton, qui, le 30 août 1944, avait atteint la Moselle, aurait déterminé les nazis au massacre des membres du réseau Alliance détenus à Schirmeck. 
    • Camp de Schirmeck  en Alsace : les prisonniers  sont transférés en septembre au camp de concentration du Struthof,  au pour la plupart non jugés total, 108 membres d'Alliance dont 16femmes de tous les secteurs (et uniquement du réseau Alliance) sont exécutés par groupes de 12 et incinérés dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944. Seul  un  médecin  et une femme ont été épargnés.  Dans ce camp on trouve la plupart des agents arrêtés fin 1943 qui étaient impliqués dans le renseignement des bases sous marines et chantiers navals.

      Plaque à la mémoire des membres du réseau Alliance, assassinés dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944 au KL Natzweiler (Struthof)

Note: En novembre 1944, alors que l’armée américaine, commandée par le Général Patton, atteignait le Rhin, les nazis organisaient les massacres des autres membres du réseau Alliance détenus dans des prisons du Reich : ce fut "la semaine sanglante de la Forêt noire" du 20 au 30 novembre 1944. 
De tous les détenus de l'Alliance  écroués dans les prisons du pays de Bade, seuls sont revenus parmi nous ceux qui, ayant été transférés dans des camps lointains eurent ainsi l' ultime chance d'échapper  à la  mort certaine qui les attendait dans le district de l'Ast-Strasbourg.

    • Prison de Kehl,  (de l'autre côté du Rhin, face à Strasbourg) on trouve le passage de Paul Bernard et  Rodriguez, mais également la confirmation de l'exécution de 9 détenus d'Alliance le 23 novembre 1944 emmenés, deux par deux, près du Rhin, non loin d’un blockhaus où ils sont  exécutés et jetés dans le fleuve. 

    •  Rastatt, (30 km au nord de Kehl) 12  hommes de Kauffmann ont été tués le 24 novembre , les prisonniers furent assassinés 2 par 2 et les corps furent jetés dans le fleuve. Le 27 novembre, 4 femmes  sont tuées et enterrées dans la forêt de Rammersweier, prés d'Offenbourg le 27 novembre

    • Bühl le 28 novembre, membres du réseau d'Autun sont abattus et jetés dans le Rhin

    • Prison de Pforzheim, 30 novembre, 26  personnes dont 8 femmes, tous de l'Alliance, sont exécutés dans un bois, les corps jetés dans une carrière de graviers

    • Camp de Gaggenaule  30 novembre, 9 hommes de Kœnigswerther, ils finissent dans un charnier dans la forêt de Ratenow où  ils furent exhumés, reconnus et aussitôt transférés à Strasbourg

    • À Frisbourg-en-Brisgau, les condamnés à mort des différents procès ont été transférés dans d'autres prisons sauf   d'entre eux qui sont  exécutés sur place le 28 novembre 1944, dont Kauffmann .
      • À Schwäbisch Hall, (où était Rodriguez-Redington) MM Méric  retrouve les corps des 24 compagnons de cellule de Rodriguez-Redington, exécutés le 20 août 1944 :
      • Sonnenburg, en zone soviétique, se déroule  le massacre des prisonniers effectués le 30 janvier 1945, devant l'avancée de l'Armée rouge, (au total, 819 corps sont trouvés par les soldats soviétiques le 31 janvier). Faye y est assassiné mais son corps ne sera pas identifié.
      • À la prison Ludwigsburg, destination la plus fréquente,  les tombes des prisonniers exécutés sont retrouvées. 13 membres de l'Alliance, du Nord, de Vichy ou de Marseille, sont enterrés là.
      • À Bruchsal, on retrouve le testament de Faye. Le 3 janvier Faye est transféré à Sonnenburg.
      • Près du cimetière de Karlsruhe reposent les corps des 13  fusillés du 1er avril 1944

  • 98 autres membres du réseau (92 hommes et 6 femmes) sont morts ou ont disparu durant leur déportation dans les camps.
Ces exécutions (qui sont connues plus tard sous le nom de  "Schwarzwälder Blutwoche" ou   "Semaine sanglante de la Forêt-Noire"  répondent, à des ordres précis de la hiérarchie de la  Sipo Sicherheitspolizei , et de la Gestapo de Strasbourg  favorables à une destruction systématique de l'Alliance.
Compléments et détails ( biographies et photos) sur le PDF du "Mémorial de l'Alliance"


6 - Bilan

Sur quelques 3000 agents que compta le réseau Alliance entre 1940 et 1944:
  • 437 agents sont officiellement reconnus morts pour la France (fusillés, massacrés, disparus) soit 15%
  • 555  membres du réseau ont été déportés vers un  camp de concentration ou parfois dans une prison (certains  n’avaient pu être jugés, d'autres ne furent pas condamnés à mort mais furent tous  déportés
    • 375 sont morts (décès  ou exécutions ou  disparus) soit 68%
    • 180 retours (1/3 de femmes) soit 32%
Ainsi les retours de responsables d'Alliance :   Loustaunau Lacau libéré en avril 1945 après la "marche à la mort", Ferdinand Rodriguez (Pie, le radio anglais) miraculeusement le 14 janvier 1945 (échange), Paul Bernard transféré à la prison de Moabit, à Berlin, d'où il sort le 22 avril 1945

Données issues de l'ouvrage de G Caraes

Sources variées