Brève synthèse historique du secteur Jardin du Réseau Alliance
réalisée à partir des publications sur ce site
Pour une première approche très simplifiée, voir les deux chronologies dynamiques et illustrées:
1- Le réseau Alliance
2- Du rôle fondamental de Jean Sainteny
3- Marcel Couliboeuf, l'instituteur de Formigny le premier responsable
4- Robert Douin, l'artiste dessinateur de cartes, qui dirige ensuite le réseau
5- Des Sous-secteurs actifs à Villers Bocage et à Saint Laurent sur mer/Vierville sur mer
6- Les Arrestations du printemps 1944
7- Emprisonnement et interrogatoires
8- Le 6 juin 1944 : Les exécutions
1- Le réseau Alliance
Le réseau "Alliance", réseau de renseignements français lié aux britanniques (MI 16), a été fondé en 1940 par Georges Loustaunau-Lacau arrêté en 1941, puis repris par Marie Madeleine Méric (Fourcade) dit "Hérisson" (1941-1943, départ à Londres) qui le dirige avec son ami Faye le responsable militaire. Les services allemands appellent ce réseau "l'Arche de Noë" en raison des pseudonymes de ses agents avec un nom d'animal: Civette, Bison noir...
Le réseau "Alliance" est un réseau spécifique, orienté vers le renseignement, non armé, financé et équipé en matériel de radio par le MI6 anglais (Intelligence Service) qui recevait directement les informations. Il a démarré en zone libre (sud-ouest de la France), puis son activité s'est rapidement étendue à l'ensemble de la France, et donc dans le Calvados. Très tôt, en 1941 le réseau connaîtra une vague d'arrestations (
Loustaunau-Lacau qui sera finalement déporté) ce qui nécessitera une réorganisation complète très hiérarchisée avec
Marie Madeleine Méric à sa tête accompagnée de
Faye le responsable militaire.
Début 1943, Faye rencontre De Gaulle puis Giraud, désormais le réseau se nomme officiellement Alliance.
Ensuite se multiplient les trahisons (Alamichel), des infiltrations d'agents double, aussi Alliance connaitra beaucoup d'arrestations en 1943 comme celle
Faye qui sera déporté. Sans cesse, il faudra se réorganiser, déplacer le PC, pour continuer le renseignement jusqu' à la libération totale.
Ce réseau qui s'étend à toute la France en comptant jusqu'à 1000 membres permanents, sera le plus grand réseau pour le renseignement et sera le seul commandé par une femme.
En 1942, Faye le responsable militaire du réseau réorganise le renseignement qui est désormais étendu à toute la France,
il la divise en grandes régions ou secteurs dont le secteur Normandie, commandé par Jean Roger dit "Sainteny" ou "Dragon" ; il possède une résidence secondaire à Aignerville, dans le Bessin, où, très tôt, il crée une base de résistants. Ce vaste secteur était lui même divisé, avec les sous secteurs "Ferme" (Caen, Evreux) et "Fleuri" (Alençon, Angers), eux-mêmes divisés en secteurs locaux dont le secteur du Calvados (surtout partie Ouest) nommé "Jardin".
"Jardin" est d'abord dirigé par l'instituteur de Formigny, Couliboeuf, menacé, il doit s'enfuir fin 1943 ; lui succède
Robert Douin dit "Civette, artiste peintre à Caen, il centralise tous les renseignements fournis par les divers sous secteurs. A partir de 1943, le choix des côtes normandes étant réalisé pour le débarquement, l'Intelligence service demande au réseau Alliance, secteur Ferme, de recueillir le maximum d'informations sur les fortifications du littoral. Ainsi Douin sollicite les agents du sous secteur "Jardin" afin de dresser des cartes très précises localisant toutes les activités et constructions allemandes de la région, d'autant plus difficile à réaliser que le littoral est une "zone interdite". Le secteur Jardin, est parfaitement organisé localement avec une quarantaine de membres actifs répartis en sous secteurs, et, avec un jeune agent de liaison entre Paris et le Calvados, Jean Truffaut alias "Tadorne".
2- Du rôle fondamental de Jean Sainteny
L'origine du sous secteur Jardin est étroitement lié à la présence de Jean Roger (alias Dragon ou Sainteny) à Aignerville ou il possède une résidence secondaire. Démobilisé, il devient résistant dés 1940, et commence à grouper autour de lui des éléments résolus à recueillir des renseignements sur l'état et l'organisation des défenses allemandes en Normandie. Puis en octobre 1940, il est en contact avec le fondateur du réseau de renseignements "Alliance", Navarre (alias Loustaunau-Lacau).
Jean Roger, devenu Jean Sainteny, est arrêté une première fois par la Wehrmacht en septembre 1941 à Colleville-sur-Mer. Incarcéré à Caen et traduit en cour martiale, il est relâché faute de preuves un mois plus tard. Il poursuit son activité, effectuant des missions de liaison en zone sud et franchit 13 fois la ligne de démarcation clandestinement.
En 1941, est créé le
secteur Normandie, commandé par
Jean Roger dit "Sainteny" ou "Dragon" Ce vaste secteur est lui même divisé en
sous secteurs qui s'agrandiront et évolueront dans le temps comme
"Ferme" qui correspond à la Manche, Calvados et Seine inférieure .
"Ferme" est également divisé en 4 autres secteurs dont le Calvados, surtout dans le Bessin, sous secteur "Jardin", que Jean Sainteny dirige, au début, de sa résidence secondaire d' Aignerville près de Trévières.
Sainteny fédère son équipe avec d'autres résistants locaux : Paul Bernier de Port en Bessin, et surtout avec l'instituteur de Formigny, Marcel Couliboeuf dit "Bison noir" qui deviendra le chef et la boîte aux lettres du groupe "Jardin" aidé par Rodriguez dit "Pie", qui installe des radios.
3- Marcel Couliboeuf, l'instituteur de Formigny le premier responsable
On connait mal le parcours de Marcel Couliboeuf, l'instituteur de Formigny, âgé de 47 ans ( ?) souvent appelé le "professeur" et surnommé "Bison noir". Toutefois, il apparait clairement qu'il est l'artisan du développement du secteur Jardin, son nom revient systématiquement car il connait tous les responsables locaux et a été très actif dans le Calvados
Il rentre tôt dans la résistance, probablement dès 1941, Roger Sainteny le contacte. A sa demande, il organise le secteur Jardin, en devient le responsable et recrute activement des informateurs comme Boulard et Primaut ; il est en contact étroit avec Douin, Caby, Truffaut et, surtout, Thomine qu'il rencontre "presque chaque semaine". Rodriguez (dit "Pie"), met à sa disposition une radio à Bayeux dans la "Maison des Gouverneurs" gérée par deux institutrice qui servent de boite aux lettres : Julia Picot et Germaine Limeul. (décorées de la Rosette en 1946).
Il rentre en clandestinité en Novembre 1943, suite à des arrestations de membres d'Alliance en Bretagne. Les allemands l'avaient identifié comme "chef de l'organisation de la Ferme".
Il trouve refuge dans le Poitou et aurait regroupé autour de lui des réfractaires du STO entre Chatelleraut et Montmorillon, groupe qui formera ensuite les maquis de Saint Savin et de Nalliers en juin 1944. On ne sait ce qu’il est devenu ensuite.
C'est Douin qui va lui succéder pour encadrer le réseau.
4- Robert Douin, l'artiste dessinateur de cartes, qui dirige ensuite le réseau
Robert Douin est issu d'une lignée de sculpteurs et naturellement il aura une carrière artistique de sculpteur et peintre. Il est d'ailleurs nommé directeur de l’École des Beaux-Arts de Caen en 1930, il prend ainsi la succession de son père.Lorsque débute l'Occupation, il prend tous les risques. Dès la fin de l’année 1940, il adhère au mouvement de Résistance l’Armée des Volontaires, aux côtés de Léonard Gille mais aussi Odette et René Duchez.
A partir du 1er février 1943, c'est au sein du réseau Alliance qu'il agit. Il en devient même le chef départemental après la fuite de Couliboeuf et demeure en liaison étroite avec Sainteny ainsi qu'avec la boite aux lettres Primaut et Truffaut (Tadorne) l'agent de liaison du réseau.
Profitant de ses fréquents déplacements sur la côte du Calvados pour restaurer des œuvres d’art, il dresse de nombreux plans des fortifications allemandes et les fait transmettre à Londres. Il met ainsi ses compétences artistiques au service de la Résistance. Lors des vacances scolaires, son fils Rémy, âgé de 14 ans en 1941, l’accompagne dans ses missions de reconnaissance et de relevé des défenses allemandes. Utilisant les cartes d’Etat major au 1/10 000, il indique sur des calques, les relevés des défenses faits dans la journée par lui ou par ses agents. Les plans sont soigneusement mis dans un cylindre dissimulé dans une gouttière. Récupérés par un agent de liaison, un avion Lysander les achemine à Londres. Ainsi, il a établi une carte de 17 mètres de long, de toute la côte fortifiée du Calvados à une échelle extrêmement précise, destinée à l’Intelligence Service de Londres qui la réceptionne une semaine avant son arrestation
Il avait en outre dissimulé un émetteur radio dans le clocher de l’église Saint-Nicolas, à Caen d’où il émettait vers Londres. Mais il est dénoncé par un agent double ayant infiltré le réseau et est arrêté par la Gestapo sur un chantier à Caen le 17 mars 1944 non loin du stade Hélitas.
5-Des Sous-secteurs actifs à Villers Bocage et à Saint Laurent sur mer/Vierville sur mer
Bien encadré le réseau Alliance tisse sa toile dans le Calvados, les personnes qui seront recrutées dans chaque sous secteur, sont le plus souvent proches, des amis, voisins, collègues de travail, ce qui permet d'établir un réseau de confiance réciproque.
A Villers Bocage, Jean Caby, bien qu'il ait eu un passage au groupe "Collaboration" va très rapidement le quitter pour se tourner d'abord vers Giraud puis vers la résistance, par l'intermédiaire de Thomine et Couliboeuf qui réussissent à le convaincre de rejoindre Alliance ce qui lui permettra de rencontrer Sainteny. Il va devenir l'opérateur radio d'Alliance, ce qui est facilité par son métier d'électricien, réparateur de radios. Ensuite, il contacte ses nombreux camarades et recrute un petit groupe actif autour de Villers Bocage dont il devient le responsable, aidé par son ami Jean Lebaron, ancien membre du réseau Hector. Ce groupe avec Loslier, Margerie, Langeard, Robert et Aubin (membre OCM) devait, en particulier préparer l'arrivée futur de "troupes anglaises".
Dans le secteur de Trévières et sur le littoral de Saint Laurent-Vierville , là où à démarrer la résistance avec Sainteny et Couliboeuf, c'est un petit groupe d'amis, voisins et collègues de travail (facteur) qui va se former avec Lemière, Anne et Boulard. Leur activité principale est le renseignement facilité par leur possibilité de se déplacer quotidiennement pour leur métier, ainsi ils recueilleront de nombreuses informations sur le littoral du futur "Omaha Beach" qu'ils transmettent à Douin.
De même se formeront de petits groupes dans diverse localités, souvent le recrutement se fait parmi les proches comme des pêcheurs à Port en Bessin autour de Georges Thomine.
Il existe aussi des groupes, plus petits, disséminés dans le Bessin ( voir l'organigramme) et de fortes individualités qui travaillent dans l'ombre comme Guy de Saint Pol en multipliant ses contributions auprès de Douin et en hébergeant des personnes recherchées , ou comme Antoine de Touchet à la fois informateur du secteur Alliance de Caen et commandant en second de l’ORA du Calvados. (Organisation de la Résistance Armée ) 6-Les Arrestations du printemps 1944
L'ensemble du groupe Alliance a connu, en automne 1943, une nouvelle vague d'arrestations au niveau national, surtout en Bretagne ; la Normandie ne fut pas touchée, toutefois Coulibeuf (Bison noir) de Formigny s'enfuit et disparaît... ainsi que Rodriguez dit Pie" qui sera arrêté un peu plus tard. Mais le 14 mars 1944 la Gestapo renouvelle ses arrestations et organise un coup de filet important et procède, en particulier, à l'arrestation à Paris d' agents de liaison, dont "Tadorne", Jean Truffaut, l'intermédiaire de R Douin qui était en possession de documents importants.
Dans le Calvados, le 17 mars 1944 une rafle dirigée par la Gestapo entraîne l'arrestation de Robert Douin, le chef départemental, Georges Thomine marin pêcheur de Port en Bessin, Jean Caby de Villers Bocage avec sa femme Marcelle Caby, et Guy de Saint Pol. Ils sont placés au secret, à l'isolement pendant 6 semaines. La Gestapo va les martyriser pour obtenir des renseignements. Les interrogatoires sont très violents, malgré tout ils parviennent à ne dire que le minimum, ce que la Gestapo sait déjà, en restant flou et imprécis. Leur résidence est fouillée par la "La bande à Hervé", des collaborateurs très violents, mais on ne trouve rien de compromettant.
Fin avril, les arrestations continuent. Le 20 avril 1944, Maurice Primault, boîte à lettres du réseau, est arrêté à Caen par la Gestapo accompagnée de Daniel Collard, agent de la bande Hervé. Le 28 avril 1944 le commandant Antoine de Touchet est arrêté.
Deux semaines plus tard tous les membres du réseau sont arrêtés de manière identique par des gestapistes accompagnés de français membres de la "La bande à Hervé", collaborateurs notoires
. Dans le secteur de Villers Bocage sont arrêtés, le 4 mai 1944, René Loslier de Jurques, Ernest Margerie d'Anctoville, Marcel Chiron , Julien Thorel, André Aubin tous de Villers-Bocage ainsi que Jean Lebaron, Marcel Marié d' Epinay-sur-Odon , Joseph Langeard de Villy-Bocage, André Robert de Longvillers.Le lendemain, le 5 mai 1944 dans le secteur de Saint Laurent sur mer sont arrêtés par une voiture noire
Désiré Lemière lors de sa tournée à vélo, Olard, facteur à Saint Laurent, puis ce sera le tour d'Albert Anne, le forgeron d' Asnières, et Robert Boulard, le facteur de Trévières. La série d'arrestations se termine avec Auguste Duval boucher à Ouistreham qui est arrêté par "Albert" et Collard.
Tous sont internés à la prison de Caen où ils sont régulièrement extraits de leur geôle, pour être interrogés, sous la torture, rue des Jacobins. En fait, ce sont des français, qui aident la la gestapo pour arrêter les résistants. Les interrogatoires de la Gestapo sont terribles, les résistants sont torturés et soumis à des conditions très difficiles.
Le réseau alliance du Calvados " Jardin" est donc décapité Très rapidement quatre personnes qui n'appartiennent pas au groupe Alliance seront libérées : Charles Olard, Marcelle Caby (épouse membre Alliance) Julien Thorel, Marcel Chiron, ils auront passé moins d'une semaine en prison sans être, semble-t-il, interrogés. Leur arrestation semble être due à leur proximité avec des résistants comme membre de famille ou collègue de travail ou voisin.
7- Emprisonnement et interrogatoires
Détenus dans la maison d'Arrêt de Caen, ils sont placée sous l'autorité des allemands de la Feldkommandantur à l'hôtel Malherbe. La prison est surpeuplée avec des conditions de vie et d'hygiène inquiétantes. La vie est particulièrement dure, règlements stricts et interdictions dominent aussi coups et punitions arrivent vite. Les cellules, avec 2 à 3 détenus, sont étroites, sombres et bruyantes. Les détenus, n'ayant pas le droit de s'allonger le jour, tournent en rond, rien pour s'occuper, la journée est longue : on attend le jus du matin et la soupe du midi et du soir avec un morceau de pain, et tout doit être très propre. Un seau d'eau pour la journée pour tout faire : boire, laver et nettoyer le tinettes.
Régulièrement, des détenus sont extraits de leur cellule pour être interrogés par la Gestapo, rue des Jacobins, "la séance du tribunal" selon les prisonniers qui savent qu'ils vont connaitre un long moment terrible et redouté. Arrivés, ils attendent longuement menottés à un radiateur, puis ils entrent dans une pièce capitonnée avec, au centre, une chaise et une table. Dessus le matériel des bourreaux: barres de caoutchouc, nerfs de bœuf, ... Ils en ressortent anéantis, meurtris et ensanglantés.
Tous les résistants ont été interrogés, dans des conditions difficiles, désormais les rapports allemands des interrogatoires apportent des précisions. Si certains rapports sont longs, la plupart sont courts, il faut absolument prendre en considération le fait que la Gestapo était déjà très bien informée sur les membres du réseau Alliance, secteur Jardin : tous les noms et les alias des résistants sont connus, de même pour leur activité basée sur le renseignement et une aide en cas de débarquement allié, ce qui est confirmé par le fait que tous les membres, sans exception, sont arrêtés. Aussi lors de l’interrogatoire, il est inutile de nier ce que les allemands connaissent, ce que font tous les interrogés sauf un, qui, par principe, nie tout systématiquement. Mieux vaut parler... un peu pour éviter quelques coups violents. Seuls les dirigeants du réseau, les premiers arrêtés, assument leur rôle puisque la Gestapo connait déjà l’essentiel, aussi sont-ils plus loquaces d'autant que la violence est permanente, toutefois leur propos se limitent au minimum indispensable sans rien apporter de nouveau.
Par contre, pour les autres résistants, les derniers arrêtés, le rapport est beaucoup court ; on constate le flou et les imprécisions des réponses, l'ambiguïté du vocabulaire, le fait que chacun minimise son rôle et son action, sans trop rien dire sur les autres membres. Ils insistent beaucoup sur un petit rôle éventuel dans le futur en cas de débarquement.
De fait, on peut penser que dans la prison, ils ont pu avoir la possibilité de communiquer, un minimum, entre eux et, ainsi, savoir ce qu’ils pouvaient dire ou non lors des interrogatoires, en fonction de ce qu’avaient déclaré les premiers arrêtés.
Au final, les rapports d’interrogatoires n’apportent pas aux allemands de nouvelles informations, du moins rien d’important, ils ont simplement confirmation de ce qu’ils savent déjà, les noms fournis correspondent aux résistants déjà arrêtés ou en clandestinité. Aucun nouveau nom de résistant n'est cité.
D'ailleurs la Gestapo, dans son rapport final, qualifie les renseignements apportés comme "vagues et insuffisants"" et précise que le service de renseignement "n'était pas très dangereux". Une lourde erreur d'appréciation lorsque l'on connait l'importance des renseignements fournis par ce groupe dont la fameuse carte de Douin ; il semble que les interrogatoires ont, en partie, berné les allemands puisque les résistants évoquent essentiellement, comme rôle, un éventuelle aide lorsque les "anglais" débarqueront.
En cas de débarquement, le commandant allemand de la prison doit appliquer les consignes prévues en cas d'alerte, envoyer tous les prisonniers de la Gestapo en Allemagne afin d'éviter qu'ils ne tombent aux mains des Alliés. Pour les autres détenus, en attente d'être jugés, deux possibilités selon la gravité des accusations qui pèsent contre eux, soit la en déportation vers l'Allemagne, soit la liberté. Dans la nuit du 5 au 6 juin, le chef de la Gestapo Heyns est averti de la réalité du débarquement et de la possibilité de l'arrivée rapide de l'ennemi à Caen. Aussi doit-il appliquer les instructions : trier et détruire les dossiers, rue des Jacobins par ses hommes avant de s'enfuir vers Falaise. Très vite les allemands s'aperçoivent que transporter des prisonniers est impossible, la gare de Caen est détruite par les bombardements alliés, aucun camion n'est disponible. La Gestapo s'affole et semble dépassée par les évènements.A 8 heures du matin, la Gestapo présente une liste de 50 noms de prisonniers à exécuter. Très vite, les portes des cellules s'ouvrent, des noms sont criés :"les mains sur la tète ! Dehors, Vite! Inutile de prendre vos paquets". Conduits dans les courettes de promenade de la prison, par groupes de 6 ou 8 , ils sont assassinés d'une rafale de mitraillette puis achevés d'un coup de pistolet par les hommes de la Gestapo. 75 à 80 prisonniers seront exécutés le 6 juin 1944 dont la totalité des membres du réseau Alliance. Tous font preuve d'un courage exemplaire.
Les corps des fusillés sont enterrés dans des tranchées creusées à la hâte et recouvertes de chaux. Les courettes sont nettoyées des traces de sang à coups de seau d'eau. Au matin, certains prisonniers sont remis en liberté, d'autres, une vingtaine de rescapés, sont évacués, à pied, vers Paris.
Désormais la prison de Caen est vide.
A la fin du mois de juin, devant l’avancée des armées de libération, les responsables régionaux de la Gestapo donnent l’ordre de faire totalement disparaître les corps. Le SD (service de renseignement des SS) veut faire déterrer les corps pour masquer les preuves de ce crime de guerre. Les Allemands passent à l’action le 29 juin. Ils font faire cette salle besogne par des Français comme ils n’ont plus de détenus à Caen. Ils en réquisitionnent huit à la prison des Ducs, à Alençon. Les cadavres sont exhumés et partent pour une destination, toujours inconnue aujourd'hui. Les historiens pensent, sans certitude, à partir des nombreux témoignages souvent contradictoires, que les corps exhumés ont été réinhumés en plusieurs endroits dans le même secteur, aux environs de Caen, probablement à l'Ouest, en direction de Bayeux, ou vers le Sud-Ouest (proximité de Falaise) en effet, fin juin, les alliés bloquent la ville, ils sont aux portes de Caen, dont tous les ponts sur l'Orne sont détruits.
Conclusion
Si le réseau Alliance, secteur Jardin est complètement anéanti en 1944 dans le Calvados, il continuera son activité en France jusqu'à la libération totale avec le retour de
Marie Madeleine Méric aidée de
Jean Roger alias "Sainteny" qui suivent l'avance des
troupes de libération et rejoignent la ligne de front pour faire du renseignement. Après la guerre
Marie-Madeleine Méric crée l'Association Amicale Alliance, elle fait établir la liste des 432 morts et disparus parmi le millier d'arrestations et s'occupe de faire homologuer chaque membre d'Alliance.
Chaque année le 6 juin, à la prison de Caen, une cérémonie officielle rend hommage à ces héros de la résistance. Fin 2021, est publié un ouvrage
"Le réseau Alliance" de G Caraes qui présente le réseau Alliance en évoquant, par le détail, tous les résistants disparus dans des conditions dramatiques.
Complément: Tableau de synthèse